UNE PIQURE DE RAPPEL POUR OUSMANE DIAGNE
Du vote de la loi interprétative de la loi d’amnistie de 2024 au discours à la Nation du président de la République, notons l’insécurité linguistique de nos autorités qui frise le banditisme grammatical.

Du vote de la loi interprétative de la loi d’amnistie de 2024 au discours à la Nation du président de la République, notons l’insécurité linguistique de nos autorités qui frise le banditisme grammatical. Dans son allocution, un discours tout de même écrit, notre Président a eu à dire : «Tout en garantissant une répartition équitable et juste des ressources «nationaux»» là où «nationales» avait sa place. Et lors du passage des militaires pour la retraite aux flambeaux, il a récidivé en promettant de «plus «belles» défilés». A l’Assemblée nationale, un député Pastef, se présentant comme un «un acteur de l’éducation», parlera de ««fausses» diplômes», le président de l’institution nous fera part de ««son» désapprobation». Dans la gouvernance du «Porozet», la souveraineté nationale et le patriotisme poussent nos dirigeants à écorcher la langue des colons. N’en déplaise aux complexés et autres puristes de la langue ! Vivement les fautes en français ! N’est-ce pas que l’actuel directeur de la Communication et de la formation du ministère de l’Education avait prévenu que «faire des fautes de français est un acte de résistance» ?
Le vote de la loi interprétative de la loi d’amnistie a permis de mettre en relief l’échec de ce pouvoir dans la consolidation de la réconciliation nationale. Nous avons élu un parti qui ne sait pas pardonner, ni avoir un esprit de dépassement pour se mettre à la hauteur des défis qui attendent ce pays. Nous avons vu des hommes et des femmes haineux et très petits par rapport à la grandeur de ce qui est entre leurs mains. En effet, ce 2 avril 2025, l’Assemblée nationale sénégalaise a voté la proposition de loi n°05/2025 portant interprétation de la loi d’amnistie 2024-09 du 13 mars 2024. La «Loi Amadou Bâ» est ainsi votée par 146 députés dont 126 pour et 20 contre. Et les 15 amendements proposés par les députés de l’opposition n’ont pas été lus en séance, faute de temps et en raison de désaccords sur le règlement intérieur. Les députés de Takku Wallu ont refusé de présenter l’exposé des motifs de leurs propositions, dénonçant une procédure irrégulière. Le président du Groupe parlementaire Pastef a qualifié ces amendements d’«infondés» et de «dilatoires». Quand l’opposition voit une loi de règlements de comptes, Ayib Daffé rétorque : «Elle répond à un souci de justice, non de vengeance. Maintenant qu’elle est votée, elle sera appliquée dans le strict respect du Droit.»
Toujours est-il que cette loi impopulaire ne saurait masquer la morosité économique dans ce pays, même si la baisse annoncée de 100 francs Cfa sur le prix du riz finalement (contre une proposition de 50 francs du Conseil national de la consommation) est une éclaircie dans la grisaille. Les urgences regroupées autour du Pds (Parti de la demande sociale) attendent toujours. Relancer l’économie pour générer assez de recettes afin de faire face aux besoins des populations, créer de l’emploi et sortir enfin du cycle de licenciements à tout-va dans lequel nous sommes plongés depuis l’arrivée de Pastef aux affaires, la diminution des denrées, du loyer, du carburant, de l’électricité… Dans quelques jours, les Sénégalais vont oublier cette loi pour faire face aux réalités de la vie quotidienne. Sans oublier la saison des pluies avec son lot d’inondations et de problèmes, en espérant que cette fois ce sera vraiment leur hivernage.
Ceux qui ont défendu la République au banc des accusés
En attendant, cette loi interprétative consacre la justice des vainqueurs. Elle est déjà sélective dans l’interprétation et augure une partialité dans la démarche. Presque toutes les interventions des députés de Pastef ont semblé pointer du doigt les Forces de défense et de sécurité. Et l’on comprend aisément les sorties d’officiers supérieurs de l’Armée à la retraite (militaires et gendarmes) qui ont publiquement exprimé leur désapprobation. Si les hommes de rang pouvaient parler, certainement que leurs complaintes seraient assourdissantes.
Il faut dire que l’Etat du Sénégal s’est défendu face à ceux qui s’étaient levés pour l’agresser, le renverser. Nous avons vu des émeutiers s’en prendre à des magasins de commerce alimentaire, des véhicules de particuliers, des infrastructures nationales, des bus de transport public comme privé, des casernes de police et de gendarmerie, pour saccager, casser, incendier… Et tout ce qui est arrivé entre 2021 et 2024 n’est pas le fruit du hasard. Un homme en a été l’instigateur. «N’écoutez pas ceux qui vous disent que vous compromettez la paix», «j’ai besoin de jeunes motivés et déterminés», «les révoltes de salon, c’est fini», «soyez prêts à y laisser vos vies», autant de propos propagés, entretenus via les médias traditionnels et les réseaux sociaux de manière répétitive. Ousmane Sonko et son parti politique (Pastef) promettaient de déloger du Palais présidentiel le Président élu, puis de le traîner dans les rues de Dakar comme l’a été Samuel Doe en 1990 à Monrovia. Voilà ce que Ousmane Sonko envisageait de faire dans notre pays. Voilà qui cette loi interprétative protège. Et on semble vouloir jeter en pâture ceux qui avaient permis à la République de tenir, de rester debout et de ne pas sombrer dans le chaos. Les auteurs de ce chaos organisé ont déjà été indemnisés à hauteur de 5 milliards de francs Cfa dans une totale opacité, avant même l’adoption de la loi. Ceux qui ont défendu la République sont aujourd’hui au banc des accusés et ceux qui ont voulu la profaner sont portés au pinacle.
