MBOUGAR SARR, DANS LA PLUS SECRÈTE MÉMOIRE DES AUTEURS DE GÉNIE
Le Goncourt du Sénégalais est une consécration pour un auteur noir qui survient 100 ans après celle du Martiniquais René Maran qui fut le premier noir à obtenir le prix Goncourt pour son livre «Bataoula».
Les pronostics de la critique littéraire se sont avérés justes. Le Sénégalais Mouhamed Mbougar Sarr a remporté hier le prestigieux prix Goncourt pour son roman «La plus sécrète mémoire des hommes». Une consécration pour un auteur noir qui survient 100 ans après celle du Martiniquais René Maran qui fut le premier noir à obtenir le prix Goncourt pour son livre «Bataoula».
«Ce livre est un vertige, c’est une prouesse, c’est un très grand livre. Et je pense que l’unanimité de la critique en saluant ce livre ne fait que rendre justice à un texte qui va être fondateur, un texte qui constitue le tournant des lettres africaines», soutenait, il y a quelques semaines, le journaliste et écrivain Elgas sur le roman de Mouhamed Mbougar Sarr avant d’ajouter de manière prémonitoire que c’est un magnifique prix Goncourt. En effet, cet ancien enfant de troupe de 31 ans devient ainsi le plus jeune auteur à gagner le prix Goncourt depuis 1976 et le deuxième écrivain noir, succédant ainsi à René Maran pour son livre «Batouala», 100 ans après. Fils de médecin, Mouhamed Mbougar Sarr a fait ses humanités au prytanée militaire de Saint-Louis-du-Sénégal. Beaucoup de métiers lui venaient en tête à cette époque, médecin, footballeur, militaire, journaliste, avocat, professeur... Et à l’heure des études supérieures, il choisit une autre filière d’élite, les classes préparatoires littéraires en France, dans un lycée de Compiègne, au nord de Paris.
UNE DECLARATION D’AMOUR FAITE A LA LITTERATURE
Dans le livre, le narrateur du roman, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, mène l’enquête pour savoir ce qu’est devenu l’auteur d’un livre mythique et introuvable, “Le Labyrinthe de l’inhumain”. Écrit des décennies plus tôt par un certain TC Elimane, l’ouvrage a connu un immense succès avant d’être descendu en flammes, son auteur accusé de plagiat .Voilà pour le roman. Mais c’est une histoire vraie, très proche, qui l’a inspiré : celle de l’écrivain malien Yambo Ouologuem. En 1968, son “Devoir de violence” reçoit le prix Renaudot, attribué pour la première fois à un écrivain noir. Le livre remporte un énorme succès, jusqu’à ce que le supplément littéraire du «Times» l’accuse de plagiat en 1972. Le scandale poursuit Yambo Ouologuem jusqu’à sa mort, en 2017. Plus qu’une enquête,“La Plus Secrète Mémoire des hommes” est une réflexion sur le métier d’écrivain. C’est pourquoi, Elgas, qui est aussi l’un des auteurs actuellement à avoir le vent en poupe, trouve que ce livre est un texte qui renoue avec la littérature sans facilité, sans produits industriels, sans une manière en quelque sorte de courir derrière le lecteur. «Ce livre chante la littérature. On y voit tous les sentiments humains décrits. Il y a de l’amour, il y a de la fulgurance, il y a parfois de la colère, il y a le rapport à la mémoire qui se trouve dans le titre. Il y a la quête, le polar, presque la mort, la rivalité. Ce livre est une porte d’entrée pour aimer la littérature », affirme l’auteur de «Un dieu et des Mœurs».
A en croire Elgas, c’est un livre qui chante la littérature. Il sérine que ce livre, par sa son ambition, par sa force, par son style, par sa construction, par sa complexité, s’impose comme l’ouvrage qui domine dans la rentrée littéraire française. «Que ce soit le pouvoir, que ce soit la religion, que ce soit l’homosexualité... C’est quelqu’un qui aborde tous ces sujets avec beaucoup d’aisance », affirme le président de l’association des écrivains du Sénégal. Pour lui, l’auteur de «Terre Ceinte» est un jeune qui vient faire découvrir une nouvelle écriture.
PAPE ALIOU SARR, JOURNALISTE CULTUREL : «C’EST 459 PAGES DE DELECTATION LITTERAIRE»
Pour le journaliste culturel Pape Alioune Sarr, ce livre représente 459 pages de délectation littéraire. «Où l’écriture est un peu à la recherche d’un homme qui a été oublié dans l’histoire. On fait un clin d’œil à Yambo Ouologuem. Et c’est cette quêté-là, cette conquête qui part d’un rien, du vide et finit par un polar. C’est ce qui fait un peu le charme de ce livre salué par toute la critique littéraire du Sénégal et d’ailleurs », explique l’animateur des «Belles Lignes» sur «Itv». Pour lui, tout le monde savait que Mbougar Sarr était au-dessus.