NOMBREUX SONT CEUX QUI ONT CRU QUE J’AI VÉCU CELA
En privé avec Mariama Ba
Elle n’a fait qu’une chanson en 2007 et est sortie de suite de l’anonymat. La voix, la musique et l’interprétation de ‘’Def ma ni sa dome’’ avaient touché plus d’un. Un premier single qui a eu beaucoup de succès et qui a propulsé Mariama Ba au-devant de la scène musicale sénégalaise. Après une longue absence, elle signe son retour avec ‘’Ladji love wone’’. Entretien !
On vous a découverte grâce à ‘’Def ma ni ci dome’’. Etait-ce une histoire que vous avez vécue ?
Vous savez, quand on débute une carrière en musique, on veut sortir de l’ordinaire et marquer son entrée. Je ne pouvais certes pas parler de choses dont nul n’a parlé jusque-là, mais il me fallait tout de même quelque chose de spécial qui marque mes débuts. Depuis longtemps, on parle d’inceste au Sénégal, mais jamais, à ma connaissance, un artiste n’avait traité le thème en se faisant passer pour une victime. Je me suis appropriée l’histoire que je raconte dans ce morceau.
Je savais qu’en faisant ainsi, cela allait susciter quelque chose chez le public. Beaucoup de gens vivent l’inceste sans pouvoir le dire. Seul un chanteur peut voir ce genre de situation et en parler en public pour attirer l’attention des uns et des autres. C’est ce qui m’a poussée à faire cette chanson.
Nombreux sont ceux qui ont cru que j’ai vécu cela. D’ailleurs, un jour, j’étais dans un salon de coiffure et une fille était là à dire qu’on habitait le même quartier à Grand-Dakar et que chez moi, il y avait chaque jour des disputes. Les coiffeuses me connaissaient et la regardaient ébahies parce qu’elles savaient toutes que je n’habitais pas Grand-Dakar.
Quand elle s’est rendue compte que j’étais là, elle a pris des photos avec moi en me disant ‘’Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vue.’’ Je ne la connaissais ni d’Adam ni d’Eve. J’ai compris qu’elle était gênée et avait honte. Je n’ai pipé mot sur l’histoire. J’ai pris des photos avec elle avant qu’elle ne parte. Ce n’était qu’une chanson, mais ce n’est pas une histoire que j’ai vécue.
Après la sortie du single, j’ai reçu beaucoup d’appels de filles, de femmes qui me disaient avoir vécu ‘’la même chose que moi’’. Elles également croyaient que c’était mon histoire. Cela m’a poussé à opter pour des chansons à thème. Je n’aime pas sortir des morceaux sans des messages profonds, qui peuvent servir. Je veille beaucoup sur les textes.
Vu le réconfort créé chez certaines filles par cette chanson, n’aviez-vous pas pensé à mettre sur pied une association afin de leur venir en aide ?
Si, j’ai pensé à cela et j’ai d’ailleurs même commencé. Les filles qui travaillent chez moi ou celles que je rencontre dans la rue, quand je les vois avoir certains comportements, je les appelle pour les conseiller. A celles qui travaillent chez moi je leur dis souvent de chercher à avoir un métier.
J’essaie de les aider et de les pousser à se professionnaliser dans un domaine pour prétendre à un avenir meilleur. Au village de ma mère, à Diobass, j’essaie de les soutenir du mieux que je peux, en leur donnant des habits, des médicaments, etc. Donc, je pense à faire dans le social. Je commence par ce que je viens de vous dire et peut-être qu’un jour je pourrais avoir les moyens d’aider et d’assister les filles et femmes victimes d’inceste.
Mais n’est-ce pas cela qui vous a poussé à sortir ‘’Boulma nakh’’ en 2009 ?
Si et c’est pour cela que d’aucuns m’ont dit que ‘’Boulma nakh’’ est de la même veine que ‘’Def ma ni sa dome’’. Certes, je reste toujours sur les problèmes des femmes. Mais, dans le fond, les deux textes ne se ressemblent pas. Dans le 2e single, je parle de la promotion canapé. Les gens ont aimé cette chanson. Après ce single, j’ai eu un producteur, Ibou Thiongane de Domu Jolof. J’avais un manager là-bas et j’ai fait plein de dates en France. C’est pour cela d’ailleurs que je suis restée absente pendant longtemps du Sénégal.
Aujourd’hui, vous êtes rentrée définitivement ?
Après la France en fait, je suis rentrée au Sénégal avant d’aller en Amérique. Je reviens donc des USA. J’y ai fait une tournée. Moi, je suis sénégalaise. C’est ce pays qui m’inspire. Où que je puisse être dans le monde, je pense toujours à mon pays. Je peux être absente pendant de longues périodes, mais je finis toujours par rentrer, j’adore ce pays.
Ces allers-retours ne retardent-ils pas l’évolution de votre carrière ?
Non. Je pense que nul ne peut occuper la place d’autrui. Pour moi, ce que je devais avoir en termes d’image, je l’ai eu à la sortie de mon premier single. J’ai déjà marqué mon empreinte. Maintenant, il est vrai que cela peut freiner les choses parce que le public veut nous voir. Quand je reviens au pays, je ne fais que poursuivre ce que j’avais entamé. Quand je rentre, je leur propose souvent des choses pour leur dire que je suis là.
