LES FEMMES MIGRANTES SONT ABUSEES, STRESSEES, UTILISEES
Elhadji Seydou Nourou Dia fait l’historique de l’émigration et donne quelques raisons qui poussent les femmes à tenter le diable de l’émigration irrégulière. Cet expert en migrations estime que les femmes migrantes sont abusées, stressées et utilisées.
Elhadji Seydou Nourou Dia fait l’historique de l’émigration et donne quelques raisons qui poussent les femmes à tenter le diable de l’émigration irrégulière. Cet expert en migrations estime que les femmes migrantes sont abusées, stressées et utilisées.
Le phénomène de l’émigration féminine est-il nouveau ?
Le phénomène de la migration en général existe depuis que le monde est monde. Quant à la migration irrégulière, elle existe depuis très longtemps. En un moment donné, l’Europe qui était en manque de ressources humaines a fait appel aux pays africains qu’elle avait colonisés pour la maind’œuvre. A cette époque, il était facile de quitter le Sénégal pour la France. Mais par la suite, l’Europe a vu sa population croître. Ils ont eu des problèmes pour gérer leurs populations. C’est ainsi qu’ils ont développé des politiques de sauvegarde, pour rationaliser l’émigration avec les visas. Mais ces visas ont montré leurs limites car beaucoup parvenaient à voyager à partir d’un seul passeport. C’est ce qui a conduit à des conditions de voyage contraignantes avec la biométrie. Et en même temps, les migrants ont développé des stratégies de contournement en passant par le désert et la mer. Le phénomène de la migration irrégulière est donc la conséquence des lois pour rendre contraignantes les conditions de voyage. En ce qui concerne les raisons, il faut dire que certains s’adonnent à l’émigration irrégulière pour aller à la quête de l’Eldorado alors que pour d’autres, ils le font parce que c’est leur mode de vie, la migration est pour eux une valeur culturelle.
Qu’en est-il spécifiquement de l’émigration irrégulière féminine ?
On la constate depuis quelques années. Quand des villages entiers sont dépeuplés et que les hommes sont dans l’incapacité de partir, les femmes constituent la relève. C’est certainement l’une des raisons. Mais le drame, c’est quand on voit des images poignantes de femmes en état de grossesse avancée ou des femmes avec leurs enfants.
Mais comment comprendre que des femmes puissent prendre le risque de voyager avec leurs enfants ?
Une femme qui voyage seule dans ces conditions est d’une certaine vulnérabilité. Mais elle l’est davantage quand elle le fait avec son enfant. Les gens sont sensibles à certaines situations. Pour ces candidates, cela peut être un moyen de se faire accepter une fois au pays d’accueil. C’est possible aussi que parce qu’au pays de départ elles n’ont pas des personnes à qui confier leurs enfants ou que leurs enfants soient encore en allaitement. Chaque cas est spécifique. A chacun son histoire.
Quelles sont, à votre avis, les solutions pour éviter ou réduire cette migration féminine ?
Je pense qu’il faut renforcer la confiance des personnes, les amener à comprendre qu’elles peuvent réussir chez elles. En réalité, l’Etat est en train de faire des efforts en développant des programmes, en rendant l’accès à la formation professionnelle et au financement facile et simple. Je pense aux structures comme le 3Fpt, la Der, l’Apix... C’est une façon de montrer aux populations qu’elles peuvent saisir leurs chances au pays, que l’Europe n’est plus ce qu’elle était.
Y a-t-il eu des recherches sur la féminisation de l’émigration irrégulière de la part de l’Oim et des États africains ?
Il y a beaucoup d’études sur les motivations de ces femmes, les difficultés auxquelles elles font face durant ces parcours migratoires. Il y a aussi des études sur l’apport des femmes dans la gouvernance migratoire de façon globale. Mais il est vrai que sur le nombre de femmes migrantes, les données sont assez timides et muettes. Il n’y a pas de chiffres exacts. On met l’accent sur les conditions difficiles de l’émigration. La route migratoire clandestine est difficile pour les hommes, à plus forte raison pour les femmes. Celles-ci sont confrontées à des difficultés énormes. Elles font face au stress de l’inconnu car elles s’engagent dans un projet et elles n’ont pas de bonnes informations par rapport. En plus, elles sont victimes d’agressions sexuelles et d’autres formes d’agressions, de banditisme. Au-delà de l’épuisement, elles sont très souvent utilisées et sont plus exposées que les hommes qui font face aussi à des difficultés.