BOUBACAR BORIS DIOP RESSUSCITE CHEIKH ANTA DIOP
La vie et l’œuvre du grand savant sont la zone de confort de l’écrivain et éditorialiste de SenePlus qui s’est plu à livrer vendredi, à l’occasion de la commémoration du 34e anniversaire de la mort de l’égyptologue, un cours magistral sur l'intéressé
La vie et l’œuvre de Cheikh Anta Diop sont la zone de confort de l’écrivain Boubacar Boris Diop. C’est pourquoi, il s’est plu à livrer, hier à l’occasion de la commémoration du 34e anniversaire de la disparition de l’égyptologue, un cours magistral sur la pensée du savant panafricaniste. La cérémonie s’est déroulée à l’Ucad 2.
Manifestement, le savant Cheikh Anta Diop fait partie de la race de ces grands hommes qui éclairent leur société bien après leur disparition. Peu reconnu durant son vivant, il a été célébré hier à l’université de Dakar qui porte son nom. Pour les besoins de la commémoration du 34e anniversaire de son décès, le temple du savoir a vibré au rythme du théoricien d’une Afrique berceau de l’humanité. Tous les étudiants rencontrés tenaient à la main le journal du campus consacré à la vie et l’œuvre de l’égyptologue. Et l’amphithéâtre Aminata Diao s’est révélé petit pour contenir les intellectuels, enseignants, étudiants et membres de la famille de Cheikh Anta Diop venus exprimer leur reconnaissance à l’endroit de ce dernier. Considéré comme l’un des plus grands disciples et défenseurs de l’égyptologue, l’écrivain et journaliste Boubacar Boris Diop a revisité tous les pans de l’œuvre grandiose de son maitre. «Cheikh Anta était un esprit indomptable, il n’a jamais transigé sur ses opinions. Il ne connaissait pas le compromis intellectuel», a lancé l’écrivain aux nombreux étudiants présents dans la salle. Et d’ajouter : «Quand il s’agissait de défendre ses opinions contre la terre entière, il se transformait en fauve. Et cela, c’est une des leçons que nous pouvons retenir de sa vie.
Cheikh Anta Diop a vécu dans une perpétuelle tension morale au sens où il ne s’est jamais accordé aucune forme de facilité». De l’avis de Boubacar Boris Diop, le défunt égyptologue a fait de la science un véritable outil de combat. «La science, c’était un moyen pour lui d’améliorer la vie en société». Devant Massamba et Cheikh Mbacké (les deux fils de l’historien), Dr Babacar Diop s’est longuement appesanti sur le legs de Cheikh Anta Diop à la jeunesse africaine. «La leçon que l’on doit tirer de la vie de Cheikh Anta Diop, c’est de ne jamais se laisser impressionner par qui que soit ; surtout par des individus très puissants qui pensent qu’ils tiennent votre destin entre leurs mains, par des appareils qui vous tirent en arrière parce ce que vous sortez des cadres de pensées préétablies», dit-il. Il trouve que 34 ans après sa disparition, le triomphe de Cheikh Anta Diop est aujourd’hui total. «L’université où on lui avait interdit d’enseigner porte son nom. Des jeunes qui sont nés après sa mort ont sillonné le pays pour exiger l’enseignement de sa pensée à l’école et restent en dialogue avec lui», jubile Boubacar Boris Diop qui considère ces actions comme un motif d’espoir. Il se réjouit également du fait que le père de l’égyptologie soit devenu une référence politique chez les dirigeants politiques émergents et en donne la raison. «Nos pays sont malades de nos dirigeants et de nos leaders politiques», déclare le journaliste-écrivain.
«CE QUI ARRIVE A GUY MARIUS SAGNA EST UN SCANDALE»
Saluant le travail de perpétuation que certains activistes sont en train de mener, Boubacar Boris Diop a dénoncé l’incarcération de Guy Marius Sagna. «J‘ai beaucoup d’admiration pour Guy Marius Sagna et je pense que ce qui lui arrive est tout juste un scandale», tonne Monsieur Diop non sans inviter le système judiciaire sénégalais à faire son examen de conscience. «Ils ne peuvent pas garder quelqu’un en prison avec l’idée que «boybi daniakoy yaar» (on va le corriger un peu).
Au fond, ils n’ont rien à lui reprocher», indique l’ancien directeur de publication du défunt quotidien «Le Matin». Rappelant l’aversion de Cheikh Anta Diop pour l’immixtion des ethnies et des confréries dans la sphère politique, Boubacar Boris Diop souligne que ce dernier a certes créé des partis politiques, mais il n’a jamais joué la carte du mouridisme. «Et pourtant, il était au cœur de cette famille, car l’un des plus fidèles compagnons de Cheikh Ahmadou Bamba en l’occurrence Cheikh Ibra Fall a été le mari de sa mère», renseigne le journaliste qui, par conséquent, s’insurge contre la confusion du temporel et du religieux.
Pour lui, il y a une sorte de pouvoir bicéphale où on a le pouvoir qui est au Palais de la République qui a sa légitimité et puis un autre pouvoir religieux. A propos de la carrière politique de l’historien sénégalais considéré par plusieurs observateurs comme étant son talon d’Achille, Boubacar Boris Diop retient une image beaucoup plus lisse de la question. Pour lui, Cheikh Anta Diop était un politique et non un politicien. «En réalité, il n’a pas créé un parti pour chercher le pouvoir. On lui a proposé 20 postes de député et 5 postes de ministre, mais il a toujours décliné», clame le conférencier.