GUIRASSY LISTE LES CAUSES DES CONTRE-PERFORMANCES DES ELEVES
Les examens et concours nationaux font l’objet d’une attention particulière de la part des nouvelles autorités de notre pays. Lesquelles viennent d’y consacrer un conseil interministériel présidé par le Premier ministre, M. Ousmane Sonko
Les examens et concours nationaux font l’objet d’une attention particulière de la part des nouvelles autorités de notre pays. Lesquelles viennent d’y consacrer un conseil interministériel présidé par le Premier ministre, M. Ousmane Sonko. A cette occasion, le ministre de l’Education nationale, Moustapha Mamba Guirassy, a parlé du dispositif national des examens et concours, du bilan de la session de 2023 mais surtout des causes qui expliquent les contreperformances des élèves. Il n’a pas occulté les points d’attention dans le dispositif organisationnel de ces examens et concours, les statistiques et calendriers de la session de 2024.
Le dispositif national organisationnel des examens et concours est porté par trois départements ministériels. Il s’agit du ministère de l’Education nationale pour le Cfee (certificat de fin d’études élémentaires) et le Bfem (brevet de fin d’études moyennes), le ministère de l’Enseignement supérieur qui s’occupe du Baccalauréat général et du Concours général, et celui de la Formation professionnelle en charge de l’organisation des divers brevets et certificats professionnels. Concernant le bilan de la session du Cfee, le taux de réussite, qui était de 26% en 2022, a dégringolé jusqu’à 18% en 2023. Un taux d’échec, certes en régression, mais toujours élevé. S’agissant du Bfem, le taux de réussite est passé de 30% en 2022 à 24% en 2023. Au niveau du bac, c’est beaucoup plus grave puisque le taux d’échec est de 48% aussi bien en 2022 qu’en 2023. Autrement dit, presque un élève sur deux qui brigue ce premier diplôme de l’enseignement supérieur ne réussit pas à l’obtenir.
Pour le ministre de l’Education nationale, «on peut être satisfaits ou moyennement satisfaits, mais les 18% c’est à la limite une catastrophe pour un pays». Il explique ainsi que dans tous les grands pays qui se sont fondés sur l’Education, l’Etat s’est d’abord engagé au niveau du préscolaire. Ce qui y donne un taux de réussite scolaire de presque 100%. «C’est à partir de 3 ans qu’on fabrique l’enfant et le citoyen. Mais chez nous, il y a un désengagement quelque part.
D’ailleurs, l’obligation de scolarisation commence à partir de 6 ans pour 10 ans. En négligeant cette partie importante, et quand on voit un taux de 18 %, c’est extrêmement dangereux», a martelé Moustapha Mamba Guirassy tout en demandant de «très vite» renverser la tendance. Il dit avoir fait un constat. «Quand on fait la comparaison avec les pays qui mettent en avant l’importance de l’éducation pour la transformation systémique, plus on avance, plus l’Etat se désengage en, peut-être, favorisant même le secteur privé. Vous comprenez bien que, pour l’enseignement supérieur, il n’y a pas d’obligation. Mais celle de l’Etat, c’est la scolarité de 10 ans, à partir de 6 ans. Ce qui veut dire que la base de la pyramide, c’est cette partie extrêmement importante. Nous devons revoir notre dynamique et notre conception de l’éducation», estime le nouveau ministre de l’Education nationale.
Pour lui, «c’est à ce niveau des 18% qu’on peut aller chercher le monde des «daara». A ce niveau-là, les enfants de 3 ans sont hors circuit parce qu’ils sont dans le système daara. Si on donnait une plus grande importance à ce secteur du préscolaire, il y a moyen d’aller chercher ces enfants-là et de renforcer l’éducation. Mais il y a un chiffre beaucoup plus inquiétant. 1 enfant sur 2 dans notre pays n’est pas scolarisé. C’est quand même assez alarmant. Le ministre tente quand même de rassurer en indiquant qu’il y a beaucoup d’écoles informelles, beaucoup d’écoles non formelles avec des passerelles qui sont en train d’être développées pour ramener tous les enfants qui les fréquentent dans le circuit formel. «L’idée, c’est plusieurs entrées et une seule sortie. C’est la logique et la démarche», explique le ministre.
