MAURITANIE, VERS UN RETOUR DANS LA CEDEAO
Dix-sept années après le retrait décidé par Ould Tayya, la Mauritanie frappe à la porte de l'organisation sous-régionale à l'instar du Maroc
Le premier président de la Mauritanie indépendante Moktar Ould Daddah avait le choix de l’adhésion de son pays à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), créée le 28 mai 1975. Il souhaitait ainsi préserver la double appartenance de la Mauritanie à l’espace négro-africain et au monde arabe.
En effet, avant même de rejoindre la CEDEAO, la Mauritanie avait adhéré en 1973 à la Ligue arabe. Devenu successeur de Moktar Ould Daddah bien plus tard, Maaouya Sid’Ahmed Ould Tayya avait unilatéralement décidé en 2000 du retrait de la Mauritanie de la CEDEAO. Entre-temps, le pays avait rejoint l’Union du Maghreb arabe (UMA) créée en 1989 entre l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.
L’appartenance de la Mauritanie à l’Afrique de l’Ouest n’est donc pas une question géographique, elle relève de choix politique fait à Nouakchott. Dix-sept années après le retrait décidé par Ould Tayya, la Mauritanie a signé en en mai 2017 un accord avec la CEDEAO portant sur quatre points, dont la libre circulation des personnes et des biens, l’application d’un tarif extérieur commun et la lutte contre le terrorisme.
Comment reprendre pied au Nigeria et au Ghana?
Cette évolution est d’autant moins surprenante que l’essentiel des relations économiques mauritaniennes se font plus avec l’Afrique de l’Ouest qu’avec les pays de l’UMA. En effet, des milliers de commerçants mauritaniens sont établis dans les pays d’Afrique où leurs affaires ont survécu à la décision de leur pays de se retirer de la CEDEAO. Nouakchott a d’ailleurs dû signer des accords bilatéraux de libre circulation de personnes (principalement l’exemption de visa) avec la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal. Le même type d’accord vient d’ailleurs d’être signé entre la Mauritanie, d’une part, et, d’autre part, le Burkina Faso et le Tchad dans le cadre du G-5 Sahel.
Pour les hommes d’affaires mauritaniens, l’idéal c’est bien sûr le retour à la CEDEAO qui leur ouvrirait les portes de la libre circulation et de la liberté d’établissement dans l’ensemble des 15 pays membres de l’organisation sous-régionale. Surtout de reprendre librement leur business dans des Etats comme le Nigeria et le Ghana, deux poids lourds économiques de la sous-région.
Vers un retour dans la CEDEAO
Sur le plan politique également, l’Etat mauritanien a plus de relations de coopération avec les pays de la CEDEAO qu’il n’en a avec les quatre autres pays membres de l’UMA, une organisation affaiblie par les rivalités entre l’Algérie et le Maroc sur le dossier du Sahara occidental. Ainsi, la Mauritanie développe actuellement des relations de coopération très étroites avec la Guinée, le Mali et le Sénégal (tous trois membres de la CEDEAO) dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS).
Depuis 2014, le pays a également créé, aux côtés du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Tchad, le G-5 Sahel, une organisation qui entend lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, qui s’étend de la Mauritanie au Tchad. Le siège du G5-Sahel a d’ailleurs été établi à Nouakchott.
Avec l’accord de mai sur la libre circulation des personnes et des biens ainsi que l’instauration du tarif extérieur commun, la Mauritanie a fait un grand pas vers son retour dans la CEDEAO. Reste à savoir si le pouvoir actuel aura le courage politique de franchir la dernière marche. Ce n’est pas évident, sachant qu’il y a derrière le retrait de 2000 la main des tenants « d’une Mauritanie exclusivement arabo-berbère ».
Le Maroc a, quant à lui, fait le chemin inverse. Après avoir renforcé ses liens économiques avec les Etats d’Afrique subsaharienne, ce pays a rejoint l’Union africaine, le royaume chérifien va bientôt devenir membre à part entière de la CEDEAO.