LA FIN DE L'USAID TELLE QU'ON LA CONNAÎT
"Plus sûr, plus fort, plus prospère" : c'est autour de ces trois piliers que l'administration Trump voudrait reconstruire l'architecture de l'assistance internationale américaine, au prix d'une transformation radicale de l'USAID

(SenePlus) - Un document détaillant une refonte complète de l'aide étrangère américaine circule à Washington, suscitant des réactions mitigées parmi les experts du développement international. Selon un article de Devex publié le 21 mars 2025 par Adva Saldinger et Elissa Miolene, ce plan viserait à réorganiser fondamentalement l'assistance américaine autour de trois piliers : "plus sûr, plus fort et plus prospère".
Le document de 13 pages, que Politico attribue à des conseillers du président Donald Trump, propose de remplacer l'USAID par une nouvelle "Agence américaine pour l'assistance humanitaire internationale" (IHA). Cette nouvelle entité, placée sous la tutelle du Département d'État, aurait un mandat beaucoup plus restreint, se concentrant uniquement sur la sécurité alimentaire, la santé mondiale, la réponse aux catastrophes et l'aide humanitaire.
L'efficacité de cette agence serait mesurée par des "indicateurs concrets" tels que l'endiguement des maladies, la prévention des famines et le nombre de vies sauvées, selon le mémorandum.
Le plan s'articule autour de trois axes principaux :
- "Plus sûr" : La nouvelle IHA remplacerait l'USAID avec une mission strictement humanitaire.
- "Plus fort" : Le Département d'État absorberait les programmes "à orientation politique" de l'USAID, notamment ceux promouvant la démocratie, la société civile, la liberté religieuse et l'autonomisation des femmes.
- "Plus prospère" : La Millennium Challenge Corporation (MCC) et l'Agence américaine pour le commerce et le développement (USTDA) seraient intégrées à la Société financière internationale pour le développement (DFC), créant ainsi un contrepoids à l'initiative "La Ceinture et la Route" de la Chine.
Certains aspects de cette proposition reprennent des idées déjà existantes. Par exemple, les "accords de développement" mentionnés dans le document rappellent le modèle utilisé par la MCC depuis plus de vingt ans. De même, le financement basé sur les résultats est un concept déjà bien établi dans le secteur de l'aide.
Richard Crespin, du Center for Strategic and International Studies, estime que le mémo est "bien pensé" et reflète une compréhension approfondie des aspects législatifs et pratiques de l'aide étrangère.
Cependant, de nombreux experts expriment des préoccupations majeures. George Ingram, de la Brookings Institution, s'interroge sur le niveau d'aide que l'administration envisage de maintenir : "Quand on se débarrasse de 90% du personnel de l'USAID, cela limite considérablement la quantité d'aide et la façon dont on peut la fournir."
D'autres questions se posent sur la capacité du Département d'État à gérer l'aide humanitaire et sur le sort des milliers de programmes déjà supprimés. Larry Nowels, coprésident du Modernizing Foreign Assistance Network, qualifie la proposition de "malavisée", soulignant que les activités humanitaires et de développement sont intrinsèquement liées.
La proposition ne mentionne pas spécifiquement les effectifs, mais l'administration Trump a déjà réduit le personnel de l'USAID de 95% en deux mois. Un employé de l'USAID en congé administratif a exprimé des doutes sur la capacité d'une main-d'œuvre aussi réduite à superviser efficacement les programmes d'aide proposés.
Le document reconnaît que ces changements nécessiteraient l'intervention du Congrès pour modifier des lois de longue date. Certains observateurs notent que la proposition semble réduire considérablement la surveillance du Congrès sur l'aide étrangère.
"Si cette proposition devait aller de l'avant, elle forcerait le Congrès à commencer à s'impliquer et à décider s'il veut exercer son autorité et son rôle constitutionnel," affirme Ingram.
Alors que certains législateurs semblent informés des discussions, d'autres, démocrates comme républicains, paraissent toujours dans l'ignorance des actions de l'administration ou de ses plans futurs.