DE LA PEINTURE A LA MUSIQUE…SANS TRANSITION
BAYE GALLO SARR, TOUCHE-A-TOUT ARTISTIQUE
Il expose entre le Sénégal où il est né, la France où il s’est installé, Luxembourg où il va aussi, et même à Nouméa. Baye Gallo Sarr est artiste plasticien, en plus d’être sculpteur, chanteur et musicien pour ne pas dire percussionniste. Mais ce n’est pas comme s’il était fragmenté, cloisonné ou compartimenté. De passage dans son pays où il se débrouille toujours pour passer deux mois dans l’année, l’artiste a partagé avec nous quelques-uns de ses projets : deux albums, tous deux prévus pour 2016. L’artiste, qui raconte qu’il a commencé par le zikr, avoue aussi qu’il est un inconditionnel de chanteurs comme Wasis Diop et Cheikh Lô.
Certains vous diront qu’une œuvre d’art, ça ne se décode pas, ne se déchiffre ou ne se justifie pas, même après-coup, que ce soit pour défendre quelque choix artistique plus ou moins assumé, ou alors pour décrypter millimètre de toile par millimètre de toile, en commençant par le titre par exemple. Chez quelqu’un comme Baye Gallo Sarr, c’est simple, vous n’en trouverez pas. Pas d’intitulé, fût-il bien tourné, pas de titre sur commande ou rajouté à la hâte, parce que le tableau serait nu sans cela ou parce qu’il en faudrait un, tout simplement…L’artiste n’est pas vraiment du genre à se prendre la tête ou à embastiller ses œuvres : pas de thème prédéfini qui viendrait brider son élan, il se contentera plutôt d’attendre que ça morde, ou que ça prenne. «Il y a toujours des choses qui vous échappent», dit l’artiste, en toute lucidité, lui qui avoue tout de même qu’il n’a jamais vraiment appris à peindre ou à sculpter, du moins pas de façon classique ni conventionnelle. Et son statut d’ «autodidacte», il l’assume parfaitement.
Mais on ne l’imaginerait pas, sinon difficilement, faire autre chose de sa vie. Et pas besoin non plus de convaincre son entourage qu’il avait quelque chose à résoudre avec l’art : tout le monde s’en était déjà rendu compte, se souvient-il. Mais Baye Gallo Sarr n’est pas un homme pressé. Il raconte d’ailleurs comment il a su prendre le temps de trouver la mystérieuse matière qui lui correspondrait parfaitement. Techniquement, l’artiste travaille avec quelque chose d’aussi original que le marc de café, que l’on utilise surtout pour le jardinage ou, de façon moins rationnelle, pour lire l’avenir. Il dit d’ailleurs qu’il est le premier à l’avoir fait, en cherchant quelque chose d’assez naturel pour le tenter, et après l’avoir ensuite testé à plusieurs reprises.
QUAND L’IMAGE VOLE AU SECOURS DU SON
Ce sont des toiles comme celles-là que vous verrez exposées pendant ses concerts. Parce que l’artiste est à la fois peintre, sculpteur, chanteur, et percussionniste, à tel point qu’on en ferait très vite quelqu’un de fragmenté, cloisonné, compartimenté et bien rangé: plasticien dans une boîte, chanteur ou musicien dans une autre…Mais pas du tout. Lorsque la musique a plus ou moins de mal à aller au bout de son message à lui, c’est la peinture qui vole à son secours et qui lui prête ses mots, sinon ses images, ne serait-ce que pour l’empêcher de faire de l’à-peu-près musical ou quelque chose d’inabouti. Chanteur oui, musicien aussi, mais encore faudrait-il faire œuvre utile, autrement dit, que ce ne soit pas un ramassis d’incongruités.
Depuis 2008, Baye Gallo Sarr est le chanteur, auteur-compositeur du Mawlana Bande, un groupe qui s’est formé de façon tout à fait «naturelle» ou spontanée, comme il dit, avec lui pour jouer les rassembleurs. Aujourd’hui, les six membres de ce groupe installé en France, où vit l’artiste, peaufinent ce qui sera leur tout prochain album, (après «Yene ak Mane» ou vous et moi), mais accordons les choses au pluriel, puisqu’il y en aura un pour ce mois de juin, et un autre ensuite, qui devrait voir le jour en fin d’année. Intitulé «Samekat», littéralement le berger, le premier album, sous influence flamenco, dit en somme que «nous avons tous nos responsabilités», et que «chacun est à lui-même son propre berger». Dans le second, un opus estampillé «Salam», la musique est à la fois «moderne et spirituelle». On y parle de cette relation très particulière qui lie l’artiste à son guide, Cheikh Ibrahima Niass, mais sans se cantonner à la dimension strictement religieuse des choses, trop réductrice aux yeux de l’artiste, puisque tout y est finalement question de «foi et de conviction».
Baye Gallo Sarr, qui avoue être un inconditionnel de Wasis Diop et de Cheikh Lô, avec des influences musicales calées entre le blues, l’afro et la world music, raconte aussi que c’est dans la cour familiale qu’il a d’abord pris goût à la musique, en voyant faire son oncle. Ce sera ensuite au tour d’un ami de le faire rêver : le guitariste Alassane Thiaré.
Si Baye Gallo Sarr n’est pas aussi connu qu’il le souhaiterait dans son propre pays, c’est peut-être parce qu’il ne se produit pas suffisamment ici. «Pas assez le temps» regrette-t-il, mais ce n’est pas comme s’il n’y songeait jamais. «Quand j’écris, c’est toujours en pensant à mon pays…avec nostalgie», avoue-t-il, même s’il se débrouille toujours comme il peut pour passer deux mois au Sénégal.