2011, un Parquet deux réquisitoires
Durant cette plénière, les précisions du ministre de la Justice à propos des pressions sur la Justice ont obtenu des échos favorables dans l’opinion. «Je n’ai jamais accepté qu’on fasse pression sur moi… Qu’on ne compte pas sur moi pour exercer la moindre pression sur les magistrats du siège : je n’ai aucune autorité sur eux. Il leur arrive de rendre des décisions en parfaite contradiction avec les réquisitions du Parquet, et je n’ai jamais eu à faire la moindre observation. C’est leur responsabilité, ce sont leurs prérogatives.»
Des propos que la majorité mécanique n’a pas applaudis, mais fort commentés par la suite sur les réseaux sociaux. L’on a en effet présenté Ousmane Diagne comme un homme qui sait tenir tête et qui laisse les magistrats agir en toute liberté et sans exercer la moindre pression sur eux. Toutefois, quand l’on voit que toutes les personnes auxquelles le Premier ministre promettait la prison sont derrière les barreaux, que tous ceux qui sont opposés à ce pouvoir défilent devant Dame Justice pour souvent des propos moins graves que ceux tenus par des pastéfiens qui ne sont pas inquiétés, nous sommes tentés de penser que c’est juste une annonce pour se donner bonne conscience.
D’autant plus que le passé de l’homme, dans un dossier très politique, ne plaide pas en sa faveur. L’histoire du dossier des «Chantiers de Thiès» a mis le procureur qu’il était dans une affaire éminemment politique. Après un rapport de l’Inspection générale d’Etat (rapport qui avait fini de ruiner la crédibilité de l’organe de contrôle), des poursuites judiciaires avaient été déclenchées contre Bara Tall, Marwan Zakhem, El Hadji Seyni Seck et Massamba Sall Samb, inculpés pour escroquerie portant sur des deniers publics et complicité pour des montants cumulés de plus de 10 milliards de nos francs. Bara Tall avait fait la prison pour avoir refusé de mouiller Idrissa Seck.
Ousmane Diagne désavoué par Ibrahima Ndoye
Dans cette affaire, il y a eu deux réquisitoires. Et c’est le journal La Gazette qui en avait fait la révélation. En effet, le premier réquisitoire du substitut Ibrahima Ndoye, en date du 26 avril 2010, requérait du juge d’instruction du 2ème Cabinet qu’il prononçât un non-lieu en faveur de Bara Tall et de ses co-accusés qui n’étaient et ne sont toujours que des alibis pour atteindre le patron de Jean Lefebvre. Ce réquisitoire définitif de la part du représentant du Parquet, «Maître des poursuites», disent-ils, a été transmis au juge qui n’avait d’autre choix que de suivre la voie indiquée et signer, lui, une ordonnance de non-lieu. Or, le 1er juillet 2010, deux mois après ce blanchiment sans frais ni dépense de Bara Tall et Cie, Ousmane Diagne, procureur de la République, le patron donc de Ndoye, signe, lui, un «réquisitoire définitif aux fins de renvoi en police correctionnelle». En langage clair, il a requis du juge le contraire de ce que son substitut (bien entendu avec son aval) avait demandé au juge du même 2ème Cabinet, c’est-à-dire : «ordonner le renvoi… devant le Tribunal régional hors classe de Dakar statuant en matière correctionnelle, pour y être jugés conformément à la loi», de Bara Tall et autres.
Les révélations de Abdou Latif Coulibaly avaient créé un tel malaise que le procureur Diagne s’est senti obligé de s’expliquer devant la presse, le mercredi 4 mai 2011. Ousmane Diagne n’a pas alors nié qu’il y ait eu des demandes ou pressions du pouvoir politique. «Je ne pense pas que la question soit de savoir s’il y a eu des pressions ou pas. Parce que ces pressions sont, à la limite, naturelles. La question, c’est justement notre aptitude à résister à ces pressions
Dans cette affaire, il s’agissait d’apprécier la qualité des charges qui étaient à notre disposition et qui pouvaient justifier éventuellement le renvoi de l’affaire. C’est ce que nous avons fait en toute objectivité et en toute indépendance, et que nous assumons.» En sueur, Diagne, face à la «valse téléguidée» ou au «double langage» du Parquet de Dakar, n’a eu d’autre choix que d’assumer l’entière responsabilité du contenu du réquisitoire du premier substitut. Il dira qu’il n’y a «jamais eu deux réquisitoires, mais un seul proposant le renvoi devant la juridiction, signé par le procureur de la République». A la barre, le substitut Ibrahima Ndoye maintiendra sa conviction et désavouera par la même occasion son supérieur. C’est pour affirmer : «Mon éthique de conviction ne me permet pas de dire qu’il y a surfacturation.» Il avait d’ailleurs commencé son réquisitoire en clamant que «lorsque la politique entre par la porte du Tribunal, le Droit et la Justice passent par la petite porte». Le procureur a aussi fustigé la sélection des personnes poursuivies. Mais enfin, par l’éthique de la responsabilité de son métier, il ne pouvait que reconnaître la culpabilité des prévenus illustrée par le dossier en requérant une peine de 5 ans ferme pour tous les prévenus et 5 millions d’amende pour chacun. Heureusement que tous les prévenus ont été relaxés.