SI YOUSSOU NDOUR EST LE ROI DU MBALAX, NOUS LE NUMBER ONE SOMMES LES EMPEREURS
YAKHYA FALL GUITARISTE SOLISTE DE NUMBER ONE
De par son habileté, avec les notes mélodieuses de sa guitare, a été Yakhya Fall, le guitariste soliste le plus célèbre des années 70, avec le groupe mythique Number one. Cet orchestre qui a fait les beaux jours de la musique sénégalaise. Yakhya Fall s’est confié au «Populaire» en réveillant de vieux souvenirs, avec beaucoup de nostalgie…
Pouvez-vous nous dire qui est Yakhya Fall ?
Yakhya Fall est né et a grandi au Sénégal. J’ai fait mes études ici et j’étais très brillant à l’école. Mais la musique l'a emporté. Je suis marié, polygame et j’ai des enfants. Cela fait plus de 30 ans que je suis dans la musique. Je peux me réclamer maure et halpular.
Vous avez débuté dans quel groupe ?
J’aime toujours le dire à mes amis, nous, nous sommes la génération noble d’artistes, avec les «Yéyés». C’est à partir de ce petit orchestre de «Yéyés» de quatre personnes que j’ai commencé à faire de la musique, alors que j’étais encore au Lycée. Mes professeurs ou mon surveillant général me mettaient des colles pour que je vienne en classe. Au lieu de faire des devoirs, ils me demandaient d’amener ma guitare. La guitare chez moi, c’est un don, je ne l’ai apprise nulle part. J’ai intégré un orchestre avec des amis, comme Pape Fall de African Salsa, c’est lui-même qui m’a amené à Rufisque pour intégrer le super Cap-Vert, après plusieurs tentatives de feu Ibra Kassé du Miami qui a voulu que je vienne rejoindre l’orchestre Star Band. Sans me jeter des fleurs, j’étais très jeune et je jouais déjà de la bonne musique. Mais j’ai rejoint l’orchestre du Star Band en 1970. Et depuis, j’ai été dans plusieurs orchestres. Comme nous avions été des musiciens, des décideurs, nous avions créé l’orchestre du Number one. Aujourd’hui, je suis dans un des orchestres qui était les concurrents du Number one, l’orchestre Baobab.
Comment s’est fait l’éclatement de Star band ?
Nous étions tous des musiciens de Star band du feu Ibra Kassé qui nous avait engagés. Et une fois, nous avons été humiliés parce qu’il voulait qu’on joue avec un mauvais matériel, alors qu’il y avait un gros son installé au stade. Nous avons joué avec ce mauvais matériel et le résultat n'a pas été bon. Car nous avons été hués. Il savait que nous étions meurtris dans notre chair et il a voulu se séparer de certains en leur donnant des congés fictifs. Nous savions qu’il était en train de préparer un gros coup, préparer la relève avec ses enfants. Nous avons fait bloc avec des signatures d’honneur. Le soir venu, nous sommes venus pour jouer, il a ciblé des musiciens en leur disant qu’ils ne peuvent pas jouer, prétextant qu’ils sont en congé. C’est ce soir-là qu’il y a eu cette cassure entre Star band et nous les musiciens.
Après vous étiez devenus quoi sans Star band ?
Nous nous sommes rencontrés au conservatoire national pour prendre notre destin en main. Nous avons pris le nom de Star band et on y a ajouté Star Band 1. Parce que nous étions les vrais musiciens de Star band. Les autres n’étaient que des remplaçants. Quelque temps après, nous avons reçu une lettre du gouverneur qui exige qu’on change l’appellation de notre groupe. Après réflexion, j’ai proposé Number one. Tout simplement, parce qu’on était les Number One de Star band. Tant que le Number one jouait, tous les artistes étaient des chômeurs.
D’aucuns disent que Youssou voulait faire son entrée à Number one, mais vous n’avez jamais accepté ?,
Ça, c’est une autre histoire. Il y avait une dame du nom de Touty Dieng, elle était très sympathique et elle fréquentait souvent le Miami. C’est en quelque sorte la marraine de Youssou Ndour. Elle a tout fait pour que Youssou regagne le Number one, car il était l’orchestre phare, l’université de la musique. Malheureusement, il était trop jeune et nous ne voulions pas prendre le risque, pour éviter des problèmes avec son père.
