NOUS ALLONS METTRE EN PLACE UNE COMMISSION ECONOMIQUE CONJOINTE
La secrétaire d’Etat adjointe américaine aux Affaires africaines, Molly Phee, a participé à la Biennale de Dakar, mais également dirigé une délégation de diplomatie commerciale chargée de présenter des entreprises américaines au Sénégal. Entretien...
D’une pierre deux coups. Lors de sa visite à Dakar, la secrétaire d’Etat adjointe américaine aux Affaires africaines, Molly Phee, a participé à la Biennale de Dakar, mais également dirigé une délégation de diplomatie commerciale chargée de présenter des entreprises américaines au Sénégal. En marge de ces activités, elle a accordé un entretien au journal Le Quotidien, au cours duquel la diplomate revient sur les relations entre les Etats-Unis et le Sénégal, la Vision Sénégal 2050, mais aussi la nouvelle commission économique conjointe que les Etats-Unis et le Sénégal comptent mettre en place.Vous séjournez à Dakar pour les besoins de la Biennale. Vous êtes accompagnée d’une forte délégation d’acteurs culturels, mais également d’hommes d’affaires. Expliquez-nous les raisons de cette combinaison ?
C’est pour être réactifs par rapport à la demande du Président Faye et de son gouvernement. En visite à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies, le Président Bassirou Diomaye Faye a rencontré le secrétaire d’Etat Antony Blinken pour lui expliquer la nouvelle vision de développement du Sénégal. La Vision Sénégal 2050 met beaucoup l’accent sur le secteur privé et l’investissement privé, et accorde une place importante aux nouvelles technologies. A New York, il a aussi rencontré des entreprises américaines, notamment Meta et Google. Il s’est rendu en Californie pour visiter des entreprises. Et il a demandé aux Etats-Unis de travailler pour que les entreprises américaines viennent au Sénégal. C’est pourquoi je suis là juste après sa demande, parce que nous croyons que sa vision va aider à créer un Sénégal plus fort. J’ai choisi cette semaine aussi à cause de la Biennale. Les Etats-Unis ont un pavillon à la Biennale de cette année.
Parlez-nous de votre agenda.
Pour les premiers jours de mon séjour à Dakar, les rencontres étaient avec des Ong, écouter des ministres et entendre directement les objectifs du gouvernement, et présenter les membres de la délégation au gouvernement du Sénégal, pour qu’ils expliquent comment ils peuvent contribuer au développement du Sénégal. Et je peux dire qu’il y a beaucoup d’engouement, parce que ces entreprises ont beaucoup de talents et je crois qu’elles peuvent faire la différence ici.
Par rapport à la Vision Sénégal 2050, quels sont les points qui vous ont plus marqués ?
Il y a des points dans la Vision Sénégal 2050 que nous admirons. Par exemple, le fait qu’il insiste sur la bonne gouvernance, sur la transparence. Le gouvernement a eu l’audace de revoir son programme avec le Fmi (Fonds monétaire international) et nous savons que le gouvernement est dans une phase de transition. Il faut qu’il travaille à faire face à ce défi budgétaire. Nous soutenons cette décision d’être transparent, parce qu’elle crée une bonne base pour l’économie nationale. Le gouvernement doit essayer de résoudre le déficit. Mais nous avons confiance au Sénégal. Ma visite de cette semaine avec des entreprises, c’est pour réaffirmer cette confiance au Sénégal.
La renégociation de certains contrats dans le secteur extractif est également envisagée par le gouvernement. Etes-vous en phase avec cette décision aussi ?
Je n’en ai pas beaucoup entendu parler, ces derniers mois au Sénégal. Mais, les Etats-Unis appuient l’exploitation responsable des ressources et plaident pour que les bénéfices aillent aux populations. C’est un objectif que nous appuyons. Nous avons de grandes entreprises américaines qui sont au Sénégal et qui ont signé des contrats dans la légalité, et nous espérons que ces contrats seront respectés. Cela va donner un signal aussi bien aux entreprises américaines qu’aux autres entreprises d’autres pays. Le respect des contrats va les encourager à venir investir dans le pays.
Vous avez rencontré certains ministres, Ong et directeurs généraux. Quel a été le message phare que vous avez partagé avec eux ?
Le sujet dont j’ai parlé dans toutes mes rencontres, c’est l’accord que nous avons avec le gouvernement du Sénégal de mise en place d’une commission conjointe économique. La première réunion sur ce projet aura lieu le 21 novembre 2024 à Washington. Nous avons décidé de créer cette commission pour avoir un cadre formel de discussion entre les gouvernements américain et sénégalais, entre les hommes d’affaires américains et sénégalais. Bien sûr, nous avions déjà eu ces discussions, mais cette nouvelle commission va aider à les faire progresser. Les trois sujets sur lesquels on mettra l’accent seront l’agriculture, les technologies et l’environnement des affaires.
