DES PISTES POUR UN FINANCEMENT SAIN DES PARTIS POLITIQUES
Evoquée lors des dernières concertations sur le processus électoral, mais laissée en suspens pour une éventuelle prise en charge par une Commission, la question du financement des partis politiques a été soulevée depuis belle lurette et plusieurs fois

Au deuxième jour du procès de Lamine Diack, ex-patron de l’athlétisme mondial et ses 5 co-prévenus dont son fils Papa Massata Diack, à savoir le mercredi 10 juin dernier, la Cour s’était intéressée aux contreparties qu’aurait obtenues Lamine Diack en échange du ralentissement des procédures de sanctions des athlètes suspects, pour entre autres financer l’opposition du président Wade, à la campagne électorale de 2012. Occasion saisie par la rédaction de Sud quotidien pour revisiter les propositions faites par des experts électoraux sur la lancinante question de la rationalisation et du financement des partis politiques.
Evoquée lors des dernières concertations sur le processus électoral, mais laissée en suspens pour une éventuelle prise en charge par une Commission, la question du financement des partis politiques a été soulevée depuis belle lurette et à de nombreuses reprises. Moult réflexions ont été menées dans ce sens sans pour autant aboutir à une conclusion efficiente. Des réflexions du professeur agrégé des Facultés de Droit, El Hadj Mbodj, en 1998, aux recettes de la société civile et des acteurs politiques en décembre 2015, en passant par les conclusions des Assises nationales de 2009, sans oublier les travaux de la Commission nationale de réforme des Institutions (Cnri) en 2014, des pistes de solution n’ont cessé d’être dégagées.
Au final, la question est toujours pendante en dépit des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Elle reste toujours d’actualité, surtout qu’il ressort du procès de l’ex-président de l’athlétisme mondial, Lamine Diack et ses co-prévenus, le mercredi 10 juin dernier, que de l’argent issu de cette histoire de dopage d’athlètes Russes aurait servi à financer l’opposition contre le régime d’Abdoulaye Wade, lors de la campagne électorale de 2012. Comme contribution au débat sur cette question de rationalisation et de financement des partis, plus de 300 partis, et à leur financement qui fait partie des points à débattre au dialogue politique, Ababacar Fall, Secrétaire exécutif du Groupe de recherche et d’appui conseils pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec) avait expliqué que cela est due à l’existence d’un cadre juridique obsolète qui a permis une trop grande liberté dans la création des partis. L’expert électoral rappelle que sous Diouf, le verrou mis en place par Senghor a sauté avec le vote de la loi 81-17 du 11 octobre 1981, puis modifiée en modifié en 1989 par la loi n°89-36 du 12 octobre 1989. Pour lui, ces deux lois ont esquissé un cadre juridique des partis politiques, outre la Constitution et les articles 812 et suivants du Code des Obligations Civiles et Commerciales.
Par conséquent, pour venir à bout du problème, M. Fall avait préconisé la modification de l’actuel cadre juridique «obsolète» dans beaucoup de ses dispositions. Il avait, à cet effet, fait un certain nombre de propositions, dont la nécessité de corser la création des partis politiques avec l’exigence d’un nombre déterminé de signatures pour assurer la représentativité et le paiement de droit d’enregistrement; l’obligation pour le parti politique de disposer d’un local approprié devant servir exclusivement de siège et d’un compte bancaire pour les besoins du contrôle financier. Il y a aussi l’obligatoire de participer aux élections, seul ou en coalition, pour les partis. Il y a aussi l’instauration du financement public direct des partis politiques, avec des critères d’éligibilité basés sur la représentativité et l’élargissement de la fonction de contrôle financier des partis politiques à la Cour des Comptes. Sans être exhaustif, il y avait comme proposition le plafonnement des dépenses pour les campagnes électorales, tout comme l’adoption du Statut de l’Opposition, avec désignation du Chef de l’Opposition.
Abondant dans le même sens, Valdiodio Ndiaye, membre du Collectif des organisations de la société civile pour les élections du Sénégal (Cosce) propose tout d’abord que le ministère de l’Intérieur procède à une mise à jour des partis politiques, d’autant que certains ne sont plus fonctionnels. Partant de l’existant, il suggère comme deuxième élément à régler, l’exigence aux partis politiques d’avoir un siège, d’être identifié, d’avoir un contact téléphonique fixe et le dépôt des rapports financiers annuels avec les éléments institutionnels qui vont avec. Mieux, il pense qu’il faut adopter l’obligation de participer à des scrutins locaux, avec une obligation d’atteindre au moins 1% du suffrage sinon disparaitre. Il ira même jusqu’à suggérer l’instauration pour chaque parti politique d’une école du parti. Il s’est dit d’avis que ce n’est qu’après ces préalables administratifs, qu’on pourra parler du financement des partis politiques.
De toute évidence, tous s’accordent que la pléthore des partis politiques pourrait être un facteur de fragilisation de notre démocratie. Cela, d’autant plus que certains partis sont créés que pour s’assurer une situation de rente et permettre à leur fondateur d’avoir des revenus ou des positions en s’affiliant à des coalitions qui sont au pouvoir.