LES SURPRISES DU CHEF
Entre la suppression de la Primature, l’éclatement du ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, la sortie d'un nombre historique de membres de l’APR, le nouveau gouvernement regorge de surprises
Mais, l’on perçoit, en filigrane, l’option du président de la République de promouvoir la compétence au détriment du tout politique.
Le Premier ministre l’a dit, le président Macky Sall a voulu, au moment de cocher les noms sur la longue liste des ministrables, impulser un nouvel élan et donner un nouveau souffle à l’action gouvernementale. Il faut dire que sa main a été lourde avec pas moins de 20 des anciens ministres du gouvernement sortant. La liste, publiée hier, révèle de grosses surprises avec la non-reconduction de compagnons de la première heure (cf. par ailleurs). La première des surprises aura, sans doute, été la suppression du poste de Premier ministre dans notre armature institutionnelle.
Au terme de la réforme qui est annoncée, Mahammed Boun Abdallah Dionne devra se contenter du poste de ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République. Il restera, de facto, le numéro deux du gouvernement, mais son rôle s’en trouvera fortement transformé. En effet, le secrétaire général de la présidence est un personnage pivot dans le dispositif présidentiel puisqu’il est l’autre patron du palais présidentiel juste derrière le chef de l’Etat. Il est le plus haut fonctionnaire de la présidence et le principal collaborateur du chef de l'Etat. Ses fonctions sont multiples : il est à la fois conseiller politique et stratégique, porte-parole. Il assure aussi la coordination avec le gouvernement, fait remonter au président toutes les informations qu’il juge utiles, filtre les dossiers, jette un œil sur les discours importants, prépare le Conseil des ministres, gère les affaires privées du chef de l’Etat. Il est, en somme, le tampon entre le président de la République et tout le reste. On peut en déduire donc que même si la fonction de Mahammed Boun Abdallah Dionne change, sa place demeure centrale dans le dispositif mis en place par le président de la République. Le cas du Premier ministre évacué, on pouvait logiquement s’attendre à des changements profonds et, il faut l’avouer, on a été largement servi. Avec 16 nouveaux ministres (50 % du nouveau gouvernement) et 20 sortants, le président Macky Sall affiche clairement sa volonté de promouvoir la compétence au détriment du tout politique. C’est cette logique qui explique la nomination de nombre d’anciens directeurs généraux qui, en plus de la casquette politique, affichent un profil technique très affirmé. On peut citer les noms de Makhtar Cissé, directeur général de la Senelec, Abdou Karim Sall, directeur général de de l’Artp, Cheikh Oumar Hanne du Coud, Samba Ndiobène Kâ de la Saed, etc.
A contrario, nombre de compagnons historiques n’ont pas eu l’heur de voir leur bail avec le gouvernement renouvelé. On peut penser, avec ces choix, que le président Sall n’est plus dans une logique politique mais plutôt dans une optique de résultats. L’autre changement majeur est l’éclatement du ministère de l’Économie, des Finances et du Plan, lequel a été scindé en deux. D’une part, il y a le ministère des Finances et du Budget confié à Abdoulaye Daouda Diallo et, de l’autre part, le ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération qui sera dirigé par Amadou Hott. Amadou Bâ, l’ancien titulaire du poste, migre au ministère des Affaires étrangères. Toujours considéré comme un super ministère, la réforme de ce département a été théorisée par nombre d’observateurs, mais la carrure de celui qui l’occupait et son implication dans la bataille de la reconquête de Dakar soulèvent des interrogations légitimes. Promotion ? Sanction ? L’avenir nous édifiera. Par contre, en renouvelant sa confiance à Aly Ngouille Ndiaye, le président Sall tranche dans le vif le débat soulevé par l’opposition visant la promotion d’un ministre de l’Intérieur neutre. Il faut, en outre, noter que si les partis alliés comme le Ps et l’Afp gardent leurs positions, en termes de nombre, dans le gouvernement, le rôle qui est leur est dévolu.
Le socialiste Serigne Mbaye Thiam, contesté au département de l’Education nationale, atterrit au ministère de l’Eau et de l’Assainissement dans un contexte compliqué de renouvellement du contrat d’affermage de la ressource que se disputent la Sde et Suez. Il est remplacé par Mamadou Talla, un fidèle de Macky Sall. Une manière pour ce dernier de reprendre en main un secteur gangréné par des grèves multiples. Aminata Mbengue Ndiaye, jusqu’ici inamovible ministre de l’Elevage, hérite du département des Pêches. Elle est remplacée par Samba Ndiobène Kâ, le directeur général de la Saed, très influent dans le Djolof. Dernier enseignement à tirer de la mise en place de ce nouveau gouvernement : les alliances politiques nouées sur la dernière ligne droite de la présidentielle n’ont pas abouti à des consécrations gouvernementales. Aucun des responsables politiques péjorativement appelé « transhumants » n’a été appelé au gouvernement ; ce qui confirme la volonté du président de la République de s’affranchir des coteries politiques.