"Je fais partie de ceux qui croient que la fin du monde est pour bientôt"
SERIGNE OUSMANE MBACKE «BOROM BAKH NOREYNI», FILS AINE DE SERIGNE MODOU KARA MBACKE
Serigne Ousmane Mbacké, plus connu sous le nom de Borom Bakh Noreyni, est le fils aîné de Serigne Modou Kara Mbacké de Seydina Ousmane et de Sokhna Mame Faty Mbacké de Serigne Modou Awa Balla Mbacké. Agé d’une trentaine d’année, Serigne Ousmane Mbacké Noreyni est méconnu au grand public. Ce jeune marabout qui était depuis lors tapis dans l’ombre a accepté pour la première fois de se livrer dans la presse. Le «Pop» est allé à sa rencontre afin de vous le faire découvrir.
C’est à son domicile à Liberté 6 Extension, entouré de quelques amis Mbacké-Mbacké et de quelques talibés, assis bien à l’aise sur son canapé, que le fils aîné de Serigne Modou Kara Mbacké, Serigne Ousmane Mbacké dit Borom Bakh Noreyni nous a accueillis dans son salon. «Bismillah» nous dit-il et joignant l’acte à la parole, avant de nous indiquer un canapé et de nous y installer. Un canapé faisant face à un portrait de Serigne Touba Khadimou Rassoul accroché au mur.
Notre regard s’est attardé sur une pile de livres du saint Coran et de «Khassaïde» posée sur une table, à côte d’une chaise pliante. Vêtu d’un sabador en tissu «Gezner» de couleur grise finement brodé, Serigne Ousmane Mbacké raconte : «Je suis venu au monde l’année où Serigne Modou Awa Balla Mbacké (son grand père maternel) a été rappelé à Dieu. Je suis né et j’ai grandi à Darou Mouhty. 7 ans après ma naissance, ma famille a quitté Darou Mouhty pour aller s’installer à Dakar, à Colobane. C’était en 1988».
Son enfance auprès de feu Serigne Mbacké Sokhna Lô
«Un jour, an 1989, j’ai suivi mon père qui partait pour Touba pour faire le Ziar chez Serigne Abdou Lahad et Serigne Sohibou Mbacké. Mon père voulait me confier à ce dernier pour qu’il assure mon éducation et m’initie à l’enseignement coranique. Mais une fois chez le marabout, Serigne Sohïbou Mbacké lui a recommandé de me garder auprès de lui jusqu’à ce que j’atteigne mes 11 années», raconte le fils ainé de Serigne Modou Kara Mbacké. Et donc, ajoute le jeune marabout, «c’est au moment où j’ai atteint mes 11 ans, en 1993, qu’il m’a emmené chez Serigne Sohïbou. Mais à ce moment là, le marabout était déjà rappelé à Dieu». N’empêche, explique «Borom Bakh Noreyni», comme l’appellent ses disciples, il est resté dans la demeure de Serigne Sohïbou, s’initiant à la lecture coranique jusqu’en 1995.
Par la suite, fait-il savoir, «mon père est venu me reprendre et cette fois-ci pour me confier à Serigne Mbacké Sokhna Lô». «Ce dernier a assuré mon éducation. Il s’occupait bien de moi, bien plus même que ses propres enfants», affirme Serigne Ousmane Mbacké avant de poursuivre son récit : «Un jour, il m’a envoyé à Ndiarème (Diourbel) chez Serigne Abdou Rahim Dèm, fils de Serigne Modou Dèm, pour que je puisse terminer mes études coraniques. Et je suis resté 2 ans à Ndiarème avant de retourner chez Serigne Mbacké Sokhna Lô qui m’a emmené avec lui à son domicile, sis à Taïf. Une fois à Taïf, le marabout m’a donné une chambre et s’occupa bien de moi».
Le jeune homme d’expliquer que toute cette attention c’était pour qu’il reste à ses côtés. «Il ne voulait pas que je quitte Taïf, il voulait que je sois à ses côtés. Et, chaque fois que je lui demandais la permission d’aller en Mauritanie enrichir mon savoir sur le Coran, il refusait», relate Serigne Ousmane. Et, la réponse que Serigne Mbacké Sokhna Lô lui apportait, dit-il, était : «Tu n’es pas venu à Taïf pour apprendre. Car si c’était le cas, tu ne quitterais pas Darou Mouhty. Reste à mes côtés et soit patient».
