QUAND UN COLONEL DES GABELOUS DÉPÈCE L’HYDRE DU TERRORISME DJIHADISTE AU SAHEL
Présentation du livre écrit par le colonel des douanes Amadou Tidiane Cissé et intitulé « Terrorisme : La fin des frontières ? Nouveaux enjeux de la coopération douanière en matière de sécurité au Sahel »
C’est cet après-midi à partir de 15 heures, à l’hôtel Terrou Bi, que sera présenté le remarquable livre écrit par le colonel des douanes Amadou Tidiane Cissé et intitulé « Terrorisme : La fin des frontières ? Nouveaux enjeux de la coopération douanière en matière de sécurité au Sahel ». Le modérateur de la cérémonie de présentation, c’est le général Mamadou Mansour Seck « Number One », ancien chef d’état-major général des Armées (Cemga).
Outre l’auteur, les intervenants seront le général de police Oumar Maal, ancien directeur général de la Police nationale et ex-ambassadeur du Sénégal au Niger, Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute, Center For Peace and African Studies ainsi que, last but not least, le général Mbaye Cissé, directeur général du CHEDS (Centre des Hautes Etudes de Défense et de Sécurité). Se tenant au lendemain de la clôture de la 7ème édition du Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité au cours duquel, justement, la question du terrorisme était au centre de tous les débats, on peut dire que cette présentation de livre vient à son heure. Le profane pourrait penser que la lutte contre les terroristes ne concerne que les forces de défense et de sécurité, en particulier la Police et la Gendarmerie, en plus des Services de renseignements, bien sûr, tandis que les douaniers, eux, se borneraient à prélever des taxes aux frontières et à alimenter en recettes les caisses des Etats. Si cela fait partie des missions des soldats de l’économie — les hommes du colonel Abdouramane Dièye s’apprêtent d’ailleurs à publier des chiffres de recettes exceptionnelles battant encore une fois tous les records précédents —, ce serait tout de même réducteur que de les réduire à cela. Car les gabelous ont aussi une mission sécuritaire tout aussi importante ne serait-ce que parce que ce sont eux qui contrôlent toutes les frontières par lesquelles passent non seulement les denrées alimentaires essentielles aux vies des communautés mais aussi les outils de production ainsi que toutes les marchandises permettant les activités commerciales. Il leur revient aussi de veiller à ce que des produits prohibés ou dangereux ou interdits comme les drogues, les explosifs, les armes, les munitions et autres n’entrent pas dans les pays dont ils sont chargés de surveiller les frontières. De lutter aussi contre la criminalité transfrontalière d’une manière générale. Cela est d’ailleurs expliqué fort justement par le secrétaire général de l’Organisation mondiale des Douanes (OMD), M. Kunio Mikuriya, dont la citation suivante est mise en exergue à l’entame du livre : « J’ai remarqué que les administrations douanières de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ne se concentraient plus uniquement sur la perception des recettes douanières, mais que la sécurité frontalière dans son ensemble faisait désormais également partie de leurs priorités. En l’absence de contrôles de sécurité efficaces aux frontières, les administrations ne pourront ni recouvrer les recettes, ni favoriser les échanges licites. »
Un gabelou baroudeur !
C’est cet aspect méconnu — mais ô combien fondamental — du travail des gabelous que le colonel Amadou Tidiane Cissé s’attelle à faire ressortir dans son livre extrêmement didactique et documenté qui traite de la question jusqu’ici réservée aux spécialistes du terrorisme au Sahel. On pourrait d’ailleurs le sous-titrer : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le terrorisme (au Sahel) sans oser le demander ».
Pour l’écrire, l’auteur, l’un des plus brillants cadres de notre administration douanière, ne s’est pas enfermé dans un bureau climatisé pour compulser une masse de documents et faire du copier-coller. Non, il est allé crapahuter dans les dunes du Sahel et au plus près des zones d’évolution des terroristes djihadistes pour s’imprégner de leur mode opératoire, de leurs idéologies, de leurs rapports avec les populations, de leurs sources de financements, de la provenance de leurs armements etc. Il a aussi travaillé avec les forces de défense et de sécurité des pays touchés par cette hydre, que ce soit au Mali, au Burkina Faso et au Niger notamment, en particulier avec ses collègues qui y évoluent et pas seulement, pour comprendre les stratégies et moyens mis en œuvre pour combattre ces terroristes qui déstabilisent la bande sahélo-saharienne.
Ce n’est pas pour rien, du reste, que le premier titre de ce bouquin était « Le Liptako Gourma à l’épreuve des djihadistes d’Al Qaïda et de l’Etat islamique ». Qu’il nous suffise juste de citer le sommaire de cet ouvrage pour donner aux lecteurs une idée de ce qu’on peut y trouver sous la plume très pédagogique de ce douanier devenu à force de travail spécialiste des questions terroristes et sécuritaires.
Quelques exemples, donc. « Qui sont les acteurs du djihadisme au Sahel ? », « Les groupes djihadistes du Mali », « Le Groupe de Soutien à l’islam et aux Musulmans (GSIM) », « Le Groupe État Islamique au Grand Sahara (EIGS) », « Le Groupe djihadiste du Burkina Faso », « Les groupes djihadistes du Niger ». Une large partie est en outre consacrée aux groupes d’autodéfense au Sahel d’une manière générale, au Mali et au Burkina Faso en particulier. O
n s’intéressera particulièrement aux chapitres suivants : « Comment les djihadistes s’arment-ils ? », « Quels sont les modes opératoires des groupes djihadistes ? ». Après quoi, dans les derniers chapitres de son fort intéressant ouvrage, le colonel Amadou Tidiane Touré parle des missions régaliennes de l’administration douanière à travers les chapitres « La Douane au service de la sécurisation de la chaîne logistique internationale et de la lutte contre le terrorisme », « Punta Cana ou la sécurité au cœur des mandats et fonction de la Douane », « La résolution de Punta Cana ou l’action de la douane face au terrorisme », « Instruments juridiques africains en matière de lutte contre le terrorisme », « La Douane face au défi de la lutte contre les criminalités transfrontalières », « Les initiatives douanières de lutte contre les trafics illicites ».
Tout aussi intéressants, en annexe, des documents concernant « Le cadre juridique et institutionnel en matière de prévention et de lutte contre le djihadisme » et aussi « L’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger ».
Bref, c’est le résultat d’un travail sérieux, d’enquête sur le terrain, un travail fouillé de documentation venant s’ajouter à une connaissance fine de la législation douanière que le colonel Amadou Tidiane Cissé publie dans son bouquin édité par L’Harmattan. Un livre que tous ceux qui s’intéressent au terrorisme djihadiste, cette hydre qui a fini de déstabiliser une bonne partie de la zone sahélienne — et qui et aussi désormais à nos portes — gagneraient à lire.