L'HISTOIRE DU 4 AVRIL POUR L'INDEPENDANCE DU SENEGAL
Le Sénégal devient une République le 15 novembre 1958. Le 20 août 1960, le pays accède à l’indépendance sous la direction du Président Léopold Sedar Senghor. Pourquoi donc le choix du 4 avril pour célébrer l’indépendance ? Que représente le 4 avril ?
Le Sénégal devient une République le 15 novembre 1958. Le 20 août 1960, le pays accède à l’indépendance sous la direction du Président Léopold Sedar Senghor. Pourquoi donc le choix du 4 avril pour célébrer l’indépendance ? Que représente le 4 avril ? Retour sur une partie de l’histoire moderne et contemporaine du Sénégal.
L’accession à l’indépendance du Sénégal s’est faite selon un processus moins linéaire que celui de la plupart de ses voisins ouest-africains. De fait, la création d’un État fédéral avec le Soudan voisin avait été mise en chantier à partir de 1958-1959, mais s’était soldée par un échec en août 1960. Le Sénégal proclame son indépendance le 20 août 1960, dissociant désormais son destin de celui du Soudan.
Le 4 avril 1960 a été une journée calme à Dakar. Léopold Sédar Senghor, alors président de l’assemblée fédérale de la Fédération du Mali, accompagné de sa famille, arrive le matin par avion régulier d’Air France à l’aéroport de Dakar. Il revient de Paris où il a assisté aux négociations franco-maliennes sur l’indépendance de la Fédération du Mali, réunissant le Sénégal et le Soudan. À sa descente d’avion, de nombreuses personnalités l’accueillent. Dans la salle de réception de l’aéroport, il annonça l’indépendance de la Fédération du Mali pour le mois de juin suivant. Ensuite il déclara : « Et l’Indépendance ne nous sera pas offerte, c’est nous qui proclamerons l’Indépendance du Mali et la France sera la première à nous reconnaître. »
Au même moment, le Premier ministre français, Michel Debré, Modibo Keïta, chef du gouvernement de la Fédération du Mali et premier ministre du Soudan, ainsi que Mamadou Dia, vice-président de la Fédération et premier ministre du Sénégal, signent les accords de transfert de compétences de la Communauté française à la République du Sénégal et à la République soudanaise, groupée au sein de la Fédération du Mali.
Une année auparavant, le 4 avril 1959, le gouvernement de la Fédération du Mali avait été investi par l’assemblée fédérale à Dakar. Par la suite, la Fédération avait adhéré à la Communauté française, créée par le referendum de septembre 1958 (ROCHE, 2001 : 115). Elle avait déclaré son indépendance le 20 juin 1960, après la ratification des accords du 4 avril. De grandes festivités sont programmées pour le 17 janvier 1961 mais celles-ci n’eurent jamais lieu car la Fédération du Mali ne dura pas.
À la veille du 20 août 1960, la Fédération éclata et le Sénégal proclama son indépendance (ROCHE, 2001 : 229-230). Le gouvernement français reconnut la République du Sénégal peu après. La République indépendante du Mali (ancien Soudan) est proclamée, elle, le 22 septembre et reconnue ensuite par le Sénégal et la France. Le Sénégal prévoit une fête officielle de commémoration de l’indépendance pour le 4 avril 1961, premier anniversaire de la signature des accords sur le transfert des compétences.
C’est dans ce contexte particulier – et selon ce calendrier paradoxal – que sont organisées les réjouissances du 4 avril 1961 à Dakar. Senghor, président de la jeune république, y apparaît comme l’homme fort aux côtés de Mamadou Dia (vis-à-vis de qui, pourtant, il commence à exprimer de premières divergences).
Les dignitaires français se sont pressés à Dakar pour honorer le poète-président : on aperçoit ainsi dans la tribune officielle André Malraux, ministre de la Culture, et Gaston Monnerville, président du Sénat français, aux côtés de divers chefs d’État ouest-africains, à l’exemple de Félix Houphouët-Boigny. Le vice-président américain Lyndon Johnson fait également partie des hôtes de marque. Au total, 82 délégations venues de 72 pays ont été reçues en grande pompe.
La place de l’Indépendance est officiellement baptisée à cette occasion. Offices religieux, manifestations sportives et populaires se succèdent, ainsi que des réceptions officielles. On assiste toute la journée à des défilés des troupes, des saint-cyriens, des enfants des écoles, des mères de famille, des anciens combattants, des dignitaires musulmans, des employés municipaux, des ouvriers métallurgistes, des athlètes, des agriculteurs, etc. C’est toute la société sénégalaise qui est mise en scène dans une chorégraphie bien rodée. Le parti du président, l’UPS (Union Progressiste sénégalaise), a œuvré pour que la mobilisation populaire se fasse à grande échelle.
Très réussie, la fête de l’indépendance sénégalaise se caractérise donc par un faste tout particulier et par la dimension internationale que les autorités, Léopold Sedar Senghor en tête, ont voulu lui donner « dans un décor global pensé par le pouvoir » (cf. Susan Baller, « Fêtes célébrées, fêtes supprimées [...] », in Odile Goerg, J.-Luc Martineau et Didier Nativel (dir.), Les indépendances en Afrique. L’événement et ses mémoires, Rennes, PUR, 2013, p. 293-316).
A cet égard, et malgré le caractère paradoxal de la date retenue, la fête du 4 avril 1961 constitue un moment de cristallisation nationale de première importance.
Durant son magistère, le Président Senghor avait d’organiser une fête tournante entre Dakar et les capitales régionales. Abdou Diouf, arrivé au pouvoir dans une conjoncture moins favorable marquée par l’ajustement structurel, a mis fin à cette politique. Tout en permettant aux capitales régionales d’organiser la fête sous la présidence du Gouverneur, lui reste à Dakar pour célébrer la fête. Son successeur, Abdoulaye Wade a voulu adopter la démarche de Senghor, avec Thiès 2004. Un choix qui a fait long feu. Toutefois, jusqu’à Macky Sall, la fête du 4 avril s‘est organisée selon les contextes, soit sous la fortme d’un défilé civil et militaire ou tout simplement, comme cette année 2022, sous la forme d’une prise d’arme réservée aux militaires.