RESTER RESOLUMENT AFRICAINE…
Palabres avec Amélie Mbaye alias Mage de la série Golden
A la fois chanteuse et actrice, Amelie Mbaye, la fille d’Ousmane Mbaye et mère du rappeur Alain Ousmane alias « Boogie Fresh », vit intensément son art. Après sa belle prestation dans le film « Frontières », elle a été définitivement adoptée au Sénégal avec sa participation réussie dans la série Golden. Son personnage de Mage auquel elle a fini par se confondre lui a permis d’être enfin reconnue chez elle. Cette performance a été à l’origine de sa nomination aux Solitigui d’or qui auront lieu au mois de novembre prochain. Cette ancienne téléspeakerine de la RTS a réussi à s’imposer dans le cinéma. Rencontre avec une comédienne soucieuse de l’avenir de son métier et adepte d’une formation continue.
Comment avez-vous intégré la série Golden ?
Il fallait camper le personnage d’une femme sénégalaise moderne et travailleuse... Donc, jouer entre les deux et choisir un juste milieu. Comme Mage est une battante et une femme volontaire, je me suis rapidement retrouvée dans ce personnage. Mage est aussi très attachée à sa famille. C’est pour cette raison qu’elle insiste sur les liens solides entretenus avec son mari, Alioune Badara Guèye alias ABG... Pour en revenir à mon intégration à la série, c’est le patron de Marodi qui m’avait contactée à Ouagadougou lors du Fespaco. A la lecture du scénario, je me suis vite dit que cela ressemblait à la série américaine « Empire » que je suivais beaucoup et que je continue de suivre d’ailleurs. Donc cela n’a pas été difficile de me convaincre. Très vite, je suis devenue Mage, la femme fondatrice de l’entreprise et protectrice à volonté. Une fois ce premier écueil relatif à la participation levé, il fallait faire face à un second. Celui de mon accent. C’est la première fois que je jouais en wolof. J’avais l’habitude de tourner en français et en anglais... C’est ainsi qu’on a démarré un tournage très difficile qui a duré huit longs mois. J’ai dû m’adapter et faire face à toutes ces difficultés. Il m’est arrivé de mélanger le français et le wolof, car il y a des termes que personne ne peut traduire entre les deux langues.
Vous voulez dire par là que c’était difficile ?
Effectivement c’était très, très difficile. Il est vrai qu’on a une belle maison. A ce niveau, ça va. Mais comme il fallait innover au niveau de l’organisation, ce ne fut pas une sinécure. Il fallait réécrire certaines parties, changer des choses, réadapter des situations. Tout cela a rendu les choses assez compliquées. Mais nous avons pu faire face, car nous formions une équipe soudée et solidaire. Au fil du temps, nous sommes pratiquement devenus une famille. Comment avez-vous pu glisser si rapidement dans la peau du personnage de Mage, cette femme décidée à protéger sa famille contre vents et marées.
Etes-vous comme cela dans la vraie vie ?
Non, pas du tout. J’ai l’habitude de me mettre très rapidement et définitivement dans la peau de mon personnage. Une fois sur le plateau, j’oublie complétement que je suis Amélie Mbaye, mais bien une actrice qui joue un rôle bien déterminé. Je m’y attelle à fond. Je joue à fond tout ce qui est écrit sur le scénario et je deviens la personne qu’on souhaite que j’interprète. Comme je le dis souvent, il s’agit juste d’un habit que l’on enfile le temps d’une scène. Après avoir fini le boulot, tu deviens toi-même. Je ne triche pas dans mon boulot. Une fois que j’ai lu ce qui m’attend, que cela me plaise ou pas, dès l’instant que j’ai accepté le rôle, je me déploie sans réserve pour satisfaire les attentes. En tant qu’actrice, je suis obligée de relever le défi. Surtout quand il s’agit de messages à transmettre et auxquels je crois profondément. Dans ce cas précis, cela touche à la famille. Je suis typiquement africaine et je crois sincèrement à ses valeurs. Je revendique en premier cette identité africaine en tous lieux et en toutes circonstances. Avant même de parler du Sénégal, je parle d’abord de mon continent et cela se reflète sur tout ce que je fais. Que cela soit au niveau de mon habillement ou de mon comportement de tous les jours, je revendique cette africanité. Ce qui fait que lorsqu’on m’a fait savoir que dans la série l’entreprise « Golden » était la première entité minière appartenant à des Africains, je me suis dit, Oh, Yeah cela me va ! Il y a beaucoup d’émotions et de pleurs dans la série.
Comment faites-vous pour pleurer réellement ?
Ah, oui ! J’y suis à fond. Je n’ai pas besoin de gouttes lacrymales pour pleurer ou d’autres artifices du même genre. Je suis actrice et je sens profondément mon rôle. Quand il faut pleurer, je pleure car encore une fois, je suis entièrement en phase avec mon personnage. Il nous est demandé de transmettre cette émotion et nous avons le devoir de le faire. Car il s’agit de situations probables qui peuvent bien se dérouler dans la vie de tous les jours.
Comment- avez-vous pu établir si facilement cette forte relation avec votre mari ABG ?
