ABDOULAYE ELIMANE KANE SOUMET SON ASTHME A UN EXAMEN PHILOSOPHIQUE
Le philosophe et ancien ministre de la Culture a axé sa réflexion sur la question des identités, avec un accent sur sa maladie d’asthme avec lequel il vit depuis l’âge de 28 ans.
Il ne se passe presque pas une année sans que le Pr Abdoulaye Elimane Kane ne publie un livre. Et cette fois-ci, le philosophe et ancien ministre de la Culture a axé sa réflexion sur la question des identités, avec un accent sur sa maladie d’asthme avec lequel il vit depuis l’âge de 28 ans.
La souffrance est utile au génie, affirmait le philosophe Nietzche qui est célèbre pour ses productions philosophiques mais aussi pour sa syphilis et l’état de folie qui ont emmaillé sa fluctueuse existence, en étant aussi des engrais de sa créativité. Le philosophe Louis Althusser est allé même beaucoup plus loin en écrivant un livre « L’Avenir dure longtemps » pour expliquer le meurtre qu’il a commis sur sa compagne. Pour le professeur Abdoulaye Elimane Kane aussi, loin d’être une paralysie, son asthme a été un objet de réflexion philosophique. «La maladie, c’est encore la vie quand bien même elle est une menace pour celle-ci et antichambre de la mort », soutient le philosophe. Dans ce nouvel essai, l’ancien ministre de la Culture et de la Communication sous Diouf, en s’appuyant sur sa maladie, explore le monde de la souffrance. «Lorsqu’on est affligé d’une maladie chronique, celle-ci s’apparente à un être intime dont on finit par connaître les manifestations, les humeurs et les caprices. Les moments de rémission, plus ou moins longs, apparaissent à l’observation extérieure comme des périodes d’une vie normale alors que leur contraste avec les périodes de douleur les fait éprouver pour le patient comme de véritables instants de bonheur oscillant entre espoir de délivrance et crainte de rechute. Sachant que la mort viendra à son heure, il s’agit, insiste le philosophe, d’organiser sa vie pour la conformer à une double aspiration qui est la joie de vivre personnelle et un vivre-ensemble reposant sur des valeurs significatives du sens de l’humain et utiles à la coexistence des hommes de la planète terre.
AU COMMENCEMENT ETAIT LA RELATION …
Faisant par ailleurs la corrélation entre sa maladie et la question identitaire, le philosophe lance : «La question identitaire, c’est pour dire que la maladie est expliquée par la loi scientifique et biologique en particulier et ces lois sont valables pour tout le monde, mais chacun à une manière de vivre sa maladie et de lui donner un sens. Le philosophe dont je me réclame dans ce livre, qui est Canguilhem, dit qu’il n’y a pas de normes générales en matière de santé. Chaque individu crée sa propre norme à partir de son expérience, à partir de ses multiples facteurs qui font que dans chaque maladie, nous ressemblons à tous les malades qui souffrent de la même chose. Mais chacun à une manière de vivre cette maladie, d’y résister ou de succomber malheureusement. Et la question d’identité est là. Toutefois, l’écrivain prévient aussi dans cet essai de 161 pages que les identités ne sont pas des essences, mais des relations. Et ce qui est important, c’est de savoir construire des espaces de rencontre. «Au commencement était la relation», renseigne Pr Ouseynou Kane citant le philosophe Bachelard. L’enseignant à l’UCAD qui présentait le livre pense en effet que l’universel, c’est la somme des identités dynamiques.