REFLEXION SUR LA CREATION CONTEMPORAINE AFRICAINE
Associer la production artistique et la réflexion sur cette production : c’est l’un des objectifs du colloque de trois jours qui se déroule depuis lundi, à l’auditorium du Musée des Civilisations noires de Dakar
Associer la production artistique et la réflexion sur cette production : c’est l’un des objectifs du colloque de trois jours qui se déroule depuis hier, à l’auditorium du Musée des Civilisations noires de Dakar. Commissaires d’expositions, historiens de l’art, universitaires posent ainsi un discours théorique et analytique sur le thème de la Biennale.
Devenue un rendez-vous ¬culturel de premier ordre depuis plusieurs décennies, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, le Dak’Art, met en scène la vitalité de la création contemporaine africaine en art plastique et la promeut. Comme pour les précédentes éditions, le colloque de la 14ème édition s’inscrit dans le thème général du Dak’Art 2022 «I Ndaffa». Un concept qui en langue sérère invite à forger et interpelle les imaginaires africains. Selon Felwine Sarr, président du Comité scientifique de cette 14ème édition, le terme énonce aussi bien la liberté de transformer que les multiples possibilités de créer. Aussi, dit-il, l’édition 2022 de la Biennale de Dakar, invite à la transformation des concepts et à la fondation de nouveaux sens. «Forger renvoie à l’acte de transformer une matière, le plus souvent métal. Et dans plusieurs langues, il eut le sens aujourd’hui tombé dans l’oubli de créer, d’imaginer et d’inventer», a expliqué Felwine Sarr, hier lors de l’ouverture du colloque scientifique de la Biennale. D’après lui, il s’agit donc de construire de nouvelles écritures plastiques, de nouveaux savoirs et savoir-faire, qui intègrent les lectures africaines, aux fins de forger des regards et outils susceptibles d’aider à relever les défis contemporains et aboutir ainsi à la construction sans cesse renouvelée d’un sens permettant de mieux appréhender la complexité du monde.
Ce colloque de trois jours regroupe des commissaires d’expositions, des historiens de l’art, des universitaires et intellectuels venant d’Afrique et d’Europe. Ces derniers ont profité de ce cadre pour alimenter la réflexion en explorant la thématique sur les grammaires de la création contemporain africaine. «Forger de nouvelles approches de l’histoire de l’art au 21ème siècle, c’est reconsidérer les contextes d’émergence du savoir qui le fonde», analyse Felwine Sarr qui estime que les histoires culturelles africaines n’ont pas suffisamment informé l’appréciation des objets esthétiques de l’art contemporain. «Il s’agit aussi de repenser et donc de réorganiser les temporalités traditionnelles liées à l’histoire de l’art, en y intégrant des temps composites et non linéaires de l’historiographie africaine», poursuit-il tout en précisant que demain (aujourd’hui), la question du patrimoine et celle de l’archive surtout, celles qui viennent du continent africain sera à l’ordre du jour des tables rondes. «Mais la question que l’on va se poser c’est : est-ce qu’on peut constituer une archive pour le présent et le futur ?» Et en se posant la question, comment peut-on réinventer le patrimoine, le débat sur la restitution des biens culturels refait surface mais la question centrale, dit-il, ce sont les liens avec les droits de l’Homme, avec l’histoire, la lutte contre le racisme et toutes les questions sociétales.
«Ce sont les commentaires esthétiques des Africains sur leur histoire qui en feront un art ¬universel»
Lors d’un premier panel ¬portant sur les grammaires de la création contemporain africaine, Mamadou Diouf, professeur d’histoire à l’université de Columbia, et spécialiste de l’Empire coloniale français, souligne que ce colloque est d’autant plus intéressant que les réflexions portent sur des projections et inscrivent l’Afrique dans des discussions globales. «Ce n’est pas seulement comprendre la production historique, artistique mais c’est aussi comprendre comment cette production artistique se présente dans le monde d’aujourd’hui», a ¬rappelé l’historien sénégalais. Mamadou Diouf d’estimer que dans la peinture, les arts plastiques, ce qui est important, c’est comment inscrire la production plastique africaine ou la sortir. «Est-ce qu’il y a des continuités et des discontinuités ? C’est dans ce jeu que le contemporain est confronté et qu’il est produit», a-t-il ajouté.
Pour le professeur de l’université de Columbia, ce sont les commentaires esthétiques des Africains sur leur histoire propre qui en feront un art universel. Cette première session a enregistré la participation de Gayatri Spivak, professeur à l’université de Columbia et ¬spécialiste indienne de la critique littéraire, de Malick Ndiaye, Secrétaire général de la Biennale, et Henry Nkoumo, directeur du Livre, des arts plastiques et visuels au ministère de la Culture et de la francophonie en Côte d’ivoire.