L'ODYSSÉE NOIRE DE JOSEPH GAÏ RAMAKA
Son court-métrage "Wamè", tourné en noir et blanc, fait résonner les corps et les voix pour raconter l'indicible. Un voyage intense où la danse et le chant deviennent les vecteurs d'une histoire universelle
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(SenePlus) - Dans un entretien accordé à RFI, le réalisateur Joseph Gaï Ramaka, Lion d'argent à la Mostra de Venise 1997, dévoile les contours de son nouveau court-métrage « Wamè », présenté au Festival de Clermont-Ferrand. Une œuvre en noir et blanc qui plonge dans les profondeurs de la mémoire collective africaine, entre tragédie et espoir.
Le titre du film, comme l'explique le cinéaste de 72 ans, puise ses racines dans la culture des Lébous, peuple de pêcheurs sénégalais : « Wamè est la force qui donne sa force à la tempête, ce qui fait mouvoir et bouleverser l'océan, ce qui provoque les grandes tempêtes », confie-t-il à RFI.
Le réalisateur construit son récit comme une véritable odyssée africaine, partant de la plage symbolique de Gorée. Les premières images sont saisissantes : des hommes au sol, torses nus, ramant jusqu'à l'épuisement, incarnent cette mémoire douloureuse. « Ces hommes-là sont le travail que je tente de faire sur les mémoires. Elles viennent du profond de l'océan, comme le wamè », explique Ramaka.
L'inspiration du film trouve son origine dans un classique du cinéma : « Cette histoire est née dans les cales d'un bateau, en 1914, dans les cales de E la nave va de Fellini », révèle le réalisateur. Un point de départ qui résonne tragiquement avec l'actualité : « Paradoxalement, les choses n'ont pas tellement changé. Aujourd'hui encore, des hommes meurent en mer, très souvent pas très loin des côtes. »
Le film traverse le temps et l'espace, évoquant aussi bien la Côte d'Ivoire et la Libye contemporaines que le massacre des tirailleurs de Thiaroye en 1944. Les témoignages rapportés sont bruts, sans artifices : « Ce ne sont pas des histoires que j'ai inventées. Ce sont des choses qui se sont réellement passées. Je n'ai pas changé un mot », insiste le cinéaste.
Pour porter cette histoire, Ramaka a fait appel au chanteur Mamadou Goo Ba, figure du Front culturel sénégalais. Le réalisateur voit dans la culture une force salvatrice : « Nous sommes convaincus que si l'humanité a des chances d'être sauvée, ça sera grâce à la culture partagée », conclut-il dans son entretien avec RFI.
À travers le chant et la danse, véritables « cris du corps » selon les mots du réalisateur, « Wamè » transcende le simple récit pour devenir une œuvre universelle sur la mémoire, l'espoir et la nécessité de la paix.