LA HAUSSE INVISIBLE DES BILLETS
Alors que la reprise du trafic aérien semblait annoncer un retour à la normale post-Covid, les compagnies ont profité de la situation pour réviser leurs grilles tarifaires à la hausse, sous prétexte de taxes aéroportuaires excessives
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Décidément ! Les compagnies aériennes prennent les passagers sénégalais pour des pigeons…voyageurs ! Presque deux ans après la fin de l’état d’urgence sanitaire déclarée dans le monde, Dame « Covid19 » est toujours accusée d’avoir fait flamber les prix des billets d’avion. Pendant ce temps, les agences de voyage sénégalaises se justifient en accusant l’Association internationale du transport aérien (Iata) d’avoir durci et complexifié les transactions financières et émissions de billets par des garanties et des amendes coûteuses…
Presque tous nos compatriotes s’inquiètent de la cherté des billets d’avion. Des billets plus chers au Sénégal que partout ailleurs dans le monde. Pour preuve, il est moins cher d’aller en Chine ou en Australie à partir de l’Europe et des USA que de quitter notre pays pour se rendre à Nouakchott, Bamako ou Abidjan, des villes capitales situés à moins de trois, voire deux, heures de vol de Dakar ! Cette cherté des billets impacte considérablement la mobilité des citoyens qu’ils soient étudiants, « Modou-Modou » ou hommes d’affaires. Les agences de voyages, tant formelles qu’informelles, naviguent dans un environnement de plus en plus complexe où la hausse des coûts opérationnels et des taxes aéroportuaires pèse lourdement sur les prix des billets. Face à ces prix prohibitifs, beaucoup de touristes et voyageurs d’affaires sont souvent obligés de renoncer à leurs déplacements. Ou alors de chercher d’autres alternatives moins onéreuses.
En tout cas, il est généralement admis que la crise du secteur aérien post-pandémie a constitué le prétexte pour les compagnies aériennes de réviser leurs politiques tarifaires en s’adjugeant des marges financières supplémentaires sur le dos des consommateurs. D’où les nombreuses réunions d’échanges entre les acteurs du transport aérien visant à trouver les voies et moyens de diminuer les taxes et redevances aéroportuaires jugées excessives. Malheureusement, ces nombreuses « réunions » de l’air n’ont jamais donné grand-chose !
Toujours est-il que les experts ont toujours recommandé une révision des accords internationaux et une meilleure coopération entre les parties prenantes afin de réduire les coûts induits par la régulation internationale. Et surtout de trouver des mesures pour accompagner les agences de voyage informelles (entreprises revendeuses) accusées de contribuer elles aussi à la cherté des billets d’avion. Un cadre d’une compagnie aérienne se défausse sur elles en ces termes : « Ces agences revendeuses ou intermédiaires prélèvent des frais de service dits « commission » variant entre 20 000 cfa et 100 000 cfa sur chaque billet vendu. Une commission qui vient s’ajouter à celle de l’agence agrée. Comme quoi, chacun maillon fort et faible de la chaine commerciale prend sa commission sur un billet vendu et validé. Sans compter les frais, taxes et redevances imposés et perçus par l’Etat » se désole-t-il.
Des taxes impitoyables même sur l’axe Dakar/Saint-Louis
Il ressort de nos investigations que l’Iata EasyPay, géré par carte bancaire, et l’Iata standard garantissant les versements contribuent certes à sécuriser le paiement des billets mais, en même temps, étranglent le client-voyageur. Parce que les amendes du système peuvent générer des sommes importantes à payer dans les 15 jours par l’agence de voyage, ce qui peut contribuer à l’augmentation des frais d’émission de billets. Même pour les vols domestiques, l’Etat est sans pitié sur les taxes et redevances aéroportuaires. Par exemple, pour un billet aller-retour Dakar-Saint Louis coûtant 60 000 cfa, les taxes s’élèvent entre 28 000 cfa et 33 000 cfa représentant presque la moitié du prix du billet. Cette situation est dénoncée par les compagnies aériennes comme étant la principale cause de la cherté des billets.
D’ailleurs, les compagnies aériennes frustrées ont pris prétexte de ces taxes et redevances pour refuser de verser des commissions, qui s’élevaient à 6% ou 9% du prix du billet, aux agences de voyage. Ainsi Brussels Airlines, Air France, Turkish Airlines et Ethiopian Airlines ne versent plus de commissions, contrairement à des compagnies comme Air Sénégal et Asky.
En conséquence, les agences de voyage ne bénéficient plus que de frais de services. Selon des experts en audit commercial, la concurrence ne se joue plus au niveau des tarifs des billets mais plutôt, désormais, sur le marketing. Dès lors que les compagnies aériennes mettent en avant le confort, la sûreté, la sécurité et le service clientèle pour attirer les clients. « Ces stratégies marketing mettant en avant la commodité, la sécurité et la ponctualité visent à divertir voire détourner les clients pour qu’ils ne se plaignent pas de la cherté des billets. Si un client se sent à l’aise, voyage dans un avion de dernière génération avec un personnel de bord professionnel et convivial, et est assuré que ses bagages arriveront à bon port, la question du prix des billets devient secondaire » nous explique le responsable marketing d’une grande compagnie aérienne. Toutefois, cela n’est valable que pour les passagers ayant des moyens car, pour la grande masse, un franc est un franc et ils rechercheront toujours la compagnie la moins chère.
Le confort et la sécurité pour compenser la cherté des billets
Par contre, un directeur commercial d’une compagnie européenne nous a déclaré qu’un billet d’avion ne peut pas être à la portée de tous, car la nature même du voyage exclut cela. Puis, il a rappelé la définition du transport aérien : « Le transport aérien est l’activité qui assure le déplacement de personnes de différentes catégories (passagers ordinaires, passagers spéciaux, personnalités ou Vip) ainsi que des marchandises (fret, poste, envoi express, matières dangereuses), par voie aérienne, d’un point A (provenance) vers un point B (destination) en respectant les principes de sécurité, de confort et de rapidité ».
Mais cela n’empêche pas certains transporteurs aériens de chercher à optimiser leurs opérations pour réduire les coûts des billets ailleurs et limiter l’impact sur les prix aux consommateurs. Une prise de conscience qui laisse croire que les passagers deviennent plus sensibles aux prix des billets et recherchent davantage de comparaisons et d’offres spéciales.
Toujours est-il que « Le Témoin » a appris que des discussions sur la régulation des taxes aéroportuaires et leur impact économique sont en cours dans plusieurs pays, visant à trouver un équilibre entre financement des infrastructures et accessibilité des voyages aériens. Comme quoi, la plupart des Etats africains comme le Sénégal reconnaissent que la hausse des taxes ou redevances aéroportuaires, bien qu’essentielle pour l’amélioration des infrastructures et de la sécurité, a des répercussions importantes sur les prix des billets d’avion. Donc compagnies aériennes et passagers doivent effectuer une navigation gagnant-gagnant tout en assurant surtout la viabilité et l’accessibilité des voyages aériens.