MACKY SALL, À QUITTE OU DOUBLE !
En route vers la présidentielle de 2019 et un second mandat à la tête de l’Etat sénégalais, le président Macky Sall semble s’engager dans une stratégie résolue et méthodique d’extinction de tous les foyers sociaux
En route vers la présidentielle de 2019 et un second mandat à la tête de l’Etat sénégalais, le président Macky Sall semble s’engager dans une stratégie résolue et méthodique d’extinction de tous les foyers sociaux (éducation, santé et autre secteur), à coup de concessions financières qui risquent de plomber le budget national. Cette volonté forcenée d’apaisement du champ social, par le biais de remèdes de cheval plus ou moins rédhibitoires à la bonne santé de l’économie sénégalaise, traduit-il simplement le sens de la conciliation et/ou le génie stratégique d’un chef d’Etat soucieux de mettre réellement son pays sur les rampes de l’émergence? Ou manifesterait-elle plutôt la disposition d’un maître du jeu prompt à abdiquer sur toutes les revendications pour baliser sa voie vers un mandat présidentiel bis ?
A moins de neuf mois de la présidentielle prévue pour le 24 février 2019, le président Macky Sall s’évertue de plus en plus à éteindre les feux dans un front social qui menaçait progressivement de cristalliser l’année pré-électorale. Seulement, cet apaisement des foyers sociaux se fait sur la base de concessions tous azimuts, dont les coûts ne sont pas moindres. La dernière concession en date est celle que le chef de l’Etat a faite devant la Coordination nationale des étudiants du Sénégal (Cnes), engagée dans un mot d’ordre de grève illimitée dans les principales universités du Sénégal (Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor…), à la suite du décès malheureux de l’étudiant Fallou Sène, le mardi 15 mai dernier.
Recevant en effet les étudiants (en ordre dispersé) au Palais présidentiel lundi dernier, Macky Sall leur a pratiquement concédé toutes les revendications, nonobstant la démission exigée dans un premier temps des ministres de l’Enseignement supérieur, de l’Intérieur et de l’Economie. Le chef de l’Etat est allé même au-delà des attentes estudiantines en décrétant l’augmentation du montant des bourses et des aides sociales, la baisse du prix des tickets-repas et autre dotation en moyens de transport. Seulement, ces mesures ont un coût «financier significatif sur le budget de l'Etat » comme l’a indiqué le communiqué du Conseil des ministres de ce mercredi.
Outre la somme de 8 milliards 160 millions de F Cfa requise par ces «concessions», les autres mesures prises par Macky Sall nécessitent plus d’une trentaine de milliards pour engager «les travaux portant sur les bâtiments pédagogiques, la construction de quatre restaurants, la construction et la réhabilitation de pavillons, la voirie, l'éclairage, l'assainissement et l'approvisionnement en eau, ainsi que le relèvement du plateau technique des centres médicaux en les dotant d’ambulances médicalisés, de médecins, d’infirmiers et de sages-femmes en plus de l’approvisionnement correct et régulier en médicaments». Suffisant pour que le ministre délégué Birima Mangara annonce la révision prochaine de la loi de finances initiale pour matérialiser ses mesures.
LES ENSEIGNANTS ET LES MEDECINS, DANS LA POCHE
La résolution de la grève des syndicats d’enseignants et du Sames (Syndicat autonome des médecins du Sénégal) participent de la même posture du chef de l’Etat, à neuf mois de la présidentielle. En aparté avec les représentants des syndicats du secteur de l’enseignement, avec l’implication de la Première dame, Macky Sall avait décidé, en fin avril dernier, de relever l’indemnité de logement des enseignants de 60000 à…100 000 F Cfa. Après une première proposition repoussée par les syndicats reçus au palais, le président de la République avait choisi de casser la tirelire pour apaiser le climat social dans une école qui était en grève depuis des mois déjà. Même si la hausse était échelonnée, le constat de beaucoup d’observateurs était que le maître du jeu ne lésinait plus sur les concessions pour casser la subreptice dynamique de jonction entre forces sociales et forces politiques, à quelques encablures de la présidentielle.
Que dire en outre du cas Sames et du Saes? Là encore, Macky Sall n’a pas fait dans le détail. Les enseignants du Supérieur ont eu droit en mars dernier du relèvement de l’indice salarial, de la revalorisation de l’indemnité de logement et de l’indemnité pédagogique, voire d’un accord bienvenu sur le taux de retraite. Quant au Sames, le chef de l’Etat a satisfait « six des sept points» contenus dans la plateforme revendicative des médecins en grève, en rapport avec leurs indemnités, les prêts DMC, les prêts pour les équipements, le relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans, entre autres revendications. Conséquence immédiate : le Dr Boly Diop et cie remettaient les blouses blanches dès le lendemain, pour s’occuper des pauvres patients en souffrance dans certains hôpitaux.
Question à mille balles : cet ensemble de concessions du chef de l’Etat, à forte incidence sur le budget national, traduit-il le sens stratégique d’un chef d’Etat réellement soucieux de pacifier le champ social quel qu’en soit le prix ou témoigne-t-il plutôt de la disposition d’un maître du jeu prompt à abdiquer sur toutes les revendications pour baliser sa voie vers un second mandat présidentiel? Le moins que l’on puisse dire en tout cas, c’est que Macky Sall qui a encore bien du pain sur la planche, avant le 24 février 2019, ne lésine plus sur les moyens de l’Etat pour «contenir» les sources de foyers. Reste à savoir si le prix en vaudra la chandelle !