Ce sont des années plus tard que le fils de Serigne Modou Kara, las de rester à Taïf à ne rien faire, reformula à nouveau sa requête. Mais cette fois-ci, c’était pour lui demander non pas d’aller en Mauritanie enrichir son savoir sur le Coran, mais juste d’aller habiter la maison du marabout qui se trouve à Touba. Ce, afin de se rapprocher d’un certain Khadim Mbaye pour s’initier à ce qu’on appelle le «Majalis». C’est-à-dire les écrits que Serigne Touba a laissés. Cependant, rapporte-t-il, «il m’a laissé à Touba et moi, une fois là bas, je me suis rapproché de Khadim et j’ai commencé à m’instruire sur les livres de Serigne Touba. Et quand j’ai terminé mon initiation, Serigne Mbacké Sokhna Lô m’a rappelé à Taïf».
Son compagnonnage avec le marabout a pris fin en 2004, jour du décès de Serigne Mbacké Sokhna Lô. C’est d’ailleurs à ce moment-là que Serigne Ousmane a quitté Taïf pour rejoindre ses parents à Dakar.
Une éducation basée sur l’enseignement du Coran et sur l'éducation religieuse
«Aujourd’hui, je comprends pourquoi Serigne Mbacké Sokhna Lô me disait que je n’étais pas venu à Taïf pour étudier», déclare Serigne Ousmane qui dit avoir beaucoup appris auprès de ce marabout qui était un référent pour tous. «J’ai vécu auprès de lui pendant 10 ans. Et durant ces 10 ans, personne ne pourra vous dire qu’il m’a vu faire des choses ou dire des choses qui ne sont pas digne de l’éducation que l’on m’a inculquée», soutient-il. Se voulant un peu plus clair, il renchérit : «J’ai toujours gardé la tête haute, j’ai toujours été digne. On m’a donné une bonne éducation axée non seulement sur le Coran, mais aussi sur le respect de l’homme et le travail».
Ces 10 ans passés auprès de feu Serigne Mbacké Sokhna Lô, «Borom Bakh Noreyni» dit ne pas les regretter. «Je n’ai jamais regretté ces années passées à côté de Serigne Mbacké Sokhna Lô. Il m’a enseigné ce qu’il n’a jamais enseigné à ses enfants et tout Darou khoudoss le sait», clame-t-il. En ce sens, il affirme : «A mon retour, je me suis dit ‘dama joge sama kër bay pour dém sa ma kër papa’ (je n’ai fait que quitter le domicile de mon père pour rejoindre celui de mon autre papa).
Le retour du fils spirituel
«J’ai toujours entretenu de bonnes relations avec ma famille. Ceux qui me connaissent et connaissent le marabout (Serigne Modou Kara) savent qu’il y a une grande complicité entre nous deux. Ceci, grâce à mon comportement et le respect que je lui porte et sur cela j’en rends grâce à Dieu», déclare le fils aîné de Serigne Modou Kara. De même, souligne le jeune marabout, «avec mes frères aussi, nous nous entendons très bien, ‘Macha Allah’. Et même si on est nombreux, nous ne faisons qu’une seule et même personne.Tous, du plus petit au plus grand, me vouent un respect sans faille». Ce qui lui fait dire : «J’essayerai de ne jamais décevoir mon père. Tout ce qu’il voudra que je fasse, je le ferai et tout ce qu’il ne voudra pas je m’efforcerai de ne pas le faire».
C’est ainsi, qu’à la question de savoir s’il compte entrer dans la scène politique comme beaucoup de Mbacké Mbacké de son genre, il riposte : «Moi, je n’ai pas le droit de décider si je vais faire de la politique ou pas. Je n’ai rien à dire de la politique. Je suis sagement assis chez moi et je suivrai les recommandations de mon père».
