UN LIVRE DE DJIBRIL SAMB REND HOMMAGE À 13 PERSONNALITÉS, "PRINCES DE L’ESPRIT"
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Dakar, 5 juil (APS) – Le philosophe Djibril Samb désire "mieux faire connaître et perpétuer l’héritage" de 13 personnalités au Sénégal, dont Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Ly et Léopold Sédar Senghor, dans une série de portraits et de discours qu’il a publiés récemment chez L’Harmattan-Sénégal sous le titre "Figures du politiques et de l’intellectuel au Sénégal" (265 pages).
En plus de Léopold Sédar Senghor, "l’immortel Noir", Mamadou Dia, "le brillant économiste", Abdoulaye Ly, "l’historien émérite", et Cheikh Anta Diop, "le penseur majeur", il y a aussi Abdou Diouf, "l’expert politique", l’universitaire Guy Raoul Thilmans, un "savant polyvalent", et le prêtre, académicien, journaliste et chercheur Joseph Roger de Benoist, l’historien "africain".
S’ajoutent, à la liste des personnalités dont Djibril Samb retrace les parcours, Thiendella Fall, "le pédagogue chevronné", Amadou Mahjtar Samb, "l’éminent jurisconsulte" ou cadi de Saint-Louis du Sénégal, le magistrat Amadou Makhtar Samb Junior, "le méditatif", Hamady Bocoum, "l’archéologue du fer", et Théodore Monod, "le savant probe".
Ces "figures" sont des "coryphées auxquels, en diverses circonstances de ma vie, il m’a été donné (…) de rendre hommage", explique Djibril Samb, lauréat (Prix La Bruyère/Médaille d’Argent) de l’Académie française (1998), pour son ouvrage "Les Premiers Dialogues de Platon : Structure dialectique et ligne doctrinale".
M. Samb est également lauréat du Prix Noma (1999) pour son livre "Interprétation des rêves en Afrique noire". Il a été directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
Les contributions des 13 personnalités présentées dans son dernier livre sont la preuve, selon l’auteur, que "la terre africaine du Sénégal (…) ne manque pas de princes de l’esprit ni, par conséquent, de nourriture intellectuelle".
"Des penseurs lucides et féconds"
Selon lui, Léopold Sédar Senghor (1906-2001) et Mamadou Dia (1911-2009), respectivement premier président et premier chef de gouvernement du Sénégal, furent "tous deux d’éminents penseurs, lucides et féconds, dont l’amitié et l’entente (…) ne résistèrent pas aux divergences nées de la confrontation avec la complexité de l’histoire".
"Dans cette rude confrontation, Senghor, le philosophe, se montra plus stratège que Dia, le brillant économiste, et remporta la victoire", déduit Djibril Samb de la "confrontation" qui a valu au second, le 17 décembre 1962, une arrestation suivie d’un emprisonnement de 12 ans.
M. Samb tient à donner une analyse de la pensée de Senghor, dans ce qui en constitue le fondement, à savoir la doctrine de la négritude, "sur laquelle on se méprend aisément si l’on y accède que par des raccourcis".
Selon lui, le grammairien, poète et premier président du Sénégal (1960-1980) fut un "politique hors pair et redoutable, rompu à toutes les techniques de l’art politique", mais aussi un "homme d’Etat hors du commun, à la fois visionnaire et pragmatique".
"Fin lettré, lecteur d’Aristote", Léopold Sédar Senghor "n’a jamais négligé sa carrière d’homme de lettres, de poète et de penseur exceptionnellement fécond", écrit M. Samb.
Mamadou Dia est décrit, sous la plume de M. Samb, comme un "prestigieux économiste, doublé d’un islamologue créatif et lucide", dont la production intellectuelle, passée en revue par le livre, est à saluer pour son "étendue", sa "richesse", sa "densité" et sa "complexité".
Le président du Conseil arrêté au début de l’indépendance, ne fut pas "seulement un homme d’Etat éminent". "Toute [sa] vie est une symphonie sublime marquée du sceau de la foi en Dieu", affirme ,Djibril Samb, louant le "courage physique et moral" de Mamadou Dia.
Il évoque un autre duo, plus intellectuel que politique, Abdoulaye Ly (1919-2013)-Assane Seck (1919-2012). Les deux ont eu ce "point commun" d’avoir été "parmi les tout premiers universitaires sénégalais, avec Cheikh Anta Diop, spécialistes des sciences humaines, à accéder au grade suprême de docteur d’Etat ès lettres et sciences humaines".
