UN DEVOIR DE MEMOIRE ET DE JUSTICE
Journée de commémoration de l’esclavage - Le 25 mars de chaque année, le monde s’arrête un instant pour honorer la mémoire de millions d’Africains arrachés à leurs terres, broyés par la machine implacable de la traite transatlantique

Le 25 mars de chaque année, le monde s’arrête un instant pour honorer la mémoire de millions d’Africains arrachés à leurs terres, broyés par la machine implacable de la traite transatlantique. Cette journée, lourde de douleur et d’histoire, invite à la reconnaissance du passé, à la réparation du présent et à la construction d’un avenir où dignité et justice ne seront plus des mirages.
A l’époque du commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique, les Amériques et les Caraïbes, des millions d’Africains furent capturés, embarqués de force sur des navires européens et transportés dans des conditions épouvantables vers les Amériques et les îles des Caraïbes où se perpétuèrent les atrocités. Ces captifs furent réduits en esclavage pour le restant de leurs jours et livrés à la merci de leurs maîtres. Et cette tragédie, que l’humanité peine encore à regarder en face, est au cœur de la commémoration de la Journée internationale des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. Commémorée le 25 mars de chaque année, le Mémorial de Gorée et le Musée des civilisations noires (Mcn) ont organisé à cette occasion, un panel sous le thème : «Reconnaître le passé, réparer le présent, construire l’avenir avec dignité et justice : le Mémorial de Gorée et le Musée des civilisations noires comme engagement panafricain pour Sénégal 2050.» Bakary Sarr, secrétaire d’Etat à la Culture, aux industries créatives et au patrimoine historique, rappelle que «la commémoration de cette journée est longue de douleur et de souvenirs. Et nous ne devons jamais baisser les bras devant cette tragédie qui a été comme la plus grave violation des droits de l’Homme dans l’histoire de l’humanité». Selon lui, le commerce triangulaire a duré des siècles, arrachant des millions d’Africains à leurs terres, les jetant à la merci de leurs féroces maîtres. «Prions, pardonnons, mais sans jamais oublier ce qui s’est passé. Un seul captif aurait été de trop. Ils furent des millions, femmes, hommes et enfants», souligne-t-il, appelant à lutter davantage contre le racisme et les inégalités. «Il nous faut combattre le racisme, les inégalités dont ont été victimes les descendants d’esclaves et les afrodescendants», martèle-t-il.
Le Sénégal, gardien de cette mémoire à travers l’île de Gorée, veut aller plus loin. «Nous devons faire et agir davantage. Le Commissariat général du projet du Mémorial de Gorée œuvre pour que ce projet mémoire vienne combler les manques et occuper la place qui doit être la sienne», insiste le secrétaire d’Etat à la Culture, plaçant cette initiative dans l’axe 4 du Référentiel 2050 du Sénégal dédié à l’engagement panafricain.
Reconnaître, réparer, transformer
Les Nations unies, à travers le Centre d’information des Nations unies (Cinu) basé à Dakar, ont également marqué cette commémoration. Son directeur, Hiroyuki Saito, porte la voix du Secrétaire général de l’Onu, António Gutierrez. «La traite transatlantique des Africains réduits en esclavage a été un crime contre l’humanité dont les répercussions se font sentir à travers les siècles», rappelle-t-il. Ce passé, poursuit-t-il, «loin d’être révolu, continue de modeler les sociétés actuelles, où le racisme systémique persiste, où l’exclusion et la discrimination empêchent les afrodescendants de prospérer». Mais ce silence, qui a longtemps entouré cette page de l’histoire, ne suffit plus. «Pendant plus de quatre siècles, des millions d’Africains ont été enlevés, maltraités et déshumanisés. Ces atrocités étaient fondées sur un mensonge destructeur : le suprématisme blanc. Colonisateurs, entreprises et institutions en ont profité pour amasser des richesses incalculables», explique Hiroyuki Saito. Le diplomate onusien a appelé à une justice réparatrice. «Il est impératif d’établir un cadre de justice réparatrice qui permettra de regarder en face ce chapitre de l’histoire et ses conséquences. Nous devons mettre un terme une fois pour toutes au fléau qu’est le racisme», a-t-il dit en évoquant le choix du thème.
«Nous devons quitter les questions pour les réponses»
Pour Amadou Lamine Sall, Secrétaire général de la Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée, la mémoire ne doit pas être qu’un devoir, mais un pont vers l’avenir. «Il nous faut un projet de loi pour aider les 250 millions d’afrodescendants et noirs américains à travers le monde qui veulent avoir la nationalité sénégalaise», plaide-t-il. Une manière, selon lui, de leur permettre de «revenir chez eux et d’y investir», à l’image du Ghana et du Liberia qui ont déjà pris les devants. «Il est temps également que nous réagissions. Et je suis persuadé que ce gouvernement le fera», assure Amadou Lamine Sall. Mais au-delà des lois, il estime que c’est un travail de l’âme qui s’impose. «Nous ne prenons plus le temps d’apprendre, nous ne prenons plus le temps d’écouter. Les épreuves de la vie nous écrasent. Il nous faut nous refonder nous-mêmes. Nous devons quitter les questions pour les réponses. Ce ne sont pas les vivants qui nous réunissent ici, mais ce sont nos morts», regrette-t-il.