QUAND LES FEMMES TIENNENT LE HAUT DU PAVÉ !
Les femmes ont fini de faire preuve de leur leadership et leur capacité à présider aux destinées du pays notamment ces deux dernières décennies
Une femme vient d’être élue maire de la Ville de Dakar, pour la première fois depuis 1887 au Sénégal. Soham El Wardini de son nom vient ainsi s’ajouter à la longue liste des femmes qui sont entrées dans l’histoire du Sénégal, depuis les héroïnes et autres résistantes pacifiques. Même si les clichés sur elles persistent toujours dans notre pays, les femmes réussissent sans doute à gravir des échelons notamment ces deux dernières décennies avec la série des premières depuis la nomination de Mame Madior Boye comme cheffe de gouvernement au Sénégal. Du foyer aux commandes d’une institution, et en attendant leur accession à la magistrature suprême, focus sur l’ascension des femmes dans notre pays. Avec des éclairages de Pr Penda Mbow, historienne et Diatou Cissé, journaliste, membre tribunal des pairs du CORED.
Il y a une semaine, une Sénégalaise du nom de Maguette Ndiaye a été tuée par son mari à Bilbao, en Espagne. Selon certaines sources, la dame a été «victime de ses ambitions» puisqu’elle était plus «instruite» que son mari et ne cessait de gravir des échelons. Trois jours après ce meurtre, Soham El Wardini qui, jusque-là, était la 1ère adjointe au désormais ex-maire Khalifa Ababacar Sall, remplace son mentor à la tête de la mairie de la Ville de Dakar.
Une grande première dans l’histoire de la municipalité de la capitale sénégalaise puisque Mme Soham El Wardini, 22ème maire depuis 1887 avec Alexandre Jean, est la première femme à occuper ce poste. Cette élection de Soham El Wardini à la tête de la municipalité de Dakar en dit long sur l’ascension des femmes dans notre pays. Jadis reléguées au second plan, les femmes ont fini de faire preuve de leur leadership et leur capacité à présider aux destinées du pays notamment ces deux dernières décennies. Du foyer aux commandes d’institutions jusque-là chasse-gardée des hommes, les femmes sénégalaises tiennent le haut du pavé, malgré quelques difficultés.
TOP DEPART AVEC MAME MADIOR BOYE
Mame Madior Boye est la première femme à occuper la fonction de Premier ministre au Sénégal (2001-2002) sous l’ère Abdoulaye Wade. Avant d’accéder à ce poste, elle a été première vice-présidente du Tribunal régional hors classe de Dakar, puis présidente de Chambre à la Cour d’appel. S’en suivra Aminata Touré qui a été Premier ministre de 2013 à 2014, sous le régime de Macky Sall. Aujourd’hui, elle est envoyée spéciale du Président de la République.
A ces sénégalaises qui ont gravi des échelons, s’ajoutera Anna Sémou Faye qui a été aux commandes de la Police nationale. Commissaire de police divisionnaire, elle a été nommée Directrice générale de la Police nationale le 25 juillet 2013 au lendemain du scandale de drogue qui avait secoué la Police sénégalaise, avant d’être nommée ambassadrice en Guinée en 2016. Elle devient ainsi la première femme à diriger la Police nationale dont le Bureau des relations publiques est aujourd’hui piloté par une femme, le Commissaire de Police Tabara Ndiaye qui est aussi porte-parole de la Police nationale, depuis avril 2017.
Parmi les femmes ayant occupé de hautes positions, il y a aussi l’ancienne présidente du Conseil constitutionnel, Mireille Ndiaye, la présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Aminata Tall est portée à la tête de cette institution le 17 janvier 2013, par le Président de la République, Macky Sall. Une femme est à la tête d’une institution, le Haut Conseil du Dialogue Social que dirige Innocence Ntap Ndiaye.
A QUAND UNE FEMME PRESIDENTE DE LA REPUBLIQUE ?
Bref, en dehors du perchoir de l’Assemblée nationale et la Présidence de la République, les femmes auront occupé tous les postes, pouvoirs et sphères de décisions (électifs et nominatifs) ou presque. A quand une femme présidente de la République ? Cette question pourrait bientôt avoir une réponse. Le temps pour les femmes de mener le Sénégal à bon port est bien proche, au vu de l’ambition politique d’un grand nombre d’entre elles. Marième Wane Ly a été la première femme chef de parti politique au Sénégal, elle a été révélée au grand public lors de la présidentielle de 2000. Donc Marième Wane Ly qui, sous la bannière du Parena, avait annoncé sa candidature à la présidentielle de 2000 avant d’y renoncer à quelques semaines de la clôture du dépôt des candidatures, aura été le précurseur de cette présence des femmes dans les starting-blocks de la course à la Magistrature suprême.
