TEMPÊTE DANS LA FILIÈRE ARACHIDE
Le gel des exportations décidé par l'État se heurte à la réalité du terrain. Les acteurs dénoncent une mesure qui pourrait asphyxier la filière, alors que la Sonacos est mise en doute sur sa capacité à absorber toute la production
Le gouvernement du Sénégal a décidé de suspendre les exportations de graines d’arachide afin de sécuriser la reconstitution du capital semencier du pays et de faciliter l’approvisionnement des huileries locales. Même si cette mesure est bien accueillie par les huiliers notamment la Sonacos, elle n’est pas bien appréciée par les opérateurs exportateurs de graines et les producteurs.
Le gouvernement sénégalais a décidé de suspendre, à compter du 15 novembre, les exportations de graines d'arachide pour la campagne 2024-2025. Selon le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Elevage, cette mesure vise à "éviter que les exportations ne concurrencent la commercialisation locale".
Cette suspension implique que toute licence ou autorisation d’exportation non-utilisée d’ici le 15 novembre deviendra automatiquement caduque et invalide. La mesure s’inscrit dans la volonté du nouveau régime de redynamiser la Sonacos qui faisait face, ces dernières années, à d’énormes difficultés pour collecter suffisamment de graines. Pour cause, les producteurs préféraient souvent vendre leurs graines aux Chinois, qui proposaient des prix plus élevés que le prix plancher fixé par le Comité national interprofessionnel de l’arachide (Cnia). Donc, en contrôlant les flux de graines d’arachide à l’international, le ministère entend sécuriser les approvisionnements nationaux et soutenir les acteurs locaux de la transformation, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire du pays.
Néanmoins, cette suspension pourrait avoir des répercussions sur les opérateurs de la filière arachidière, qui comptent généralement sur les exportations pour redynamiser leurs revenus. D’ailleurs, ces opérateurs exportateurs de l’arachide crient au scandale. Car, l’exportation de graines constitue un marché, le plus grand du système de commercialisation de l’arachide au Sénégal durant ces deux dernières décennies.
Pour eux, la mesure va non seulement priver des milliers de jeunes du pays et de la sous-région d’un emploi, mais elle va réduire lamentablement la valeur ajoutée du produit et ajourner tous les accords commerciaux avec certains pays comme la Chine, dans le secteur spécifique de l’arachide. Les agriculteurs du bassin arachidier, quant à eux, n’approuvent pas cette mesure.
En effet, ils fustigent l’attitude du ministre Mabouda Diagne qu’ils qualifient d’unilatérale. Ces producteurs pensent que la Sonacos ne serait pas capable d’absorber toute la production de cette campagne arachidière.