MACKY DANSE, SON CORPS PARLE !
EXCLUSIF SENEPLUS - Le recours à la danse signifie que le président ne veut pas projeter l’image d’un corps malade, fatigué, réceptacle des peurs, désillusions et de doutes, surtout en ces temps où l’opposition se fait de plus en plus incisive et mordante
La danse du président de la République, son Excellence Macky Sall, à l’occasion du lancement, par Bennoo Bokk Yaakaar, de la campagne du parrainage, a fait l’objet de tous les commentaires dans les réseaux. Certains ont apprécié cette «humanité» qui s’exprime à travers le corps du Président, d’autres citoyens estiment qu’il devait s’abstenir d’un tel comportement, puisque le peuple souffre le martyre.
Mais tous ont raison d’avoir tort, puisque obnubilés par ce corps en mouvement, sans chercher à comprendre le message qui s’échappe de ses entrailles. Les admirateurs de la danse du Chef de l’Etat, n’ont jamais perdu de vu que «cet être à part» est «humain trop humain», il sent ce que nous sentons, a des émotions, et est le fruit d’une socialisation. Ses contempteurs, n’ont pas tort, non plus, de s’en offusquer, puisque le «corps sacré» du Président est exposé à tous les regards, notamment à ceux de non-initiés, ce qui en fait un être ordinaire.
Le regard que je pose sur ce corps, va au-delà de la simple chorégraphie, en prêtant une oreille attentive au message que son Excellence a voulu vraiment communiqué à ses partisans et à ses compatriotes. Mais surtout, ce qu’il n’a pas voulu dire mais que le non verbal, hélas, révèle.
Danser pour rassurer !
D’abord, il est le candidat choisi par sa coalition et il devait faire bonne figure, en envoyant à ceux qui ont fait le déplacement au Centre Abdou Diouf de Diamniadio, un signe rassurant. Et le meilleur moyen, au-delà d’un discours mobilisateur, est le langage corporel. Lui, a choisi la danse pour dire à ses partisans qu’ils ne se sont pas trompés de cheval.
Le recours à la danse signifie que le président ne veut pas projeter l’image d’un corps malade, fatigué, réceptacle des peurs, désillusions et de doutes. Surtout en ces temps où l’opposition se fait de plus en plus incisive et mordante. Sans oublier une partie de l’opinion qui, chaque jour, fait entendre sa voix : pour réclamer de l’eau, de l’électricité ; exiger la construction de routes ou de pistes ; s’élever contre un promoteur immobilier «protégé» par l’Etat pour déposséder d’honnêtes citoyens de leurs terres etc… La danse fonctionne ici comme masque ou pansement pour cacher le climat mental d’un président soumis à de plus en plus de pression, à l’intérieur comme à l’extérieur de son parti et de sa coalition, à mesure que la date de la présidentielle approche.
Danser pour contenir la rigidité
Ensuite, la danse libère, si elle est sincère. Autrement, c’est le corps qui expose le mauvais acteur qui n’a pas su mesurer la profondeur des mots de Néron, se suicidant en murmurant : « Qualis artifex pereo ! » (quel artiste je supprime !).
Une partie de l’opinion trouve le Président austère, moins souriant, trop «sérieux»… Le voir alors danser, est une «découverte» pour ces personnes. La star a aidé chacun à ressembler à tous. Le Président est volontairement devenu l’anti-héros, l’anti-idole, le common man, le Monsieur-Tout-le-Monde. Le leader de charme a «tué» le «héros», le demi-dieu ! Il est descendu de son piédestal pour se glisser dans la peau de chacun de ses compatriotes. Le Président a dansé pour séduire.
Danser, le corps nu
Enfin, il a dansé, le corps nu ! Une boutade, dans le cas de figure que nous examinons. Le Président a voulu renvoyer l’image de quelqu’un de rassurant, de confiant, débordant d’énergie et surtout intransigeant à l’égard d’une opposition déterminée à en découdre. Mais ces cassures (comme ces poings fermés, ces indexes en direction du public,) qui s’invitent dans la chorégraphie, font parler le divan.
Au début, nous avons un homme crispé danser, avec des mouvements contenus du haut du corps. Et sous la «pression» du public (debout, les yeux braqués sur la star), le corps tente un baroud d’honneur, cherche à se libérer, mais l’envol est difficile. Le Président ne veut pas lâcher le Minotaure ; il ne veut pas tenter le «diable», comme si son corps était programmé à ne pas se synchroniser avec d’autres corps, le milieu ambiant.
Que viennent faire ces poings fermés dans une danse qui est censée nous libérer de toute énergie négative ? Quelle est cette menace invisible contre laquelle le Président tente de se protéger ? Quid de ces indexes (droit et gauche) pointés en direction de l’assistance et qui expriment à la fois les besoins de s’affirmer (en dissimulant la crainte de ne pas être à la hauteur (indexe droit) et de convaincre, en tentant de se défaire de ses doutes (indexe gauche) ? Au-delà de cette sérénité factice, le non verbal montre que le Président se pose des questions, s’interroge sur son avenir à la tête du pays. Il est traversé par le doute, mais qu’il ne veut laisser apparaître. Le corps du Président, a trop parlé, hélas !