LE «CLEANING DAY» RETOMBE DANS UN TAS D’ORDURES
Onze mois plus tard, l’ambitieux projet du président de la République, qui avait connu un lancement en fanfare et une adhésion populaire rarement vue auparavant, semble remisé au rayon des slogans éculés
Faire de Dakar — et plus généralement du Sénégal — une ville aussi propre que le Rwanda ou Kigali. Le rêve caressé par le président de la République était permis. Au lancement du « Clean day challenge » au début du mois de janvier 2020 par Macky Sall, tout le peuple avait espoir que les choses allaient enfin bouger au Sénégal et que notre cadre de vie allait connaître d’énormes améliorations. Que notre pays allait enfin sortir de sa saleté repoussante pour devenir tout simplement propre. Hélas ! Aussitôt lancé, aussitôt ce projet ambitieux est tombé à l’eau. Comme pour dire que c’était un slogan, un de plus…
Une journée de nettoyage par mois pour un Sénégal plus propre. C’était l’objectif des journées nationales de nettoiement — les « cleaning days » — lancées le samedi le 4 janvier, par le chef de l’État Macky Sall. Ce jour-là, en effet, Macky Sall, un balai à la main, une pelle dans l’autre, a voulu donner le top départ des « cleaning days » depuis le seuil de sa résidence de Mermoz à Dakar. Une initiative appelée à se répéter un samedi par mois avec l’objectif affiché d’inciter les citoyens à nettoyer eux-mêmes leurs rues, quartiers, villages ou villes. Le lancement a été une opération de communication savamment mise en scène censée illustrer la volonté du chef de l’État d’aboutir à un « Sénégal zéro déchet ». « Une priorité » de son second mandat, comme il l’avait affirmé en avril 2019 lors de son discours d’investiture, promettant des « mesures vigoureuses » afin de nettoyer le pays « sans délai ». Pour matérialiser cet ambitieux projet de faire de Dakar une capitale comme Kigali, au Rwanda, Macky Sall avait décidé de mettre 1000 ASP et 200 policiers à la disposition du ministère en charge de l’Hygiène publique pour désencombrer les rues et, surtout, pour assurer le suivi du nettoiement. Comme les fils du riche laboureur de la fable, les Sénégalais ne devaient laisser aucune place, aucun endroit où les balais et pelles ne passent et ne repassent. Il fallait nettoyer Dakar et, plus généralement, le Sénégal à grande eau afin que notre pays soit d’une propreté prophylactique. Hélas, onze mois plus tard, l’ambitieux projet du président de la République, qui avait connu un lancement en fanfare et une adhésion populaire rarement vue auparavant, semble remisé au rayon des slogans éculés.
Dakar, la capitale, et les 13 autres régions du pays sont toujours insalubres. Les services techniques compétents n’avaient pas mis l’accent sur le marketing social pour un changement de comportement. Pour beaucoup, il fallait d’abord, préalablement à toute action d’envergure, sensibiliser les populations sur les risques liés à l’insalubrité, mettre le focus sur le bénéfice ou l’efficacité de la propreté sur la santé. Organiser des causeries dans les quartiers et villages, faire des émissions radiophoniques et télévisées sur le thème. L’éveil des consciences pouvait alors être le déclic ou même l’émulation. Si chacun des Sénégalais éprouvait le sentiment de faire du bien en nettoyant la devanture de sa maison et en s’abstenant de salir la rue, on atteindrait à moitié le résultat attendu. Cette attitude positive allait empêcher les citoyens de jeter des ordures dans les rues notamment des pots en plastique de café Touba, des sachets d’eau, coques d’arachide, peaux de banane… Voir uriner dans la rue ou faire ses besoins en plein air…
Pourquoi le Covid-19 ne peut être prétexte
