KHALIFA N'A PAS EXULTÉ DE JOIE !
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est plongé dans une légitime affliction parce qu’on fait allégrement fi des acquis démocratiques de son pays - Non, l’heure est grave pour que Khalifa Sall jubile
Beaucoup de supports médiatiques, les plus objectifs et sérieux de ce pays, ont souligné la victoire de Khalifa Ababacar Sall et de ses co-accusés dont les avocats avaient engagé un procès contre l’Etat du Sénégal devant la Cour de justice de la CEDEAO. Cette cour estime que « le droit à l'assistance d'un conseil, le droit à la présomption d'innocence et le droit à un procès équitable des requérants ont été violés ».
Cette juridiction internationale, libérée de la sujétion des dictateurs, considère que la détention du maire de Dakar « entre la date de proclamation des résultats des élections législatives par le Conseil constitutionnel, le 14 août 2017, et celle de la levée de son immunité parlementaire, le 25 novembre 2017, est arbitraire ».
Aussi, considérant « que (sa) responsabilité, par le truchement de ses autorités policières et judiciaires, est engagée », la Cour de justice de la CEDEAO « condamne (l’État du Sénégal) à payer (à Khalifa Sall et Cie) la somme de trente-cinq millions (35 000 000) francs Cfa à titre de réparation ».
Les journalistes ont peut-être bien fait de parler de victoire. Mais, contre qui ? Et pour qui ? Khalifa Sall, âme empreinte d’une grande dignité, n’a sans doute pas jubilé du fond de sa cellule pénitentiaire. Le drame, qui frappe son peuple, ne le lui permet pas. Cette décision corrige, certes, une injustice mais témoigne surtout de la déliquescence de nos institutions et d’une panique des tenants du pouvoir ; angoisse qu’ils exorcisent par le mensonge et la grossièreté des vermines. On a fait plus mal au peuple sénégalais, conscient désormais de la fragilité de son édifice, qu’à l’édile de la capitale. Celui qui nous sert de président, Macky Sall, non content de désenchanter impassiblement les Sénégalais, abat ce qui faisait leur fierté au-delà de nos frontières. Le Sénégal charpente dangereusement le récit de sa rocailleuse trajectoire qui se propage à tous les échos et dans les chaumières africaines et mondiales.
Non Khalifa Sall n’a pas jubilé ! Les enjeux de l’heure transcendent sa personne. Il est plongé dans une légitime affliction parce qu’on fait fi allégrement des acquis démocratiques de son pays pour satisfaire la boulimie de puissance d’un égaré qui n’a pas su grandir en vertu. Les âmes altruistes, on le sait, n’entrent pas en jouissance de leur triomphe quand les événements sèment l’incompréhension, quand la majorité croupit dans le supplice moral, quand la patrie devient la risée de ceux à qui elle inspirait noblesse et grandeur.
Khalifa Sall est, en ces instants tumultueux, triste du sort des otages. Hélas, les Sénégalais sont devenus des otages de la coterie des assoiffés de pouvoir. Dans leur folie destructrice, qui pourtant les berce d’illusions (celles qui font niaisement et égoïstement espérer en l’avenir), Macky Sall et les nouveaux rupins de la République causent un préjudice inestimable à toute une Nation. On en mesurera la portée psychologique quand il faudra, comme les autres, se gargariser de notre roman national truffé de désappointements, de chagrin, d’impostures.
Non, Khalifa Sall, qui n’a jamais eu peur de la compétition politique, n’a pas exulté de joie ! Il accueille avec sérénité ce camouflet essuyé par la chapelle des coquins repus d’indignité. Le temps est à la mesure face à la détresse collective et au péril auquel s’exposent les Sénégalais. Quand on est atteint de boulimie et prêt à toutes les infamies pour se maintenir au pouvoir, dédaigner les menaces est d’une grande imprudence.
Cette décision mémorable de la Cour de justice de la CEDEAO, comme celle prise en faveur de Karim Wade auparavant, n’intéresse pas Macky Sall en réalité. Il est aveuglé, comme Ibrahima Dieng, par « Le mandat » du nom de ce film de Sembene Ousmane ; cette gratification qui excite tous les sens mais qui vous file entre les doigts à force de pingrerie comme dans « L’os de Mor Lam » de Birago Diop. En politique, la tyrannie et la roublardise ne désherbent pas toujours les allées du pouvoir. Elles ne concourent pas non plus à sa consolidation. Elles vous condamnent à une anxiété irraisonnée, symptôme pathognomonique de l’inaptitude mentale à coordonner l’action collective.
La décision de la Cour de justice de la CEDEAO est explicite. Elle ne souffre d’aucune ambiguïté. Mais, la vérité, au-delà des querelles de chapelles et de la fumisterie des compatissants de l’autre bord, est que la condamnation de Khalifa Sall n’a jamais été motivée juridiquement. Elle n’est que la résultante des injonctions de sa majesté auxquelles les valets ont très vite fait d’obtempérer. Le dossier, pour reprendre la ritournelle populaire, est politique. C’est un scénario auquel on est désormais habitué. Et le silence du peuple martyr, accédant davantage à la lucidité que ses prétendus guides, ne traduit pas une délectation malséante mais bien une incompréhension, un dépit. Envisager le contraire est d’une s’implicité un peu niaise. En 2019, les Sénégalais honoreront la noblesse d’âme de Khalifa Ababacar Sall, digne dans l’adversité, pour porter remède, avec eux, au Sénégal tombé en décrépitude. Non, l’heure est grave pour que Khalifa Sall jubile.
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