Il paraît que c’est après ce refus qu’il a créé Etoile de Dakar où il vous a lancé une pique dans une de ses chanson ?
(Rires…) C’est le public qui a créé cette histoire. Car, Youssou avait dit : «Wo yaay sama ceeli nawna, fii ku lapi lapi filà jarr». Automatiquement, les gens ont interprété qu’il s'adressait au groupe du Number one. Je ne lui ai jamais posé la question, mais j’en suis persuadé qu’il ne s’adressait pas à nous. Autre chose, les gens ont dit que Pape Seck a répondu à Youssou Ndour, quand il a chanté «Machiaki» en disant : «Amna lenene lo guën gadou sa pendal né yaw lay andal». Il n’y avait aucun problème, au contraire Youssou Ndour, je l’ai aidé dans son premier album «Banana, Khaliss». J’étais son directeur technique au studio.
On dit aussi que le Number one a chuté depuis que Pape Seck est décédé ?
L’orchestre a commencé à perdre ses plumes un peu avant ça. Parce que Pape Seck a quitté pour rejoindre l’Orchestre national, en emmenant avec lui le guitariste Mbaye guitare. Puis, nous avons eu le décès de Linx Tall, Doudou Alassane Sow, Maguette Ndiaye… Quand on perd plus de 6 personnes dans un groupe de 11, forcément, il s’effrite. Number one est l’un des premiers orchestres qui s’est constitué en société, qui a eu la présence d’esprit d’avoir un studio, des véhicules de transport en commun, des comptes en banque. J’ai appris qu’on a créé une fondation Laba Socé qui n’est pas plus méritant que Pape Seck qui est sénégalais à 100%.
Dites nous, comment avez-vous géré le succès du groupe…
(Il coupe…). Sans le savoir, nous ne savions pas qu’on avait cette force-là, les gens nous déifiaient. Une fois, j’ai failli me faire tuer, lors d’un concert à Saint-Louis, organisé par Golbert Diagne, où il y a même eu un mort, un petit garçon. Je me rappelle quand on avait un concert, au stade Ibar Mar Diop, comme ce n’était pas loin, on marchait, heureusement, c’est la gendarmerie qui nous escortait avec des chevaux.
A ce temps, il paraît que vous étiez très courtisés par les femmes ?
(Rires…) Absolument. C’est vrais que même si on allait jusqu’à Fongolémi les femmes nous suivraient. C’est vache de profiter de la faiblesse d’un fan, c’est un peu lâche.
Mais il vous arrivait qu’une femme vous déclare sa flamme ?
Il pouffe, une flamme, il faut l’alimenter. Mais j’ai toujours eu des relations très saines avec la personne avec qui je suis, je suis clean et nickel.
Il paraît que votre milieu à cette époque était mal sain…
Je n’ai jamais bus de l’alcool, pourtant j’animais des soirées sans eau, ni boisson. Je n’ai jamais fumé du chanvre, à part la cigarette que j’ai arrêtée depuis 1990.
Plus de 10 ans de règne qu’est-ce que vous avez eu comme distinction ?
(Il coupe…) Au Sénégal, malheureusement, c’est arrivé trop tard et d’une manière qui n’a pas plu. Il a fallu qu’un certain Edje Diop, qui était à Sorano, demande aux artistes sénégalais de créer une structure pour supporter le Président Abdou Diouf pour sa réélection. Tous les artistes ont adhéré à cette structure et ont été décorés, parce que je ne suis pas politique. Il fallait que nos gouvernants sentent que je mérite une décoration, sans qu’il ait une coloration politique, que ce ne soit une monnaie d’échange. Je n’ai rien reçu à part une guitare que Thione Seck m’a offerte et m’a dit : «Grand kula délowul njuukal, man ma
delolako».
Vous avez consacré la moitié de votre vie dans la musique, qu’est-ce que vous avez eu concrètement ?
J’ai une famille, grâce à Dieu, j’ai un vécu, j’ai une expérience mondialement reconnue. Sur le plan matériel, je ne me plains pas, j’ai construit une maison pour ma mère. Et je ne regrette pas d’avoir abandonné mes études pour la musique. Si c’était à refaire, je ferais la même chose.
