LES DISCOURS INCENDIAIRES CONTRE LES "FAUX CONGOLAIS" GAGNENT DU TERRAIN EN RDC À L'APPROCHE DES ÉLECTIONS
Alors que la présidentielle se rapproche, l'identité congolaise est plus que jamais débattue en RDC. Certains politiciens attisent les tensions en remettant en cause la nationalité de leurs adversaires
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À l'approche des élections générales du 20 décembre en République démocratique du Congo (RDC), les propos xénophobes, notamment à l'encontre des populations rwandophones, gagnent du terrain, rapporte le journal Le Monde dans son édition du 27 novembre 2023.
Fiston (dont le prénom a été modifié), un jeune agriculteur de 30 ans originaire du territoire du Masisi dans le Nord-Kivu, en sait quelque chose. Bien qu'il se sente "davantage congolais", il craint pour sa sécurité puisqu'il détient à la fois une carte d'identité congolaise et rwandaise. "Si les choses tournent mal, j'aurai la possibilité de fuir facilement grâce à ces documents. Alors, je prends le risque", explique-t-il.
Ces discours prennent racine dans le conflit opposant depuis fin 2021 l'armée congolaise aux rebelles du M23, que Kinshasa accuse d'être des "envahisseurs étrangers téléguidés par Kigali". Une accusation niée par les autorités rwandaises mais étayée par un rapport de l'ONU en décembre 2022 faisant état de "preuves substantielles" d'une "intervention directe des forces de défense rwandaises" sur le sol congolais.
Dans le quartier de Ndosho à Goma, ces discours attisent une "paranoïa latente", selon David, un motard interrogé. Le 9 novembre, le capitaine de l'armée congolaise Patrick Kabonge Gisore y a ainsi été lynché par une foule en colère qui l'a "confondu avec un membre du M23 infiltré", rapporte Elisabeth Ayubusa Ayinkamiye, figure locale.
Autre chiffon rouge agité par certains politiciens, la proposition de loi du député Noël Tshiani visant à réserver l'accès à la présidence "aux seuls Congolais de souche". Si elle a finalement été rejetée, elle a servi de "catalyseur à la question identitaire", déplore Placide Nzilamba, de la Société civile du Nord-Kivu.
Ces tensions représentent un risque supplémentaire pour les millions de déplacés de guerre de l'est du pays, souvent sans papiers, à l'instar de Naomie Bulenda, 20 ans, ou Daniel Akizimana, qui a "tout perdu, y compris [ses] documents", dans sa fuite de son village incendié.