Avec ABG, nous avons changé beaucoup de choses dans le script originel. Comme il s’agissait d’une histoire de famille, il fallait tout faire pour revivre ces forts instants. C’est un couple éperdument amoureux. Même s’ils ne sont plus jeunes, il existe toujours une certaine tendresse. Il fallait bien ressortir ces forts moments. Il fallait donc être complice et amoureux. Pour ce faire, on devait se tenir la main, se jeter des regards complices etc. Il ne faut pas forcément s’embrasser pour pouvoir exprimer ces sentiments et on l’a compris très tôt. Au fil du temps, nous avons cultivé une très belle complicité.
Etait-ce facile d’endosser ce rôle un peu difficile et inhabituel sous nos cieux ?
Ah, pas du tout ! En Afrique, et pas seulement au Sénégal, les gens ne savent pas encore faire le distinguo entre la personne et le personnage. Il y a une terrible confusion et cela peut nous jouer par moments de sales tours dans notre vie de tous les jours. Par exemple, au moment où les enfants étaient dans le coma dans la série, on m’interpelait tout le temps pour me dire « Massa courage, Mage comment vont Khalil et les autres ? ». Une autre fois, certains nous ont copieusement insultés, Alioune Badara et moi, car ils se disaient que nous nous foutions du monde…C’est vraiment difficile. Il faut vraiment procéder à une vraie éducation cinématographique de nos cinéphiles.
Concrètement qu’est-ce que la série Golden a changé dans votre vie ?
Je suis très africaine et je vais le demeurer. J’étais aussi très attachée à la famille et cette série m’a permis d’y attacher encore beaucoup plus d’intérêt. Il y a aussi cette problématique liée au cancer et je vais énormément me battre pour faire bouger les choses dans le cadre de la prise en charge et du traitement de cette maladie. Mais s’il y a un fait qui me tient vraiment à cœur, il s’agit de la formation des acteurs. Avec cette série, j’ai vu qu’il y a beaucoup de talents au Sénégal, mais il faut encore consentir de nombreux efforts au niveau de la formation. Il faut arriver au niveau où tous ces gens-là seront beaucoup plus professionnels. C’est un autre de mes combats et je vais m’y atteler sans réserve.
Après un séjour de plus de vingt-cinq ans aux Etats Unis, en France au Brésil et au Burkina, pouvez-vous nous parler de la genèse de cet amour pour le cinéma ?
Tout a commencé d’abord face à la caméra. J’avais commencé, il y a très longtemps, ma carrière professionnelle en qualité de téléspeakerine à la télévision nationale, il y a plus de trente ans et tout est parti de là. Je faisais des présentations en direct et j’ai aussi pris part à des émissions comme «Génies en herbe» en compagnie de Jérôme Diouf, Matar Sylla etc., Une fois aux Etats Unis, j’ai continué sur cette lancée en animant des émissions de télévision. Cependant ma première expérience cinématographique a été avec Apolline Traoré. C’était dans la série « Monia et Rama » où je campais le rôle d’Amélie. Une vipère qui était détestée par tout le monde. On se disait même que je devais avoir un garde du corps à Ouagadougou tellement les gens haïssaient mon personnage. Une fois aux Etats Unis, j’ai joué dans de nombreux films à Hawaï et à Malibu. J’ai même tourné avec bruce Willis. Ensuite, j’ai tourné encore avec Apolline dans le film « Frontières » qui a gagné de très nombreux prix. Une fois revenue au bercail, j’ai enchainé avec les séries comme « Sakho et Mangane», « Renaissance », » Golden » etc., Mais cela se faisait en français au départ et « Golden » a été ma première série en wolof et c’est pourquoi je la considère comme un challenge.
Parlez-nous des conditions de votre retour au Sénégal ?
J’ai une formation en tourisme et transport aérien. C’est ainsi que je me suis retrouvée au brésil après avoir passé par la France. Une fois au pays de la Samba, j’ai eu à travailler dans un grand festival de cinéma. C’est d’ailleurs eux qui m’ont envoyé travailler à Los Angeles. Au départ, je devais y rester deux ans. Et finalement, j’y ai passé vingt-cinq ans. C’est donc pour des raisons familiales que je suis revenue au bercail. J’admets que ce ne fut pas facile, car il y a une très grande différence de niveau et de moyens entre le cinéma américain et africain, mais il a fallu s’adapter.
Quelle est la vraie personnalité d’Amélie.
Je suis une personne très « open mind ». Mes voyages ont été une école de formation. Je ne prends pas du tout la tête. Je suis artiste et cela m’a beaucoup aidé. Mais cela ne doit pas surprendre car mon père était un très grand artiste. Ousmane, mon fils qui est son homonyme, est aussi un très grand artiste et il marche allègrement sur les traces de son grand père. Ousmane Mbaye, mon père, était un grand artiste et il a exporté notre culture au plan international. Je suis très fière et honorée que mon fils marche sur ses pas. Un message pour les femmes… Je leur demande de rester naturelles. Il faut vraiment que nous gardions notre africanité et notre originalité. Il faut éviter les mèches artificielles et autres cheveux naturels. Il faut vraiment sauvegarder notre africanité. Tout est ici en Afrique, il n’y a plus rien en Occident. C’est pour cela que toutes les multinationales sont obligées de revenir investir chez nous. Les Sénégalaises sont belles et naturelles et il faut qu’elles le restent.