A en croire Moustapha Mamba Guirassy, les causes de cette contreperformance dans nos écoles s’expliquent d’abord par le fait que le système ne capte pas et ne met pas tous les enfants dans le circuit. Il y a aussi que bon nombre de communautés sont exclues. Ce qui, dit-il, explique aussi ce manque de performance ou cette contre-performance.
Absence d’une politique nationale d’évaluation
Au-delà des circuits parallèles, le ministre pointe aussi la problématique du système d’évaluation qui lui parait peu performant, et qui ne favorise pas la qualité des enseignements et des apprentissages. En réalité, s’émeut-il, il n’y a pas un dispositif national d’évaluation. «Au niveau d’un même département, il y a beaucoup trop d’évaluations avec les projets, le ministère, d’autres ministres.... Finalement, il n’y a pas une politique nationale d’évaluation, et il y a lieu d’harmoniser le système d’évaluation. Au plan international, les systèmes d’évaluation ne sont pas alignés à nos objectifs.
En Afrique le Pasec apprécie la qualité. Malheureusement, le système n’évalue que la lecture en français et la maitrise des mathématiques. Or, c’est l’enfant qu’on doit évaluer, ses compétences, et dans quelle mesure il arrive à accompagner sa société avec une bonne citoyenneté ou accompagner une organisation publique ou privée. A côté du Pasec, développé par la Francophonie, il y a le Pisa, une autre mesure internationale utilisée par la Corée, par l’Europe, les pays de l’Ocde et qui est beaucoup plus pertinent. Je disais à nos amis de la Francophonie que nous manquons d’ambitions. On ne peut pas continuer à mettre en avant ce type d’évaluation qui, en réalité, ne mesure pas ce que nous devons mesurer. Quand je pose la question, on me dit que ça coûte cher. Mais je pense qu’il faut arrêter ce misérabilisme comme disait l’ancien président Abdoulaye Wade. On ne doit pas renoncer à la qualité pour des questions de moyens !», s’écrie le ministre de l’Education nationale. C’est d’autant plus paradoxal, fait remarquer Moustapha Mamba Guirassy que, au sein du ministère de l’Education, il y a pourtant un observatoire national d’évaluation. Un observatoire qui, hélas, «ne fonctionne pas» se désole-t-il. Et d’expliquer «tous les deux ans, il y a des résultats qui devaient être partagés. Mais faute de moyens et d’organisation, et aussi du fait du peu d’importance qu’on donne à ces évaluations, cet observatoire ne marche pas. Il y a aussi un manque de coordination des différentes évaluations, une insuffisance de l’exploitation et la capitalisation des données d’évaluation» énumère le ministre. Et de rappeler que «le monde d’aujourd’hui est gouverné par les données, les data. Beaucoup d’efforts sont consentis, il y a beaucoup de projets, d’argent, d’études, mais généralement sur des années on perd toutes ces données qui ne sont pas reversées dans le système pour le rendre plus intelligent».
Les autres causes des contre-performances de nos élèves, selon toujours celui qui est aussi le fondateur et ancien directeur de l’Institut africain de Management (IAM, un grand établissement privé d’enseignement supérieur), «ce sont les conditions d’apprentissage qui sont défavorables à la réussite scolaire. Plus précisément, c’est le non-respect des normes et standards de qualité dans la majorité des établissements scolaires. J’ai vu des enfants, des filles surtout, très souvent malades, parce que, quand ils sont à l’école, ‘il y a la rétention très élevée provoquée par le fait de ne pas fréquenter les toilettes».
