LA VAR, L’ENNEMI NUMERO 1 DES POLITIQUES
De promesses reniées en transhumances opportunistes, les politiciens voient leurs contradictions exposées au grand jour, leurs paroles d'hier devenant les preuves accablantes de leur versatilité
«A beau mentir qui vient de loin». Cette célèbre maxime signifiait qu’il est aisé de mentir lorsque l'on est sûr que ce que l'on dit est difficilement vérifiable. Mais ça, c’était à une certaine époque. Toutefois, depuis la démocratisation de l’information grâce à l’Internet mais surtout l’événement des réseaux sociaux, les hommes politiques semblent être dans le creux d’une vague. Si la VAR (Vidéo Assistant Referees en anglais) a été créée pour régler définitivement les erreurs d’arbitrage dans le football qui n’est plus qu’un jeu, elle fait surtout souffrir les hommes politiques sénégalais. Si les medias rechignent à déconstruire les déclarations à l’emporte-pièce des uns et des autres, les populations, elles, veillent au grain. Elles notent tout, archivent tout et gare à la moindre escapade. Ceux qui tournent casaque pour leurs intérêts personnels, en paient de très lourds tributs. Déclarations d’hier, contredites par celles d’aujourd’hui selon le bord qu’ils se trouvent. La VAR est tout simplement devenue l’ennemi public numéro 1.
Tout juste après avoir annoncé sa décision de rejoindre le parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) pour les élections législatives du 17 novembre prochain, une vidéo du leader du Parti républicain pour le progrès (Prp), Déthié Fall est devenue virale dans les réseaux sociaux. Dans laquelle vidéo, il disait en Wolof : « Je ne trahirai jamais. Je ne suis pas comme ça. Il y a des gens pour qui les valeurs chez eux ne sont pas l’argent encore moins le matériel mais la dignité et l’honneur ». Investi à la 5e position sur la liste de la coalition « Samm sa kaddu », l’ancien candidat à la dernière présidentielle est pourtant parti rejoindre le parti au pouvoir, donnant l’occasion au public d’apprécier son geste à travers ses paroles.
De Abdoulaye Wade à Macky Sall en passant par Ousmane Sonko, tous sont passés à la trappe. Tels des voleurs pris en flagrants délits et poursuivis par la clameur publique. Sur les réseaux sociaux, les déclarations antécédentes des hommes politiques font les choux-gras des camps adverses.
Véritable star des réseaux sociaux, l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko, alors opposant, est aussi rattrapé par ces déclarations et autres publications par ses détracteurs. Dans une des vidéos, on l’entend dire qu’ils (son parti) vont transformer le Sénégal en 2024 une fois élu en seulement deux mois. Que nenni ! Face aux réalités du pouvoir après quelques mois aux commandes, il est revenu soutenir le contraire et déclarant qu’il est « impossible de transformer un pays en deux ou cinq mois, ou en un seul mandat ». L’opposant d’alors avait également fait savoir que « ceux qui disent que si l’opposition obtient une majorité à l’Assemblée nationale, le pays va être bloqué, n’ont pas raison et qu’il fallait donner la majorité à l’opposition pour qu’elle puisse contrôler l’Exécutif ». C’était lors des élections législatives de 2022. Deux ans après, l’actuel Premier ministre appelle à voter une majorité au Parlement afin de permettre au pouvoir de dérouler ses programmes.
Cette tortuosité ne date de mars 2024. L’ancien Premier ministre Idrissa Seck et candidat à quatre élections présidentielles a aussi été confronté au phénomène de la VAR. « Si je suis personnellement appelé à une concertation avec lui, ma réponse, c’est non », avait-il dit. Mais grande fut la surprise des sénégalais quand il est allé rejoindre avec armes et bagages son éternel rival Macky Sall au lendemain de la présidentielle de 2019 pendant que sa coalition s’apprêtait à publier un livre blanc et à contester les résultats de l’élection. La très charismatique Aissata Tall Sall, leader du parti « Osez rêver » n’est pas en reste. Elle a également été rattrapée par ses propos lorsqu’elle soutenait qu’il leur (politiques) appartient de combattre la transhumance. Ce, avant qu’elle ne soit nommée ministre des Affaires étrangères sous Macky Sall, consacrant ainsi « la transhumance »
Quid de l’ancien ministre Souleymane Ndéné Ndiaye sous Wade qui avait déclaré qu’il faut « fusiller » tous les transhumants mais qui n’a pas hésité de retourner sa veste pour transhumer lui-même aux côtés de Macky Sall.
Calculateurs, dissimulateurs… nul besoin de consulter l’opinion pour savoir que les convictions de certains politiciens sont directement influencées par la direction du vent électoral.
D’autres font des promesses de pacotille pour attirer l’électorat. Par la suite, ils manquent leur parole et créent un gouffre entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Ce qui fait que la parole politique perd de sa crédibilité et délégitimise la fonction de l'élu. Quant à la dignité et autres valeurs, ils n’en ont cure. La « faim » justifie les moyens.