VIDEOAhmed Kathrada, heros de la lutte contre l'apartheid, est mort
Figure de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, le compagnon de lutte de Nelson Mandela est décédé mardi à 87 ans.
Il est parti comme il avait vécu, dans une digne discrétion. Ahmed Kathrada, vétéran de la lutte contre l'apartheid et compagnon de route de Nelson Mandela, est mort, mardi à 87 ans. Cette disparition, qui tourne un peu plus les pages de l'histoire de l'Afrique du Sud, a suscité un flot d'hommages pour un homme qui semble ne s'être jamais trompé de combat.
«C'était un révolutionnaire déterminé qui a voué sa vie entière au combat pour la liberté dans notre pays», a réagi un camarade d'armes, Derek Hanekom. L'ex-archevêque du Cap, Desmond Tutu, l'un des dernières figures de cette période historique, a salué la mémoire «d'un homme d'une gentillesse, d'une modestie et d'une ténacité remarquables». «Il a un jour écrit au président Mandela pour lui dire qu'il ne se considérait pas assez important pour mériter un honneur important».
Effectivement, Ahmed Kathrada n'a jamais fait une carrière politique comme la plupart de ses amis, comme si l'effondrement du régime raciste avait été le seul but de sa vie. «Oncle Khaty» n'aura été que député de l'ANC, pour un unique mandat, en même temps qu'un conseiller, de l'ombre, de Nelson Mandela.
Emprisonné pendant 26 ans
Son passé aurait pourtant ouvert toutes les portes à ce fils de migrants indiens, né en 1929 dans le Transvaal. Il ne devra pas attendre pour se confronter à l'autoritarisme inique de l'apartheid: Indien, il ne peut ni fréquenter les écoles pour «Européens» ni celles pour «Africains», ce qui le conduit à partir à Johannesburg pour étudier. Dès 12 ans, il se politise, rejoint le mouvement de lutte indien ainsi que la Ligue de la jeunesse communiste, un ancrage très à gauche qu'il ne reniera jamais. À 17 ans, son militantisme se renforce. Il le mène vers les pays de l'est de l'Europe et vers de premiers séjours en prison.
Au milieu des années 50, le rapprochement entre les mouvements indiens et l'ANC le conduit à fréquenter Nelson Mandela et Walter Sisulu. Ensemble, ils plongeront dans la clandestinité avant d'être arrêtés ensemble, en juillet 1963, à Rivonia dans le QG de la branche militaire de l'ANC. Un an plus tard, ils seront tous condamnés à la perpétuité. Ahmed Kathrada passera vingt-six ans en prison, pour l'essentiel à Robben Island. «Il a été ma force en prison, mon guide dans la vie politique et le pilier de ma force dans les moments difficiles de ma vie», a déclaré un de ces codétenus à Robben Island, Laloo Isu Chiba.
Il critiquait Zuma
La détention n'a en rien amoindri les convictions d'Ahmed Kathrada. À la fin des années 80, et plus encore après sa libération en 1989, il participe activement aux négociations entre l'ANC et le régime blanc qui aboutissent à la chute de l'apartheid puis, en 1994, aux premières élections libres du pays. Il accompagne durant cinq ans les premiers pas de la nouvelle Afrique du Sud, avant de se retirer de la vie publique en 1999.
Il ne fera qu'une entorse à cette réserve politique, en 2016, pour, dans une lettre ouverte remarquablement ciselée, regretter les dérives de l'ANC et du président Jacob Zuma englué dans des affaires de corruption.
«Cher camarade président, ne pensez-vous que rester président ne va que contribuer à aggraver la crise de confiance dans le gouvernement du pays?», écrivait-il. Ces mots, que beaucoup partagent au sein de l'ANC, n'ont fait qu'augmenter l'aura d'un homme qui passait déjà pour la force morale du pays.