Comment l’idée de la création de cette nouvelle commission est-elle née ?
Quand le nouveau gouvernement a pris fonction, l’ambassadeur a soulevé l’idée de la création de la commission et en juillet, quand je suis venue avec le secrétaire d’Etat adjoint, on en a encore parlé avec le gouvernement.
Est-ce qu’on peut s’attendre à un changement de paradigmes par rapport aux relations entre les Etats-Unis et le Sénégal ?
Je crois que nous avons déjà des relations positives. Nous avons une très longue histoire de partenariat et d’amitié entre les peuples américain et sénégalais. Je peux vous en donner des exemples. Le premier exemple, c’est le Corps américain de la paix. Depuis des années, des Américains viennent pour vivre avec des Sénégalais afin de contribuer au développement du pays. Cette relation de peuple à peuple est très importante. Ensuite, l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) abat un travail très important au Sénégal, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité alimentaire. Nous avons aussi le Mcc (Millenium challenge corporation) que vous connaissez. Le Sénégal est en très bonne position concernant ce programme qui amène des investissements. Le premier compact avait porté sur l’agriculture et la construction de routes au Sénégal. Le compact en cours porte sur l’énergie, notamment l’amélioration de l’accès à l’électricité, du transport et de la gouvernance. Et vous savez combien l’énergie est importante dans tous les aspects de la vie des populations.
Actuellement, nous sommes en discussion avec le gouvernement pour un troisième compact, qui sera axé sur l’économie bleue. Le quatrième exemple que je voudrais donner par rapport à la coopération entre le Sénégal et les Etats-Unis, c’est l’U.S. international Development finance corporation (Dfc). Elle injecte des financements très importants dans les projets. Le dernier projet qu’ils sont en train de financer, c’est sur la conservation de produit.
Comment cette commission pourrait-elle aider à faire progresser cette coopération ?
C’est une bonne question. Pour moi, cette commission va forcer aussi bien les Etats-Unis que le Sénégal à continuer le dialogue, à se parler, à poser des actions concrètes. Je pense que cette commission va nous amener à prendre le meilleur des Etats-Unis et l’associer avec le meilleur du Sénégal. Nous avons beaucoup de choses à offrir et nous pouvons faire une grande différence.
Où en est-on avec la mise en œuvre de l’Ago ? Cette loi ne semble pas porter ses fruits pour certains pays comme le Sénégal.
Je suis contente que vous posiez cette question. C’est un problème, et on en parle dans l’administration. Ce programme permet de mettre des préférences douanières. L’objectif de base était de quitter l’aide humanitaire et d’amener les entreprises africaines à entrer dans le commerce, avoir accès au marché américain, il y a 20 ans. Et je pense que son impact est très populaire dans les pays où il s’applique. Le défi auquel on fait face actuellement, c’est de voir le Congrès américain la renouveler en 2025. Conformément à cette loi, on doit tenir une réunion chaque année, soit aux Etats-Unis, soit en Afrique. L’année dernière, la réunion s’est tenue en Afrique du Sud, et pendant cette réunion, le Président Biden a sorti une déclaration où il disait qu’il soutient très fortement le renouvellement de la loi. Nous sommes en discussion continue avec le Congrès pour le renouvellement de la loi. Et nous profiterons de l’occasion pour la retravailler, afin qu’elle soit plus calibrée par rapport aux besoins du Sénégal spécifiquement.
Faute d’emploi, nous assistons à une émigration massive de jeunes et même de femmes vers d’autres horizons. Quel commentaire cela vous inspire ?
J’ai trois idées concernant ce problème. La première chose, c’est que les Etats-Unis sont un pays d’immigration. Notre société a été enrichie avec l’immigration. Ma famille a immigré aux Etats-Unis. Je crois fermement que l’immigration est une force. Mais elle n’est pas un processus facile. Souvent ça signifie qu’il faut quitter sa famille, rencontrer des situations très dangereuses. C’est normal que chaque personne ait le choix de sa résidence.
Et nous admirons la vision du nouveau gouvernement. Il parle de souveraineté, justice et prospérité. C’est pourquoi je pense que les entreprises américaines peuvent aider à faire face à ce problème. Les entreprises américaines sont différentes de celles d’autres pays, parce que quand elles viennent dans un pays, elles veulent avoir un impact. Cela, en cherchant à avoir un partenariat avec une entreprise locale. Nous allons chercher à savoir quel genre de formation offrir, quelle technologie partager. Nous cherchons à employer des Sénégalais et créer de bons emplois. Et nous cherchons évidemment à travailler à Dakar, mais aussi hors de Dakar, en Casamance par exemple.