MENACES SUR LA DÉMOCRATIE
L'argumentaire du projet de loi sur le parrainage est des plus fallacieux de la part d’un pouvoir qui, a financé des listes parallèles aux législatives, enrôle quotidiennement des groupuscules dans sa coalition et continue de promouvoir la transhumance
L’adoption par une Assemblée Nationale aux ordres, du projet de loi instaurant le parrainage, censé garantir, à la Coalition Benno Bokk Yakaar, une victoire certaine aux présidentielles de 2019 vient couronner la longue série de forfaitures, auxquelles nous a habitué le régime de l’APR.
Cela peut être illustré par plusieurs exemples, depuis les bureaux de vote fictifs décriés lors du référendum du 20 mars 2016 jusqu’à la rétention accompagnée d’une distribution sélective des cartes électorales aux législatives de l’année dernière, en passant par les manipulations grossières des locales de 2014, à travers l’acte 3 honni.
Quant au projet de loi sur le parrainage, son argumentaire est des plus fallacieux, surtout de la part d’un pouvoir qui a financé des listes parallèles aux législatives de 2017, enrôle quotidiennement des groupuscules dans sa méga-coalition et continue de promouvoir la transhumance. La meilleure façon de combattre la prolifération des formations politiques est la mise en place d’une Haute Autorité de la Démocratie chargée de veiller à l’adoption de critères pertinents de création des partis politiques et d’exiger que leur fonctionnement soit assujetti à des normes bien définies (états financiers réguliers, respect de la périodicité des congrès…).
L’amélioration du cadre juridique des activités politiques ainsi que l’assainissement des mœurs politiques conduiront au dépérissement de pratiques politiques perverses telles que la location de récépissés de partis, les nominations de complaisance à des postes de responsabilité, l’impunité accordée à des responsables politiques du parti au pouvoir épinglés par des rapports d’audit…
Les conditions particulières rappelant celles d’un état d’urgence, avec déploiement massif des forces de défense et de sécurité, dans lesquelles, le vote du projet de loi sur le parrainage a eu lieu renseignent sur les intentions inavouées de ses initiateurs, qui pour pouvoir commettre leur forfait en toute quiétude, avaient besoin du parapluie de la police nationale, bien que disposant de 76% du nombre total de députés. Ainsi, la capitale avait l’air d’une ville-fantôme, avec ralentissement de la vie économique (fermeture de la quasi-totalité des établissements scolaires, des services et petits commerces et non-circulation des bus de la société de Dakar Dem Dikk).
La répression féroce des courageux citoyens, venus manifester leur désapprobation face à cette loi scélérate, est une nouvelle expression du caractère dictatorial et oppresseur d’un Etat qui, après avoir embastillé et déporté des rivaux potentiels aux prochaines présidentielles, semble prêt à tout pour conserver le pouvoir.
C’est pourquoi, s’agissant de la journée du 19 avril, on peut parler d’une "victoire" à la Pyrrhus, obtenue au prix de terribles pertes en termes de crédibilité et de sympathie, qui risquent de compromettre la reconduction de l’équipe au pouvoir, dont le cynisme et le machiavélisme suscitent la colère et l’indignation au sein des larges masses populaires, n’épargnant pas leurs propres militants.
Il est vrai que Benno Bokk Yakaar s’apparente à une énorme pieuvre enserrant dans ses tentacules clientélistes et corruptrices toutes les composantes de la Nation, éclipsant un parti présidentiel non structuré voire inexistant. Cette Coalition gouvernementale substitue au jeu politique classique, l’instrumentalisation de la Police nationale et de la Justice ainsi que l’abus de majorité parlementaire allant jusqu’à l’interdiction du débat pluriel au sein de l’hémicycle.
Cette mauvaise foi patente de nos gouvernants doit amener la société civile à rompre avec l’équilibrisme, à désigner les tenants du pouvoir comme les fauteurs de troubles et à s’engager, aux côtés des forces vives de la Nation, dans la bataille pour la restauration de la Démocratie et de l’État de droit. À défaut, notre expérience démocratique court le risque d’être dénaturée, s’apparentant de plus en plus à des modèles autoritaires et ouvrant la voie à une instabilité politique permanente, telle qu’on peut l’observer dans certains pays africains, disposant d’importantes ressources minières.