DIEMBERING ET KAFOUNTINE, DEUX PARADIS TOURISTIQUES MENACES PAR LEUR PRINCIPAL ATOUT
Les deux collectivités territoriales bordent l’océan Atlantique et sont arrosées par les cours d’eau du fleuve Casamance.
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Délimitées par le fleuve Casamance, la commune de Diembéring (département d’Oussouye) et celle de Kafountine (département de Bignona) partagent les mêmes caractéristiques. Les deux collectivités territoriales bordent l’océan Atlantique et sont arrosées par les cours d’eau du fleuve Casamance. Cet atout géographique, qui place Diembéring et Kafountine parmi les plus belles communes de la Casamance naturelle, est devenu une réelle menace pour l’existence de leurs populations.
UN PAYSAGE FLUVIO-MARITIME ATTRAYANT
Nichées dans l’extrême ouest de la région de Ziguinchor, Diembéring et Kafountine sont les seules communes de la Casamance qui donnent sur l’océan Atlantique avec au total environ 173 kilomètres de côte. Le fleuve Casamance est la frontière naturelle qui sépare Diogué, dans la commune de Kafountine et Nikine, dans la commune de Diembéring, deux villages situés à l’embouchure. Cette position géographique fait de ces deux collectivités territoriales un paradis terrestre. Les deux communes jouissent d’une végétation luxuriante, composée de forêts de palétuviers, de mangroves, de plusieurs espèces d’arbres. Ces havres, parsemés de fromagers centenaires, sont aussi arrosés par de nombreux marigots engendrés par le mariage entre le fleuve Casamance et l’océan Atlantique. Réputées pour leurs belles plages et leurs îles paradisiaques, les collectivités territoriales de Kafountine et de Diembéring sont une grande destination touristique du Sénégal. Elles sont par ailleurs les poumons de l’économie touristique avec la station balnéaire du cap Skirring et celle d’Abéné. Chaque année, Kafountine et Diembéring attirent de nombreux visiteurs. Aujourd’hui, la mer et le fleuve Casamance qui sont parmi les atouts touristiques sont devenus de réelles menaces pour l’existence des âmes qui y vivent.
L’EROSION COTIERE LE PRINCIPAL DANGER
Les villages de Nikine et Carabane (dans la commune de Diembéring) et Diogué (dans la commune de Kafountine) sont les plus touchés par l’avancée fulgurante de la mer notée ces dernières années. «Ces trois villages qui sont à l’embouchure du fleuve Casamance sont menacés et Nikine en premier. D’ailleurs le bois du village est englouti par les vagues et si l’on n’y prend garde, nous raconterons à nos enfants et à nos petits-enfants qu’il avait sur ces lieux un village qui s’appelait Nikine», avait déclaré, il y a deux ans, le Dr Samsidine Sarr lors d’une visite de la presse dans la zone. Ce géographe qui a fait sa thèse sur la question avait beaucoup insisté sur l’urgence de sauver ces trois villages. «C’est vrai que beaucoup de villages de la zone sont menacés. Mais Nikine, Diogué et Carabane sont les plus exposés compte tenu de leur position par rapport à l’embouchure du fleuve Casamance. Donc l’agression de la mer est plus forte de ce côté-là», ajoute le natif de Carabane.
Dans le village de Diembéring, même si c’est à un degré moindre, le constat est tout aussi alarmant. A la plage, les hectares de filaos qui constituaient un rempart contre l’érosion en fixant le sol n’ont pas survécu à l’agression progressive des vagues de l’océan Atlantique. «Ces filaos ont été plantés il y a plus de 3 décennies et ils étaient à plus de 500 m de la mer et il y avait six rangées. Mais aujourd’hui, il ne reste qu’une ou deux rangées », se désole Georges Boubacar Diatta, notable de Diembéring qui ajoute que toutes leurs rizières familiales qui se situaient dans la zone sont englouties par la mer. Il y a deux ans, des vagues très violentes avaient détruit toutes les installations érigées sur la plage du village de Diembéring. Des villageois qui y menaient des activités génératrices de revenus n’avaient que leurs yeux pour constater les dégâts. «Moi j’avais installé un bar restaurant sur la plage et je gagnais bien ma vie en vendant de la boisson et de la nourriture aux touristes qui venaient se baigner à la plage. Je m’étais déplacé une fois à cause de l’avancée de la mer. Mais cette fois-ci, les vagues ont tout détruit», relate Seynabou Diatta. Le maire de la commune de Diembéring compatit à la désolation des populations, mais ce spécialiste de l’environnement est encore plus inquiet que ses administrés. « Nous avons, ici, la plus importante vitesse de décapage de la côte, qui est de l’ordre de 20 mètres par an. Alors que la moyenne nationale est de l’ordre de 3 mètres par an», s’alarme l’édile de Diembéring Tombon Guèye.
