L’AFFAIRE DU JUGE TELIKO
Si on n’y prend garde, la décision qui sortirait de la réunion du Conseil de discipline risque d’être une confirmation de l’attente des plus pessimistes : paralyser la Justice et la rendre plus dépendante encore de l’Exécutif
Il est des citoyens qui, de par nature ou de par l’éducation qu’ils ont reçue à la maison, laquelle n’ayant rien à voir avec le serment qu’on prête dans certains corps de métier, ne peuvent pas la boucler quand ils estiment que se taire est une forme de manque de courage. La fameuse obligation de réserve qui pèse sur les magistrats, pour me limiter à leur cas qui ne se justifie pas dans tous les cas de figure, sert d’alibi aux peureux pour la «fermer», pour s’éviter des représailles quelquefois injustes.
C’est l’occasion de lever mon chapeau à ce cadre politique conscient et qui a fait preuve d’une indépendance d’esprit en osant justifier l’attitude du juge Teliko qui, sans fanfaronnade, a critiqué les violations des droits de Khalifa Sall, dont il est clair qu’ils ont été torpillés lors de son procès qui restera dans les annales de l’histoire des procès politiques au Sénégal. Il s’agit cependant d’un cadre, membre de l’Apr.
Mamadou Lamine Ba pour ne pas le nommer, journaliste et consultant en Médias et Communication et par-dessus le marché responsable politique à l’Apr, parti du Président Macky Sall au pouvoir. On ne s’étonnerait donc pas s’il s’était mis à rivaliser d’ardeur en attaques contre des gens comme le juge Teliko contre lequel par les temps qui courent est vu comme ce magistrat qui trouve à redire sur les décisions contre Khalifa Sall dont les démarches procédurales ne sont pas exemptes de critiques justifiées.
A l’inverse d’une pratique très courante, qu’on a constatée sous tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance de notre pays, rares ont toujours été les cadres qui osent l’«ouvrir» si ce n’est que pour dire ce dont ils sont sûrs qu’il ne déplairait pas au chef de l’Etat. Et pourtant ce n’est pas toujours que ce qui berce l’oreille du chef de l’Exécutif qui est conforme à l’intérêt bien compris de ses concitoyens dans leur majorité.
Le juge Teliko n’est pas dupe pour ignorer que les plaies dans le service public de la Justice qu’il flétrit quelquefois en homme libre, ne laissent pas indifférent le Président Sall et que c’est l’occasion pour certains de prendre la plume ou le micro pour se signaler comme l’avocat défenseur le plus productif de Monsieur le Président.
Et dans cette mission qu’ils se donnent, croyant que le but réel qu’ils poursuivent échappe à la vigilance des observateurs, tous les moyens sont bons pour se montrer efficaces. Suivez mon regard, et lisez le papier publié par Mamadou Lamine Ba, militant de l’Apr dont j’ai tantôt fait cas. J’en appelle à ceux qui se soucient un tant soit peu de l’état actuel de notre Justice.
Si la case de Birama brûle, il est du devoir des voisins d’accourir et de contribuer à éteindre l’incendie. L’Etat est composé de plusieurs administrations dont l’une des plus importantes est celle de la Justice, qui en plus est ultra sensible. Qu’un tel service public se mette à claudiquer, disons depuis le 14 décembre 2017, date de la première audience de l’affaire Khalifa Sall qui avait été suivie par une foule nombreuse dans toutes les audiences suivantes.
Soit dit en passant, dans sa recherche effrénée de poux dans la tête du président de l’Ums, Monsieur Madiambal Diagne, journaliste, a publié un papier récemment y trouvant à redire que le juge Souleymane Teliko assistait à ses audiences. N’aurait-il pas dû écrire que plusieurs magistrats dont le juge Teliko assistaient à ses audiences ? Il ne l’a peut-être pas fait, pour éviter de banaliser le crime que commettait celui-ci en venant assister au procès d’un Khalifa Sall qui serait le premier maire de Dakar à avoir fait ce dont il est accusé. Et pourtant des témoins, dont personne à l’Apr ne douterait de la sincérité du soutien à Macky Sall du temps de ses déboires dans son ancien parti dont le chef lui cherchait des noises jusqu’à le pousser à la démission, contraint et forcé.
J’aurais pensé qu’il serait plus indiqué pour Monsieur Madiambal Diagne et tous ceux qui, comme lui, sont des souteneurs dans l’ombre ou ouvertement du Président Macky Sall devraient œuvrer pour éteindre l’incendie qui mine la maison service public de la Justice, au lieu d’y attiser le feu. Mais malheureusement on dirait que ceux qui militent pour l’affaiblissement progressif du service public de la Justice sont en passe de l’emporter.
Leur moyen consistant à installer le virus destructeur de l’esprit d’équipe qui confère la force dans le corps de la magistrature en est arrivé à obtenir le passage de Teliko devant le Conseil de discipline soit envisagé pour les futilités qu’on lui reproche. Et si on n’y prend garde, la force l’emportant sur le droit, la décision qui sortirait de la réunion du Conseil de discipline risque d’être une confirmation de l’attente des plus pessimistes : paralyser la Justice et la rendre plus dépendante encore de l’Exécutif, cela n’aurait rien de surprenant force faisant loi.