La persistance des abris provisoires et des effectifs pléthoriques dénoncée…
Moustapha Mamba Guirassy n’oublie pas de mentionner la persistance des abris provisoires, les effectifs pléthoriques, le déficit de salles de classe et de tables-bancs, le manque de personnel enseignant... «A Kédougou, par exemple, il y a environ 300 enseignants qui devaient quitter mais, dans l’autre sens, il n’y en avait que 6 qui acceptaient de venir dans cette ville (Ndlr, dont il fut le maire).On y note pour cette année un déficit immédiatement pour cette année assez important de plus de 250 enseignants. C’est le cas de Matam, de Ziguinchor... de beaucoup d’autres régions», a-t-il indiqué. Ce n’est pas tout puisqu’on assiste à la persistance des classes spéciales, la faiblesse de la prise en charge de l’alimentation qui est à 22% de couverture nationale, combinée aux problèmes d’hygiène... Il y a aussi l’environnement des écoles avec des centres commerciaux, des garages de mécaniciens... D’où l’insécurité et les dangers pour les élèves. Pour lui, la question des espaces cédés ou vendus et qui participent à la contre-performance du système éducatif, est une urgence à régler.
Parlant des enseignants, Moustapha Mamba Guirassy a soulevé des questions liées à l’encadrement, à la formation avec notamment les inspecteurs qui ne respectent pas les cahiers de charge. Par exemple, dit-il, un inspecteur doit aller, chaque année, dans 25 salles de classe, les encadrer et contrôler ce qui s’y passe. «Malheureusement, et à ce niveau-là, les inspecteurs aussi ne jouent pas pleinement leur rôle d’accompagnement et d’encadrement. Naturellement, il n’y a pas assez d’inspecteurs, mais il y a aussi un manque d’objectivité du système de notation. L’avenir des enfants est menacé par un déficit et le sens de la responsabilité qui doit être interrogé»
Le ministre dit d’ailleurs planifier une rencontre avec les acteurs pour parler de la Fastef où il y a «des réglages à faire», et aussi «faire participer d’autres structures» à l’effort d’encadrement continu des enseignants. L’inadéquation des curricula, la lourdeur des programmes, l’utilisation d’une langue étrangère non maitrisée par les apprenants tout au début du cycle scolaire ne doivent pas être mis à l’écart. «D’où l’importance de l’utilisation des langues nationales dans notre système éducatif. La non atteinte du quantum horaire, une insuffisance de passerelles entre les offres d’enseignement», figurent parmi les causes listées par le nouveau ministre de l’Education nationale. Selon lui, les taux de scolarisation qui est 19% au préscolaire, 81,9% pour l’élémentaire, 51% pour le moyen et 33% pour le secondaire, il pense que «les sacrifices sont nécessaires pour nos tout-petits».
Abordant plus spécifiquement le dispositif d’organisation des examens et concours, M. Guirassy estime que les défis tournent autour de la sécurisation et sécurité des épreuves, le convoyage, la garde et la préservation de la confidentialité des épreuves, la gestion des statistiques, les centres spécifiques en zones insulaires où en terres étrangères comme en Arabie Saoudite et en Gambie, la mobilité des chargés des bureaux des examens et concours dans les structures du niveau déconcentré vers les IA et IEF... Il a aussi abordé les questions relatives à l’application des mesures prises lors des comités régionaux de développement sur les examens et concours, les problèmes de pièces d’état civil de certains candidats, le paiement à temps des indemnités liées aux examens, la période d’hivernage coïncidant avec les examens...
Pour ce qui est des statistiques des examens de cette année 2024, il y aura 301 742 candidats au Cfee, 1695 au Concours général des élèves de première, 1508 pour la terminale... Pour le bac, un rapport a été déposé sur la table du Premier ministre.... De même pour les différents brevets et certificat.
Malgré la situation, les examens vont se tenir et approchent à grand pas. Les examens du Cfee et de l’entrée en sixième sont prévus les 25 et 26 juin, les épreuves écrites du Bac technique le 20 juin, tandis que le Bac général va se tenir le 2 juillet, et à partir du 18 juillet le Bfem et le 1er octobre le bac général de remplacement...