LES LIVREURS «TIAK-TIAK», UN PALLIATIF AU CHOMAGE ?
Le développement de l’e-commerce au Sénégal a suscité la naissance du métier des livreurs par moto, plus communément appelé Tiak-tiak

Le développement de l’e-commerce au Sénégal a suscité la naissance du métier des livreurs par moto, plus communément appelé Tiak-tiak. Parfois, on trouve des sociétés bien organisées avec une grande clientèle. Mais la plupart du temps, certains jeunes s’y adonnent pour leur propre compte. La solution de l’emploi des jeunes qui constitue une équation à mille problèmes pour le pouvoir de Macky Sall ne passerait-elle pas par cette voie ?
S’il y a un secteur qui n’est pas durement touché par les effets néfastes de la pandémie de Covid 19, c’est bien le secteur de la livraison. Celui-ci est en pleine expansion au Sénégal et beaucoup de jeunes, qui refusent d’être employés par des sociétés comme Tiak-Tiak, travaillent pour leur propre compte et ne se plaignent pas.
Période de flux monétaires avec la Covid 19
Certaines sociétés spécialisées dans la livraison à domicile au Sénégal ont vu leurs chiffres d’affaires doubler lors du début de la pandémie du Coronavirus. En effet, tout au début avec la peur, des responsables de ménage refusaient de se déplacer pour faire leurs provisions dans les grandes surfaces. Le corps médical qui ne connaissait pas bien la maladie refusait systématiquement le contact physique des gens. En dépit de toutes les mesures prises, cette maladie qui a fini de faire des ravages dans les pays occidentaux n’a pas laissé intacts les pays sous-développés comme le nôtre. Certes, les décès dus à cette pandémie dans notre pays n’ont pas connu des proportions aussi importantes, comme c’est le cas dans les pays européens. Seule consolation, s’il en existe, c’est qu’avec la propagation de la Covid 19, la plupart des sociétés de livraison se sont frotté les mains. Les sites e-commerces avaient la plupart du temps fini d’intégrer ces sociétés de livraison organisées et reconnues par le fisc sur leurs plateformes et les coursiers se sont chargés de livrer les commandes en express ou sur rendez-vous. Ils sont nombreux dans les rues de Dakar, surtout à l’heure du déjeuner, qui font la navette entre les restaurants et les différents bureaux éparpillés dans Dakar et sa banlieue.
Selon le fondateur de la start up Tiaktiak, son équipe est « composée d’une cinquantaine de conducteurs à deux roues ou en vélo qui livrent différents types de commandes dont des repas ». Ibrahima Soumaré soutient qu’il s’est retrouvé dans le métier de livraison par défaut. « Je détiens un permis de conduire pour les gros porteurs. Depuis l’avènement de la pandémie dans notre pays, le travail tournait au ralenti et puisque je suis responsable de famille, marié avec plusieurs enfants, je ne pouvais pas rester les bras croisés. J’ai pu acheter la moto Jakarta avec laquelle je travaille grâce à une tontine. Aujourd’hui, je ne me plains pas et je ne suis pas prêt d’aller travailler pour quelqu’un d’autre » a-t-il révélé.
Casque vissé sur la tête, Ousmane Touré fait partie des nombreux jeunes qui parcourent les rues de la capitale sénégalaise et de sa banlieue pour livrer des colis. Etudiant dans un institut supérieur de gestion, Ousmane arrive à subvenir à sa mensualité scolaire grâce au bénéfice tiré du métier de livreur. « Je suis étudiant en cours du soir dans un établissement du supérieur en management et gestion. Beaucoup de clients me font confiance et m’appellent pour effectuer des livraisons. Avec ma moto, je pars jusqu’à Thiès pour livrer des portables haut de gamme dont des IPhones. Avec ce que je gagne journellement, j’arrive non seulement à subvenir à mes besoins de nourriture mais à payer ma scolarité et mon loyer car je viens des régions. Mieux, durant la fête de Tabaski, j’achète le bélier pour mon père qui est d’un âge très avancé» a-t-il expliqué. A en croire cet étudiant, l’Etat doit organiser davantage les jeunes à prendre cette voie qui est vecteur de croissance économique.
Du fait de la concurrence impitoyable, Moussa Diouf, tailleur établi dans la banlieue, a décidé de vendre ses trois machines à coudre pour acheter une moto Jakarta afin de s’atteler à la livraison. « J’avais vendu mes machines à trois cent mille FCFA afin d’acheter une moto venant d’Europe. Aujourd’hui, je dispose de deux autres motos. J’emploie deux jeunes dynamiques du même quartier et qui me font des recettes journalières variables entre 30 et 40 mille chacun pour un salaire fixe de 60 mille FCFA le mois. J’envisage d’acheter d’ici deux ans un véhicule pour faire la livraison dans les régions » a-t-il ajouté.
Contrat de confiance entre les clients et les livreurs
Parfois, les livreurs ne connaissent pas les clients à qui ils offrent le service. Ils sont mis en contact souvent par le vendeur de produits en ligne qui lui suggère du fait de l’éloignement de son lieu d’habitation et du gain de temps, les services de livraison Tiak-Tiak d’un des postulants à leur service de livraison. «C’est plus facile de se faire livrer que de laisser les tâches à faire à la maison pour se déplacer à aller chercher des trucs qu’on peut vous amener jusque chez vous. Il y a de la sécurité puisque les gens qui nous livrent te rassurent avant même de venir. Et une fois chez toi, tu trouves que ça vraiment c’est le produit commandé», remarque Sira Konaté qui croit que le secteur de la livraison est une piste parmi plusieurs pour résorber le chômage endémique des jeunes.
Créneau pour résorber le chômage des jeunes
Selon les dernières informations publiées par l’ANSD, le niveau du chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus est évalué à 16,9% au quatrième trimestre de 2019. Ce phénomène est légèrement plus noté en milieu rural où 18,7% de la population active est au chômage contre 15,5% en zone rural. De même, l’enquête démontre que la répartition du chômage basée sur le sexe, affecte davantage les femmes (27,6%) que les hommes (8,6%). C’est dans ce sens que le chef de l‘Etat a décidé après les émeutes consécutives à l’arrestation d’Ousmane Sonko, le leader des Patriotes, de convoquer un conseil présidentiel sur l’Emploi des jeunes le 22 avril prochain au centre Abdou Diouf de Diamniadio. Lors de cette rencontre, des pistes seront dégagées pour tenter de résorber le chômage des jeunes. D’ailleurs, le chef de l’Etat, Macky Sall a annoncé qu’il va injecter 450 milliards FCFA sur trois ans, dont 150 milliards dès cette année pour tenter de résorber le chômage des jeunes. Mieux, dans son discours à la Nation du 03 avril au soir, il a annoncé le déblocage immédiat de 80 milliards pour créer 65.000 emplois dans les domaines de l’éducation, de l’environnement et… de la sécurité entre autres. Cependant, la plupart des jeunes interrogés croient que le métier de livreur est en pleine expansion et que si le marché est davantage organisé, cela pourrait valoir aux jeunes de trouver de l’emploi mais aussi cela permettrait à l’Etat de récolter par le biais du fisc des sommes considérables pour son fonctionnement.