Qu’est-ce que vous avez apporté au public cette fois-ci ?
J’ai composé un morceau et on en a fait deux versions. La première est en mbalax, la seconde est plus soft. Je parle des divorces dans la chanson. Il y en a maintenant beaucoup. Les Sénégalais pensent que seuls les artistes divorcent et ils nous pointent du doigt la plupart du temps. Je leur dis que non, ce ne sont pas que mes collègues. C’est la société qui vit cela. On parle de ceux des artistes parce qu’ils sont connus. Mais les divorces sont nombreux de manière générale, alors qu’avant ce n’était pas ainsi. Moi, je n’ai jamais été mariée donc jamais divorcée, mais cela m’interpelle. La chanson est intitulée ‘’Ladji love wone’’ (NDLR : Ladji m’aimait et ne m’aime plus). C’est moi qui ai écrit le texte, mais l’air du refrain a une histoire.
J’habitais chez ma tante à Guédiawaye. Elle y a une grande maison. Elle louait, à l’époque où j’y habitais, une partie de la demeure. Il y avait alors parmi les locataires un artiste sérère. Il avait toujours sa guitare. Quand il venait sans m’apporter des biscuits, je boudais. Il prenait alors sa guitare et entonnait ‘’Yama léyé bugateraam, a léyé bugateraam, Yama léyé bugateraam’’ (NDLR : Yama dit qu’elle ne m’aime plus, en langue sérère).
Je n’avais à l’époque que 8 ans. Mais j’ai gardé les airs de cette chanson. Si je connaissais aujourd’hui un seul de ses parents, je lui reverserais tous les droits. Parce que le monsieur en question a été assassiné vers la fin des années 1980, alors qu’il allait acheter son diner au ‘’Tangana’’ du coin. Il s’appelait Cheikhou Ndiaye, l’artiste en question.
Que des singles. A quand le prochain ?
Je n’ai pas de producteur en ce moment. C’est moi-même qui finance mes productions. J’ai un projet d’album tout de même. Si ce single marche bien, on enchainera avec d’autres choses.
A suivre votre évolution, l’on se rend compte que vos chansons les mieux promues traitent de problèmatiques de femmes. Seriez-vous féministe ?
Vous savez, avec moi, il n’est jamais facile de fermer une fenêtre ouverte. Quand je débute un projet, il me faut explorer toutes les voies et pistes avant de le terminer. Il y a beaucoup de choses à dire sur le vécu et le quotidien des femmes. Je n’ai pas encore terminé avec elles. Je parle d’autres choses, c’est vrai. J’ai une chanson sur Diobass, le village natal de ma mère, ‘’Jinné Town’’, ‘’Sida’’, mais je tiens à parler des conditions des femmes. Je suis une femme, si je peux être leur voix, j’en profite.
Quand les gens parlent de Mariama, ils évoquent son côté sexy. Vous faites exprès de vous habiller comme vous le faites ?
Je fais partie de ces femmes qui, avec n’importe quel tissu ou habit, restent sexy. J’ai tout ce dont une femme peut rêver. J’ai une belle plastique, je peux dire. Tout ce qu’il faut pour être sexy, je l’ai naturellement. Je ne cherche pas à l’être. Je suis naturellement sexy et je l’assume. J’essayais de le nier au début, mais maintenant je l’assume.
Qu’attendez-vous alors pour le mariage ?
(Elle rit et fait la timide) Dieu ne m’a peut-être pas encore mise en rapport avec celui qui doit être mon mari. Il est vrai qu’il y a des candidats. Mais peut-être le bon n’est pas encore là, sinon je serais déjà Mme Ndiaye, Seck ou Ba ou toute autre chose. Je ne sais pas moi (elle rit).
Pourquoi avoir choisi d’être chanteuse ?
La musique est quelque chose que j’aime depuis ma tendre enfance. Il n’y a pas de griot dans ma famille et personne avant moi n’a fait cela. J’ai débuté ma carrière en 2003 en assurant les chœurs pour certains chanteurs comme Mbissane Ngom, Abdou Guité Seck, Fallou Dieng, Makhou Lébougui, Daby, etc. Ils sont nombreux les chanteurs avec qui j’ai travaillé. J’ai fait cela jusqu’en 2007, année à laquelle j’ai décidé de faire cavalier seul. J’ai ainsi pu sortir mon premier single ‘’Def ma ni sa dome’’. C’est l’opus qui m’a fait sortir de l’anonymat.
Vos débuts étaient difficiles ?
Oui, comme tout début d’ailleurs, surtout quand on est dans le milieu du showbizz. Dans notre pays, beaucoup pensent que parce qu’on fait de la musique qu’on n’est pas fréquentable. Ils vous voient terminer tard et rentrer, ils commencent à raconter des histoires sur vous, alors qu’ils ne savent même pas des fois ce que vous faites dans la vie encore moins pourquoi vous rentrez à certaines heures. Ces rumeurs compliquent souvent les choses, surtout avec la famille.
Pour moi, au fil du temps, ils ont compris que je ne faisais rien de mal et ils m’ont laissé exercer ce métier. Ils ont compris que c’est une profession comme toutes les autres et qu’on peut être de bonne famille et la pratiquer.