En 2012, c’est le professeur Amsatou Sow Sidibé et la styliste Diouma Dieng Diakhaté qui briguaient la présidence de la République. Même si leurs candidatures en tant que femmes suscitaient des railleries aux yeux de beaucoup d’hommes, elles y ont cru et ont tenu… jusqu’au bout. Pour les joutes présidentielles de 2019, revoilà encore les femmes. L’avocate et maire de Podor Me Aissata Tall Sall, par ailleurs présidente du mouvement «Osez l’Avenir», qui se distingue tant par sa «brillance et son courage» annonce sa candidature. Non sans oublier la députée libérale Mme Aïda Mbodj, Mme Nafissatou Wade, Mme Yacine Fall, etc. Pourvu qu’elles franchissent l’étape fatidique des parrains nécessaires pour soutenir leur projet.
Toutefois, il faut dire que même si les femmes brillent de mille feux au niveau de leurs postes, cela n’a pas été chose facile pour elles de diriger des hommes dans une société «patriarcale».
PR PENDA MBOW, HISTORIENNE : «Personne ne pourra empêcher dans ce pays qu’il y ait à la tête de l’exécutif une femme»
La série des premières se poursuit pour les nominations et élections de femmes aux plus hautes instances de décisions jusque-là considérée comme chasse-gardées des hommes. L’une des dernières en date est l’élection de Mme Soham El Wardini maire de la Ville de Dakar le samedi dernier. Penda Mbow, professeur d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar est très optimiste et prédit que personne ne pourra empêcher, tôt ou tard, l’accession d’une femme à magistrature suprême au Sénégal.
«Il n’y a pas de hasard comme vous le savez, il y a eu des femmes qui excellent dans tous les domaines, des femmes qui ont faits des études très poussées, des femmes qu’on retrouvent dans l’espace public depuis très longtemps. Et, je crois d’ailleurs que même les changements sont encore lents, parce que les femmes sénégalaises auraient pu encore occuper des fonctions beaucoup plus importantes et elles peuvent être encore beaucoup plus nombreuses à occuper ces postes. Cela veut dire que si elles excellent partout, elles sont premières, ce n’est que normal.
Avoir une femme présidente de la république, moi je dis que cela viendra tôt ou tard, je ne sais pas dans quelles conditions ni comment, mais le XXIème siècle étant le siècle des femmes, personne ne pourra empêcher dans ce pays qu’il y ait à la tête de l’exécutif une femme. Je ne peux pas dire quand, mais cela arrivera, parce que cela relève même de la logique de l’évolution de notre société.
A partir du moment où elles ont appris à gérer à l’intérieur de la sphère familiale la maison, elles ont tendance à transférer justement le savoir-faire dans l’espace public et dans les institutions. Personne ne peut nier aujourd’hui les capacités des femmes à gérer, à préserver les biens publics et surtout à montrer à tout le monde ce dont elles sont capables. Et c’est une chance que le Sénégal devra saisir pour apporter les changements et la mutation et cette émergence dont on parle et qui ne pourra pas se faire sans l’implication en profondeur des femmes et cela à tous les niveaux»
DIATOU CISSE, JOURNALISTE, MEMBRE TRIBUNAL DES PAIRS DU CORED : «Il y a des éléments objectifs qui puissent expliquer que les femmes prétendent à la présidence de la République»
Diatou Cisse, journaliste, membre Tribunal des pairs du CORED, rappelant que les femmes sont de bonnes gestionnaires, revient sur des éléments objectifs dans le contexte actuel qui puissent expliquer que les femmes prétendent à des postes de responsabilité publique, comme celui de président de la République. Elle a été interpelée suite à l’élection pour la 1ère d’une femme à la tête de la Ville de Dakar.
«(…) Cela s’inscrit en droite ligne de la lutte des femmes pour plus d’égalité pour plus de citoyenneté en fait, parce que de plus en plus les femmes revendiquent et manifestent leurs citoyenneté dans l’espace public. C’est toute cette lutte là qui a emmené les lois comme celle sur la parité. Et dans les partis politiques, les femmes sont de plus en plus conscientes de leurs poids, de leurs forces et également de leur capacité à nouer des alliances, de leur capacité à défendre les droits; c’est le résultat de toutes ces conquêtes là aujourd’hui qui améliore sensiblement la présence des femmes dans les instances de prise de décision au niveau politique.
Au niveau de la formation, il faut quand-même accepter que le niveau de connaissance des femmes s’est largement amélioré ces dernières années. On a des femmes qui ont faits de bonnes études universitaires, des femmes qui sont dans des domaines de compétence très pointus. Je pense que, l’un dans l’autre, effectivement, il y a des éléments objectifs dans le contexte qui puissent expliquer que les femmes prétendent à des postes de responsabilité publique, y compris le poste de président de la République.
Il est établit que les femmes sont de bonnes gestionnaires parce que tout simplement elles ont à gérer le budget familiale qui n’est pas toujours extensible à volonté, mais qu’elles essaient de gérer de telle sorte à faire fonctionner la famille tout le mois. Donc, on a des prédispositions à faire de la gestion. S’y ajoutent également l’éducation et la socialisation des femmes. (…) C’est autant de paramètres qui rendent les femmes très prudentes quand elles ont à gérer en général des deniers publics.»