LE SAHEL, UN ENFER POUR LES VOIX DISSIDENTES
Au Mali, au Burkina et au Niger, les juntes ont instauré un régime de terreur. Exils forcés, enlèvements, emprisonnements arbitraires... Telle est la cruelle réalité pour ceux qui osent s'élever contre la férule des nouveaux maîtres de la région
(SenePlus) - Depuis les coups d'État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger entre 2020 et 2023, les juntes au pouvoir ont muselé toute opposition, traquant sans relâche les voix critiques. Hommes politiques, acteurs de la société civile et militaires sortis du rang se voient contraints à l'exil, au silence forcé ou à la prison, comme le rapporte une analyse du journal Le Monde.
L'avocat Guy Hervé Kam, figure de la contestation burkinabè, en a fait l'amère expérience fin mai. Brièvement libéré après son enlèvement en janvier, il a été de nouveau kidnappé le soir même par des hommes armés. Même traitement pour le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ex-chef des redoutables "Mambas verts", incarcéré à plusieurs reprises depuis 2022.
Au Burkina, le régime du capitaine Traoré s'est "transformé en machine répressive infernale". L'ancien ministre Ablassé Ouedraogo, 70 ans, arrêté en décembre, a été envoyé 3 mois au front avant d'être libéré et de s'exiler au Canada. La junte a récemment prolongé son pouvoir de 5 ans sans ses opposants.
Au Mali voisin, Boubacar Karamoko Traoré, critique de la junte, a été arrêté lundi pour "atteinte au crédit de l'État". Oumar Mariko, vétéran de l'opposition, en exil à Paris, raconte sa fuite en mai 2022 pour "échapper à la traque des putschistes" après avoir dénoncé un massacre de civils imputé à l'armée et aux mercenaires russes de Wagner.
"A partir de ce moment-là, je ne suis plus retourné chez moi et suis entré en clandestinité", confie-t-il, fuyant d'abord vers la Côte d'Ivoire avant de rejoindre la France, d'où il organise des réunions en ligne avec ses militants.
Face à l'horizon démocratique bouché, des exilés ont formé samedi un "gouvernement civil de transition symbolique" pour diriger le Mali, appelant à manifester le 7 juin contre la vie chère. Mais seuls les pro-juntes peuvent désormais manifester librement à Bamako, Ouagadougou et Niamey.
"La vie politique s'est repliée sur les réseaux sociaux car il est désormais interdit d'exprimer des opinions contraires", déplore Chékaraou Barou Ange, ex-conseiller du président nigérien déchu, Mohamed Bazoum, détenu avec son épouse.
Un ancien ministre en exil estime que "le changement ne viendra pas des politiques mais de l'armée" face à la répression des juntes. "Il faut attendre que des militaires plus raisonnables viennent mettre un terme à leur pouvoir", espère-t-il, dans une région où la démocratie semble aujourd'hui une chimère.