L'EXCEPTION OMAR SY
À l’affiche de « Lupin », du dernier film des studios Pixar et du prochain « Jurassic World », l’acteur est au sommet de sa gloire. Mais il reste une exception dans le paysage cinématographique français
En ce début 2021, Omar Sy est incontournable. Il jouit du succès phénoménal de la série Lupin, numéro 1 sur Netflix en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Hollande… et qui a même été durant quelques jours le contenu le plus populaire sur la plateforme aux États-Unis, une première pour une production française. Le 25 décembre 2020, on pouvait l’entendre doubler le personnage principal de Soul, le nouveau film de Pixar. Et il sera bientôt à l’affiche du prochain Jurassic Park.
L’acteur originaire de Trappes en a parcouru du chemin depuis le « SAV des émissions » diffusé dans le Grand Journal de Canal + de 2005 à 2012 avec son comparse Fred Testot. Une carrière exceptionnelle qui doit beaucoup à Intouchables, la comédie dramatique d’Olivier Nakache et Éric Toledano aux 19,44 millions d’entrées en France, et pour lequel il gagnera le César du meilleur acteur en 2012. Ce succès lui ouvre les portes d’Hollywood. Tout en s’imposant comme la personnalité préférée des Français (en 2016), il joue dans de nombreux blockbusters, X-Men, Jurassic World ou même Transformers.
Une exception en France
Mais cette incroyable popularité ne fait pas oublier qu’il reste une exception, l’un des rares acteurs noirs à avoir réussi sa carrière en France et aux États-Unis. Est-ce qu’Omar Sy n’est que l’arbre qui cache la forêt ?
« En France, Omar Sy est le seul acteur noir avec une stature internationale. Alors qu’en Angleterre, qui partage le même passé colonial, on a Idris Elba (The Wire, Mandela), Chiwetel Ejiofor (12 years a slave), David Oyelowo (Selma) », observe Blaise Mendjiwa. Le réalisateur du documentaire Le monde racisé du cinéma français estime que cette différence est idéologique. « La Constitution française ne prend pas en compte l’origine, la couleur de peau. On nie toute spécificité, mais aussi toute inégalité ! Je ne pense pas que l’on peut faire une forêt en niant les racines de chaque arbre », philosophe-t-il.
Il est en réalité très difficile d’avoir une image précise de la présence des acteurs afro-descendants dans le paysage audiovisuel français. Tout simplement parce que les statistiques ethniques sont interdites en France. « Le seul indicateur qui existe est le baromètre de la diversité du CSA. Mais celui-ci n’est pas exempt de défauts puisqu’il agrège dans ses calculs tous les contenus d’une même chaîne, dont les fictions américaines, où la présence d’acteurs noirs est traditionnellement plus importante », rappelle Marie-France Malonga, sociologue des médias spécialiste des représentations sociales et médiatiques des minorités.
Une politique de quotas ?
Ce qui est sûr, c’est que les professionnels afro-descendants dénoncent depuis des années leurs difficultés à trouver des rôles, les discriminations dans les castings… Et quand ils sont choisis, les stéréotypes raciaux ne sont jamais loin. En février 2020, l’actrice Aïssa Maïga (Les Poupées russes, L’écume des jours) a poussé un cri d’alarme sur la scène des Césars. « On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménage à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées… Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille. » Elle s’exprimait presque vingt ans jours pour jours après que Luc Saint-Éloy et Calixthe Beyala s’étaient invités sur la scène de la prestigieuse cérémonie pour dénoncer la sous-représentation, voire l’absence, d’artistes noirs dans le cinéma français. Une initiative qui entraina la création du Baromètre de la diversité du CSA.