Oumar Ba, Directeur du Cadre de vie et de l’Hygiène publique, contacté par Le Témoin, rappelle qu’au moins deux éditions de « cleaning day » ont été organisées. « On a fait la première édition à Dakar en janvier et une deuxième à Kaolack au mois de février. C’est au moment de faire la 3ème à Thiès qu’il y a eu le Covid-19 et les interdictions de rassemblements », se défend le directeur du Cadre de vie et de l’Hygiène publique. Pourtant, le Covid-19 ne devrait pas constituer un blocage aux « cleanings day ». Dans beaucoup d’autres pays, pour ce qui est de la propreté en tout cas, la procédure n’a pas été modifiée. Les gestes habituels de salubrité ont été maintenus. Des séances de nettoyage des rues et des systèmes de désinfection ont été organisées périodiquement par les autorités de ces pays. Aux agents de nettoiement, il est seulement demandé d’appliquer les gestes barrières. À en croire le directeur du Cadre de vie et l’Hygiène publique, Omar Ba, la pandémie du Covid-19 a pas empêché aux autorités de continuer leurs actions pour la salubrité du pays. Il s’explique en ces termes : « Le Covid-19 a arrêté peut-être les Cleaning days dans leur action populaire mais n’a pas arrêté nos opérations de désencombrement et de maintien du cadre de vie et de l’hygiène publique. Pendant la Covid-19, on a fait fermer des dizaines de marchés hebdomadaires et nous avions également pris la décision de fermer les marchés pendant les dimanches pour nettoyer et désinfecter.
Omar Ba, Directeur du Cadre de vie et de l’Hygiène publique : « Le Cleaning day n’est pas tombé à l’eau, nous avons juste changé de méthode »
Poursuivant, M. Ba confie que d’énormes actions ont été menées depuis le lancement du projet « Cleaning day Challenge ». « Nous avons lancé Urgence Dakar avec UCG qui a pour but de nettoyer, désensabler et revégétaliser certaines zones. Nous avons aussi organisé des opérations de reconquête notamment au niveau du Canal 4, des deux voies de Liberté. Vers Maristes, si vous regardez bien à partir de l’autoroute, vous verrez qu’il y a un site occupé illégalement par des mécaniciens qui vient d’être démantelé la semaine dernière. Nous avons fait aussi de grandes opérations de désencombrement aux alentours du garage des Baux Maraichers. À Guédiawaye aussi, nous avons fait beaucoup d’actions là-bas. Ce qu’on a fait depuis le début n’est pas éloigné des politiques publiques. Nous avons maintenu les Cleaning day avec un travail beaucoup plus souterrain », plaide Omar Ba qui souligne qu’une journée de nettoyage où le président de la République a pris part ne peut être comparable à une journée où il n’a pas participé. Parce que simplement, selon lui, quand le Président sort et prend part à ce genre d’actions, toutes les caméras sont braquées sur lui et tout le monde en parle. Il oublie de préciser que les activistes et opportunistes en profitent pour essayer de se faire voir…
Relance en février 2021
Conscient que les deux premières éditions du « Cleaning day » organisées à Dakar et Kaolack en janvier et février dernier ont été une réussite car elles ont connu l’adhésion de beaucoup de citoyens, les autorités publiques semblent vouloir relancer cette initiative si on en croit le directeur du Cadre de vie et de l’Hygiène publique. « Nous sommes en train de préparer la relance probablement au mois de février 2021. Il y a un travail qui est en train d’être élaboré et le bras armé sera l’UCG. Ce travail va être fait pendant deux mois. Nos équipes vont descendre sur le terrain et travailler en profondeur avec les autorités locales si bien que le jour du Set Setal — autrement appelé « cleaning day » pour faire plus branché — les autorités publiques reviendront pour procéder à des inaugurations et autres réceptions d’espaces déjà embellis entre autres », révèle le directeur du Cadre de vie et de l’Hygiène publique qui souligne que cette action qui sera dénommée « Bessup Setal » sera plus un « Werup Setal » qu’un « Bessup Setal ». Car, à l’en croire, ça se fera sur un à deux mois. En tous les cas, le « Cleaning Day », visant à nettoyer la capitale Dakar et les régions, était une initiative pertinente. Malheureusement, elle a été un feu de paille comme beaucoup d’autres choses entreprises dans ce pays. Ce qui est regrettable…