LA CRISE POLITICO-SOCIALE PLONGE LA FEMME SENEGALAISE DANS UN DEUIL INTERMINABLE
Le psychologue Serigne Mor Mbaye : «la problématique, c’est l’obésité d’une demande sociale qu’un pouvoir parasitaire ne peut satisfaire »
Au Sénégal, on n’oubliera jamais cette édition 2021 de la journée internationale des droits des femmes. Une journée horrible marquée par une crise politico-sociale avec une montée inouïe de la violence où on déplore une dizaine de morts dont quatre notés dans la journée d’hier. Ce qui plonge le pays, et particulièrement la femme sénégalaise, dans un deuil interminable causé par ce que le psychologue Serigne Mor Mbaye appelle « l’obésité d’une demande sociale qu’un pouvoir parasitaire ne peut satisfaire ».
Cette année, les activités de la journée internationale de la femme se sont déroulées dans le reste du monde sur le thème du « « Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». Au Sénégal, on l’a « commémorée » sous le signe de la tristesse, du doute et de l’inquiétude. Une semaine durant, on a vu des jeunes manifester pour la libération du plus grand opposant du régime qui était en place en garde-à-vue pour trouble à l’ordre public, entre autres chefs d’accusation. Des jeunes « armées » ont affronté des hommes de tenue. Des heurts soldés par des arrestations, des blessés et des morts. Des jeunes tués ou torturés. On déplore aujourd’hui la perte en vie humaine de plus de 10 manifestants, et des dégâts collatéraux du côté des forces de l’ordre qui ont vu un des leurs perdre son bras sous l’explosion d’un gaz lacrymogène. Les dernières heures de ces affrontements ont, en tout cas, montré des images qui interpellent la famille notamment la femme face à de jeunes gens en furie qui pillaient des magasins. Des enfants livrés à eux-mêmes, confrontés à une violence inouïe. Aujourd’hui, l’inquiétude est grande chez les gardiennes du temple devant préserver les familles quand le monde s’effondre. Le socle familial ne semble plus résister. Les femmes jouent-elles pleinement leur rôle d’éducation et redressement des enfants ? A quel niveau la responsabilité des femmes a failli ?
La grande faute des parents
Face à ces questions, le psychologue Serigne Mor Mbaye « décharge » les parents qui, dit-il, ne peuvent plus maitriser les enfants et endosse la responsabilité sur l’Etat. « Il ne faut pas situer la responsabilité parentale. Les familles sont complètement dévastées par la crise. La plupart sont dans le secteur informel. Les parents ne peuvent plus maitriser les enfants. Il y a un désastre économique dans le pays où les jeunes ne sont plus séduits par la politique de Macky Sall. Il ne faut pas oublier que des centaines de jeunes ont péri en mer. Ce sont aujourd’hui ces mêmes jeunes qui sont dans la rue. Sonko n’est qu’un prétexte. La problématique, c’est l’obésité d’une demande sociale qu’un pouvoir parasitaire ne peut satisfaire.
L’institution judiciaire a été quelque peu aussi dévoyée par Macky. C’est une justice à double vitesse où la population reste misérable, au même moment, il y a un pillage en face. Une conscience aiguë de leur avenir. Ils veulent en découdre avec un pouvoir qui les a déçus. Il ne faut pas dire les jeunes. C’est le peuple. Un peuple de jeunes. Et un pouvoir intelligent et patriotique devrait savoir que les investissements devraient aller vers le peuple. « C’est l’emploi des jeunes. Les dernières ressources naturelles, le pétrole et le gaz, identifiées dans le pays, ont été complètement détournées. C’est des contrats léonins, et que les jeunes le savent à travers les réseaux sociaux où ils sont informés. Ils sont au courant de tout à l’insu des parents », a expliqué le psychologue qui pense que le chef de l’Etat est déconnecté de la réalité du terrain. « Les sénégalais ont compris qu’il y a une dimension de complot dans cette affaire. On ne dit pas que l’autre est tout blanc. On a l’impression qu’il n’était pas au courant. Quand tu es entouré d’une faune interlope, tout peut arriver. Son mentor dormait au palais jusqu’à ce qu’il se réveillait pour parler de jeunesse malsaine. Je pense que Macky est déconnecté de la réalité. C’est arrivé à son mentor Abdou Diouf à l’époque ». Sur ce, il dénonce le discours tenu par le ministre de l’Intérieur à l’endroit des manifestants. « Dans leurs discours, ils parlent de terroristes. Ils sont en train de donner des idéaux au peuple. S’il y en a, c’est leur échec. Ce discours de crétin, c’est la bêtise. Le Sénégal est un pays à risque du terrorisme et du ‘’djihadisme’’ parce que c’est un pays pauvre. C’est ce qui se passe au Mali. Des populations jeunes délaissées par l’Etat or ils ont des désirs de réalisation de projets. Ce ne sont pas des grabataires qui attendent tranquillement la retraite ».
Le psychologue–clinicien se scandalise ainsi d’un tel discours. En outre, M. Mbaye qualifie de « désastre » la situation des femmes plongées dans un deuil interminable pour avoir vu leurs enfants tués lors des manifestations. Selon le psychologue, les femmes sont dévastées et feront face à un deuil qui ne finira presque jamais. « Aucune femme n’aimerait voir son enfant tué de manière si atroce. Elles seront dans un deuil interminable. Ton enfant sort, et il est fauché par une machine ». « C’est un désastre », a-til insisté ajoutant que « ces personnes devraient être indemnisées ».