LES FEMMES SE DÉTOURNENT DES BANQUES POUR LES TONTINES
Association collective d’épargne, la tontine est bien ancrée au Sénégal. elle constitue aujourd’hui un moyen pour les femmes de mener des activités génératrices de revenus et être autonomes sans demander un quelconque appui.

Association collective d’épargne, la tontine est bien ancrée au Sénégal. elle constitue aujourd’hui un moyen pour les femmes de mener des activités génératrices de revenus et être autonomes sans demander un quelconque appui. Mise en pratique sous différentes formes, les tontines éloignent aussi et surtout les femmes des institutions financières où les taux d’intérêt et garanties exigées pour bénéficier d’un prêt constituent une véritable contrainte quand à l’autonomisation de la femme.
Pratique très connue au Sénégal, la tontine est devenue aujourd’hui le système de placement collectif le plus en vogue chez la gent féminine. Cette opération d’épargne de délai bien déterminé est devenue la concurrente la plus redoutable des institutions financières. A Fatick par exemple, les femmes ont fini de mettre en place leurs propres établissements de crédit grâce aux tontines. En effet, constitué en association, les femmes sont réunies autour d’une calebasse ou d’un coffre local dans chaque quartier de la ville.
D’un commun accord, elles épargnent et s’octroient du crédit à partir de leurs propres fonds. «C’est devenu notre quotidien», renseigne Soxna Astou Kane, selon qui le système d’épargne le plus à la mode dans la cité de Mame Mindiss est le système des trois clés communément appelé Niéti thiabi. «Nous nous réunissons tous les samedi et chacun, selon ses moyens, verse une somme. Une fois les cotisations faites, nous octroyons du crédit à celles qui en font la demande. Cette forme d’épargne est plus bénéfique que les tontines mensuelles », dit-elle.
Pour cette forme de tontine, il n’y a ni amendes en cas de retard, ni taux d’intérêt pour les prêts. Une belle occasion de se détourner des banques et institutions financières dont les taux d’intérêts se révèlent exorbitant. «Les femmes ont pris du recul par rapport aux banques», avoue Fatou Kiné Diouf. Présidente d’une association de femmes dans son quartier, madame Diouf estime que les banques appauvrissent. «Les taux d’intérêt sont trop élevés et les garanties exigées sont de plus en plus contraignantes. Avec les trois clés, au moins les femmes parviennent à mener de petites activités génératrices de revenus sans trop de pression», a- t-elle laissé entendre non sans magnifier l’esprit solidaire et entreprenant des femmes qui, dans une certaine mesure, arrivent à seconder leurs époux grâce à leurs épargnes. «Je connais des femmes dans mon groupement qui ont acheté elles- mêmes leur chambre à coucher grâce à la tontine», confie notre interlocutrice.
Jadis méthode pour femme, la tontine devient l’affaire des hommes. «Les hommes s’organisent entre eux ou même avec d’autres femmes pour épargner», renseigne une autre présidente de groupement. « Une de mes amies enseignantes qui faisait partie de mon groupement a réussi à faire voyager son mari avec les fonds qu’elle a épargnés», témoigne-elle avant de souligner qu’avec ce système d’épargne les banques seront obligées de revoir leurs méthodes.
Mis en pratique dans la commune de Fatick depuis bientôt trois ans, le système des trois clés communément appelé « niéti thiabi » qui peut être considéré comme un compte bloqué a atteint aujourd’hui des proportions importantes et a permis aux femmes de prendre conscience de leurs capacités à se rendre autonomes. En effet, grâce aux tontines, les femmes de Fatick ont su s’offrir et offrir à leurs conjoints une totale quiétude en cette période de Tabaski où les chefs de famille sont submergés par les dépenses