Pensez-vous que les gens sont toujours nostalgiques de Number one ?
Attendez, je vais vous expliquer une chose. Je suis né le 4 avril et le 3 avril passé, à la demande insistante de beaucoup de mélomanes, on a dit que tous les anciens orchestres sont en train de se refaire, pourquoi pas le Number one. C’est vrai que cela fait 17 ans que je joue avec un petit groupe, le All Star, dans une boîte de nuit très professionnelle. J’ai recréé l’orchestre en faisant une soirée de lancement, pour le retour du groupe au Just4U qui avait refusé du monde. Les gens ont demandé, nous l’avons refait le 19, il y avait les membres de l’orchestre, Ali Penda Ndoye, Mar Seck, Djamil, Médoune, Moustapha Ndiaye Blé, Malick Hanne, Malme Mané qui sont malades. Je joue au Baobab, mais mon orchestre phare, c’est Number One.
D’aucuns disent que la majeur partie des albums de Kiné Lam, c’est vous qui les avez arrangés ?
Effectivement, «Dogo» a battu le record des ventes, avec 120 000 exemplaires au temps, s’il y avait un disque d’or, elle serait la première.
Qu’est-ce que vous avez gagné en retour…
(Il coupe…) «Dara» (rien). Et sur ce plan, j’aimerais tempérer ma soupe. Au Sénégal, beaucoup d’artistes chanteurs ne sont pas reconnaissants vis-à-vis des instrumentistes. Alors que le plus gros travail d’un titre, ce sont eux qui le font. Avant Kiné Lam, il y a eu Boucounta Ndiaye avec «Ndaga», Mar Seck, Pape Fall «Oh Coumba», Makhou Lébougui, entre autres. Je suis un bon croyant, je n’attends rien venant d’eux, je laisse tout entre les mains de Dieu. Effectivement, je ne les ai jamais entendus à la radio ou la télé me remercier, alors qu’ils le font pour d’autres.
Comment voyez-vous l’évolution de la musique sénégalaise ?
Ils sont en train d’apporter leur touche à des degrés divers. Je crois que les gens n’ont pas fait de recherches approfondies, sur le mot «Mbalax». Ce n’est pas pour dénigrer qui que ce soit ou pour blesser quelqu’un, mais on dit souvent que c’est Youssou Ndour le roi du «Mbalax». Si Youssou Ndour est le roi du «Mbalax», nous le Number one, qui sommes les créateurs du «Mbalax» donc nous en sommes les empereurs. Si on affiliait le «Mbalax» à un instrument traditionnel, nous sommes les premiers à le faire. S’il s’agit de la parole, c’est Pape Seck «Lakh bi niorna», «Sou Lambji Sadji»… Moi, j’ai été le premier guitariste instrumentiste à transposer les notes du Xalam dans la guitare.
Quel est votre secret, car vous avez toujours l’air jeune ?
J’ai commencé la musique à l’âge de 16 ans. Je suis âgé, mais je ne me fâche pas. Je n’ai jamais bu de l’alcool, ni fumé du chanvre, encore moins découché. Mais je mange bien et sain. Je suis de nature calme. La première fois que j’ai joué, j’avais le trac et j’ai tourné le dos au public. Je grelottais et les gens pensaient que je riais. Et puis, c’est devenu une habitude, quand je joue, je suis toujours derrière.
Vous avez aussi un enfant qui joue à la guitare…
J’ai un enfant qui joue de la guitare, mais je ne la lui ai pas apprise. Par contre, mon petit enfant de 7 ans, Sidi, veut jouer de la guitare, mais... (Sa femme l’interrompt en disant : «c’est moi qui ne veux pas. Même quand il dort et qu'il entend une musique, il se réveille en clamant,'c’est la musique de mon père'».
Parlez-nous de votre projet avec Cheikh Tidiane Gadio qui tarde à voir le jour ?
C’est un grand projet sur le panafricanisme. Et Cheikh Tidiane Gadio est un des grands défenseurs de l’Afrique. C’est un projet pour lequel nous voulons faire un double single sur la «panafricanité» et qui aura une grande portée internationale.