SORO, LE FUGITIF
Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité

Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité. Certains sont strictement factuels. « Un mandat d’arrêt contre Soro » : c’est le choix du Quotidien d’Abidjan ou du journal Le Miroir. L’Intelligent d’Abidjan fait le récit le plus précis possible de son arrivée manquée dans la capitale économique, son avion dérouté vers Accra. Le Matin nous dit qu’il est en fuite vers l’Espagne, qu’Interpol est « à ses trousses ».
Mais il y a aussi des titres qui font davantage figure de commentaires. Le journal Le Rassemblement semble satisfait des derniers événements : « Soro a cherché, Soro a trouvé, enfin ! » Le Temps annonce : « Le président Gbagbo avait prévenu Soro ».
D’autres paraissent beaucoup moins enthousiastes, comme le Nouveau Courrier : « Le régime déclare la guerre à Soro ». « La machination ! », titre Générations Nouvelles. « La guerre des ex-alliés s’intensifie », ajoute Notre Voie.
Crainte pour la paix
Quoi qu’il en soit, le retour au pays de Guillaume Soro est manqué. C’est tout le sens de l’éditorial de l’Observateur Paalga. « Ce devait être le retour triomphal de l’enfant prodige, écrit le quotidien burkinabè. Cela s’est transformé en véritable désillusion. Drôle d’akwaba(bienvenue en baoulé) pour celui qui était, il n’y a pas longtemps, la 2e personnalité de l’État ivoirien. L’ancien patron des Forces nouvelles a passé presque un semestre à l’extérieur, tissant sa toile internationale, échappant de peu à Barcelone en Espagne à une arrestation dans son hôtel ; opération, selon lui, téléguidée depuis Abidjan, avant de déclarer sa candidature, même si c’était devenu un secret de Polichinelle. »
« Le divorce était déjà consommé entre Soro et son mentor ADO, poursuit le journal burkinabè. Avec ce dernier rebondissement, la guerre est maintenant déclarée, et elle sera impitoyable. N’ayant plus rien à perdre politiquement, il faut craindre qu’il ne joue le tout pour le tout pour sa survie politique, sociale et même physique. Malheureusement, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit le plus. Il faut donc craindre que la paix ne soit menacée. »
Alliés d’hier, ennemis d’aujourd’hui
La descente aux enfers commence pour Guillaume Soro, estime pour sa part Le Pays. Mais « pour qui connaît sa pugnacité et sa ténacité, il y a lieu de craindre pour la Côte d’Ivoire, tant ce jeune loup aux dents longues est capable de tout. Soro, faut-il le reconnaître, compte de nombreux soutiens qui sont loin d’être des enfants de chœur. En tout cas, à l’allure où vont les choses, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’une nouvelle rébellion. Cela dit, s’il y a quelqu’un qui, actuellement, peut boire son petit lait en voyant ADO et Soro dressés l’un contre l’autre, c’est bien Laurent Gbagbo contre qui les deux hommes s’étaient coalisés pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Comme quoi, en politique, les alliés d’hier peuvent subitement devenir les ennemis d’aujourd’hui et vice versa. »