A Kafountine, le phénomène est tout aussi inquiétant. Dans ce village, chef-lieu de la commune qui porte le même nom, une bonne partie du quai de pêche est avalée par les eaux de mer. «Nous avons le plus grand quai de pêche de la Casamance. Celui-ci ne peut plus contenir les pirogues, parce qu’il est devenu trop étroit», relate le maire de Kafountine Nfansou Victor Diatta. «Les pirogues ont déjà commencé à migrer vers Abéné et beaucoup d’infrastructures établies sur la côte sont menacées. Elles risquent de disparaître dans un futur proche », renchérit Omar Ndiaye du service des pêches de Kafountine Dans les îles de Diembéring et de Kafountine, en plus de perdre des surfaces de leurs terres agricoles à cause de la remontée de la langue salée, les populations sont confrontées à un problème d’approvisionnement en eau potable.
A Niomoune et à Diogué, dans la commune de Kafountine, se procurer le liquide précieux relève d’un véritable casse-tête à partir du mois de mars. « Pendant cette période, les citernes du village de Niomoune sont vides. Même pour effacer le tableau, nous avons des problèmes. Les populations sont obligées de sortir de l’île, en pirogue, pour se ravitailler», explique Saloum Dieng, enseignant en service à Niomoune. Un autre enseignant qui vit les mêmes problèmes, mais dans un autre village, c’est Cheikh Diatta. «Sur l’île de Diogué, deux des trois citernes que compte le village sont en panne. Pour la citerne fonctionnelle, le bidon de 20 litres est vendu à 200 FCFA. Et comme elle ne parvient pas à nous satisfaire, nous sommes obligés d’envoyer des pirogues à Elinkine nous chercher de l’eau. Imaginez donc le calvaire que nous vivons», dixit l’instituteur. Des îles comme Sifoka, Vendaye, Carabane, Ehidj, dans la commune de Diembéring, sont dans le même lot.
L’HOMME, LE FACTEUR AGGRAVANT
Cette érosion côtière est accentuée par la cruauté de l’Homme. A Diembéring, les dunes de sable qui ralentissent l’avancée de la mer sont souvent agressées sous le regard impuissant des populations et l’inertie complice des autorités territoriales et administratives de la zone, du service régional de l’environnement et du service des mines de Ziguinchor. Malgré l’arrêté N 26 CD 2015, portant interdiction des prélèvements de sable et de coquillages dans la commune de Diembéring, ces activités accentuent la vulnérabilité du village de Diembéring et y prospèrent. L’association Urok Juwatt, qui regroupe les fils de Diembéring, Bouyouye Nikine et Etamboudial, avait porté plainte l’année dernière pour stopper ces prélèvements de sable. Mais jusque-là aucune suite judiciaire n’est réservée à ce fléau.
Pour certains opérateurs touristiques, la protection du littoral des différentes formes d’agressions relève d’une urgence. «Cette bande côtière est la seule réserve foncière touristique qui reste dans la commune de Diembéring. Nous savons que seuls, nous ne pourrons pas nous battre contre l’avancée de la mer. Nous sollicitons de l’État du Sénégal et de ses partenaires un programme d’envergure qui consiste à installer des brise vagues pour sauver cette côte très importante pour l’avenir du tourisme en Casamance et préserver ce havre touristique», étaye Jean Siboundo Diatta opérateur touristique et ancien président de l’office du tourisme de Casamance.