"Hommes d’Etat de grande envergure, Ly et Seck ont été également des intellectuels et des penseurs puissants. Tous deux surent assumer cette double qualité aussi bien dans la sphère de l’Etat qu’en dehors de celle-ci, dans une dignité exemplaire", écrit Djibril Samb.
Il tient à signaler qu’"en dépit de leur valeur intrinsèque et de leur exceptionnelle envergure intellectuelle, les œuvres de ces deux princes de l’esprit restent pourtant mal connues, sans doute parce qu’ils ont cultivé, leur vie durant, une certaine discrétion qui les a tenus éloignés de l’agitation médiatique".
"Une forte personnalité"
Assane Seck "est toujours resté l’intellectuel lucide que révèlent ses mémoires" publiés chez Khartala, "Sénégal, émergence d’une démocratie moderne (1945-2005)", que M. Samb prend pour "un livre-testament", qui "constitue une contribution majeure à la connaissance de l’histoire politique sénégalaise de la seconde moitié du 20ème siècle". "Parce qu’il est écrit par l’un des meilleurs fils du Sénégal, il doit être lu par nous tous", ajoute l’ancien directeur de l’IFAN Cheikh-Anta-Diop.
Il estime que "de Cheikh Anta Diop (1923-1986), il n’y a peut-être plus rien à dire qu’on n’ait déjà dit". "Les participants au premier Festival mondial des arts nègres ne s’y étaient pas trompés, qui l’avaient promu, en 1966, intellectuel noir le plus influent du 20ème sicècle", résume Djibril Samb.
"A mes yeux, ajoute-t-il toutefois, [Cheikh Anta Diop] demeure la figure fondamentale du savant doublé d’un panafricaniste engagé dans les grandes causes, africaine et mondiale". Avec le laboratoire du Carbone 14 que le célèbre historien a mis au point à Dakar, en 1966, il devient possible d’"envisager la datation de tout échantillon relatif à un fait archéologique postérieur à 40.000 ans", rappelle Djibril Samb.
Dans les portraits croisés d’Abdou Diouf et de François Mitterrand (1916-1996), il décrit l’ancien président sénégalais comme un "expert de la politique", qui a acquis "une expérience très riche du fonctionnement de l’Etat", un homme d’"une forte personnalité".
Un "homme généreux et bon"
Le Belge Guy Raoul Thilmans (1922-2001), "un chercheur remarquable et polyvalent", et le Français Joseph Roger de Benoist (1923-2017), "un historien ‘africain’ émérite", ont rendu "des services signalés à la recherche africaniste et ont puissamment contribué (…) à une meilleure connaissance de l’histoire africaine, mais aussi de son patrimoine muséal".
"On ne dira jamais assez les rôles respectifs de Guy Thilmans et du Père de Benoist dans la préservation du patrimoine muséal de l’IFAN Cheikh-Anta-Diop", souligne Djibril Samb.
Il estime que "sans le premier nommé, avec le dévouement et l’ardeur à la tâche qui le caractérisaient, le Musée historique de Gorée n’aurait peut-être pas survécu, tant il s’est investi aussi bien dans sa réhabilitation que dans son aménagement". "Le second, complète M. Samb, apporta, de longues années durant, au même musée, son concours précieux et contribua ainsi à son administration et à son rayonnement".
Le professeur de philosophie rend hommage aussi à Thiendalla Fall, un "homme généreux et bon, qui appartient à la première génération des inspecteurs africains".
Des "Figures du politique et de l’intellectuel au Sénégal" font partie aussi Amadou Majhtar Samb (1893-1987) et Amadou Makhtar Samb Junior (1930-2007). Le premier, père de Djribril Samb, fut cadi de Saint-Louis, tout comme le second, magistrat de formation et frère de l’auteur.
Amadou Majhtar Samb, Amadou Makhtar Samb Junior et l’historien Hamady Bocoum, "l’archéologue qui entend le langage du fer", selon l’auteur, "incarne[nt] la parfaite illustration de ce qu’est la science lorsqu’elle s’unit à la justice ou à la vertu".
Théodore Monod (1902-2000), le premier directeur de l’Institut français d’Afrique noire, l’ancêtre de l’IFAN Cheikh-Anta-Diop, fut une "figure emblématique" de la science.
"La chance décisive de l’Institut français d’Afrique noire fut d’avoir à sa tête, dès sa fondation, un homme si admirable, qui alliait une érudition impeccable et une grande rigueur administrative, et un esprit théorique pénétrant à un pragmatisme de bon aloi", écrit Djibril Samb.