Toutefois, en digne fils de son père, Serigne Ousmane a été envoyé par ce dernier, en fin 2005 début 2006, en Europe afin de lui rassembler tous ses disciples. Une mission que le fils spirituel a acceptée sans broncher. «J’ai une part de responsabilité envers mes parents et c’est conscient de cela que j’ai accepté d’aller en France, en Italie, en Belgique, en Espagne, au Canada, entre autres, pour rassembler tous ses disciples, les exhorter à l’union et leur rappeler le travail que Serigne Touba leur a assigné qui est de prier et de travailler comme le faisait Mame Cheikh Ibrahima Fall».
C’est d’ailleurs là qu’est née la Fédération Kara Internationale (Fki) dont il a été le secrétaire général. La même année, en 2006, renseigne-t-il, son père l’a envoyé faire le pèlerinage à la Mecque comme tout bon musulman. Et à son retour de pèlerinage, il est retourné en Europe pour continuer la mission que son père lui avait assignée. Peu de temps après, il obtient de son père et marabout l’autorisation de rentrer au Sénégal et de s’installer à Dakar.
Aujourd’hui une autre tâche lui a été confiée par son père, Serigne Modou Kara. Il reçoit de ce dernier le «Ndigël» de créer une structure dénommée «Bamba Fep» (Bamba partout). Laquelle structure regroupera à son sein tous les «talibés» de Serigne Touba. «Le but de cette structure est de rassembler tous les talibés de Serigne Touba, faire en sorte d’unir tous les Mbacké-Mbacké, joindre nos idées, nos forces et nos pouvoirs pour mieux travailler pour Serigne Touba, mieux servir notre pays», explique Serigne Ousmane avant de signifier : «Nous avons compris que l’union fait la force. C’est pourquoi nous voulons unir tous les Mbacké-Mbacké, tous les enfants de Serigne Touba pour travailler pour Serigne Touba, travailler pour notre pays, participer au développement de notre pays».
Une vie paisible et rangée loin des mondanités
Marié il y a à peine quelques mois, mais sans enfant, Serigne Ousmane mène avec son épouse une vie très paisible, loin du monde médiatique. Méconnu par la plupart des Sénégalais, le jeune marabout souligne : «Je ne me cache pas, c’est juste que je suis éduqué comme ça. Je me mêle de ce qui me regarde et non pas de ce qui ne me regarde pas». En cela, il ajoute : «Je n’ai jamais voulu être médiatisé. Je n’ai jamais parlé avec la presse. J’ai accepté de parler avec vous, car mon père m’en a donné l’autorisation». «Pour que les gens te découvrent, il faut que tu sois dans le milieu du showbiz ou un jet-setteur. Si c’est cela qui fera de moi quelqu’un de célèbre, jamais alors je ne le deviendrai», déclare t-il avant de préciser : «Moi, je ne marche pas dans ça. Tout ce que je fais c’est prier, apprendre le Coran, lire les ‘Khassaïdes’ de Serigne Touba et suivre les recommandations de mon père. Je ne ferai que ce qu’il me dira de faire».
N’empêche, comme tous les jeunes de son âge, marabout ou pas, Serigne Ousmane a des hobbies. «Je ne suis pas quelqu’un de réservé ou un solitaire, je suis ouvert à tout le monde. Je fais du sport comme tout le monde et j’ai même une barre fixe chez moi. Je suis des cours d’anglais au british Council, car j’adore cette langue», fait-il savoir soulignant ainsi que durant son enfance, il n’avait pas le temps de se consacrer à des choses mondaines. Car, renseigne-t-il : «Je fais partie de ceux qui croient que la fin du monde est pour bientôt et qu’il ne reste plus qu’à faire de bonnes choses qui peuvent nous servir ou servir notre pays».
C’est pourquoi, il exhorte tous les jeunes, musulmans comme chrétiens, à prier et à travailler. «Car, explique le marabout, les temps sont durs et si tu veux réussir dans la vie, il faut travailler». Et en parlant de travail, le marabout atteste : «Je ne me base pas sur ce que mes talibés me donnent pour survivre. Sachez que je ne reste pas les bras croisés, jai des activités qui me sont propres et qui me rapportent de quoi bien vivre».