LE RECOURS INQUIÉTANT AUX FAUX TESTS PCR
Malgré la vigilance des autorités, des passagers munis de faux tests négatifs continuent d’entrer et sortir du territoire sénégalais. De quoi interroger le coût souvent prohibitif des examens réalisés en laboratoire, et de leur accessibilité
En temps de pandémie, il s’est converti en sésame du voyageur. Le test négatif PCR est devenu le graal qui permet de prendre l’avion – à condition d’avoir les résultats à temps. Quoique : avec un peu de dextérité et un bon logiciel, certains parviennent à éviter le passage du coton-tige et à embarquer malgré tout.
« J’avais fait mon test à Paris. Il m’a coûté 70 euros, mais je n’ai jamais pu récupérer mes résultats. Alors j’ai pris le test d’une autre personne provenant du même laboratoire, et j’ai changé le nom, la date, et la référence du dossier. » Pour pénétrer sur le territoire sénégalais depuis la France, en septembre dernier, Anna (le prénom a été modifié) n’a pas eu besoin de grand-chose : un ancien test gracieusement prêté par une amie, et un ordinateur.
La « méthode Photoshop »
« Les autorités ont vérifié avec beaucoup de précaution à l’aéroport, mais je suis une pro de Photoshop ! » glisse-t-elle. Cet épisode remonte à septembre dernier. Depuis, d’autres petits malins n’ont pas eu sa chance. Un autre voyageur contacté par Jeune Afrique raconte comme il s’est fait prendre avec un faux test à l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Dakar, en janvier dernier. Il s’apprêtait alors à rentrer à Accra, au Ghana, où il réside. Deux jours avant son vol, il réalise qu’il doit présenter un test datant de moins de 48 heures pour pouvoir embarquer. Le timing est trop serré.
Mais la « méthode Photoshop » n’aura pas fonctionné pour ce faussaire amateur. « J’avais appelé des amis dakarois à gauche à droite. Ils m’avaient assuré qu’il n’y avait pas de lecteur de QR code à l’aéroport [machine décryptant les codes-barres, sur papier ou smartphone]… Cela m’aura coûté un Dakar-Accra. » Le voyageur reconnaît son erreur de bon cœur (« j’ai joué… j’ai perdu »), mais en profite toutefois pour rappeler le coût relativement élevé des tests.
Trafiquants
En plus d’être onéreux, le test anti-Covid peut être demandé plusieurs fois à l’aller, puis au retour, par les compagnies aériennes. Pour un Accra-Dakar, le voyageur devra donc s’acquitter du test à l’aéroport d’Accra en partant et en arrivant (800 cédis ghanéens environ, soit 130 dollars), en plus d’un test effectué à Dakar avant le retour (40 000 F CFA, soit 74 dollars).
« Pourquoi nous demander un test avant d’embarquer et après le vol ? C’est juste un moyen de faire tourner le business », dénonce ce voyageur. Selon lui, cinq autres personnes qui s’apprêtaient à prendre le vol Dakar-Accra sans test PCR, ou avec un faux, ont comme lui dû racheter un billet. Une chose est sûre : des passagers munis de tests photoshopés continuent d’entrer et de sortir du territoire, malgré la vigilance des autorités. Certains retouchent eux-mêmes leur document, d’autres ont recours à des professionnels.
En novembre dernier, la police française démantelait un trafic de faux certificats de tests négatifs, illégalement vendus à des voyageurs à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Sept personnes avaient été interpellées à cette occasion. Les membres de ce réseau établissaient de faux certificats en reprenant le nom d’un laboratoire existant et les transmettaient aux acheteurs en format papier ou numérique, pour des sommes allant de 150 à 300 euros selon l’Agence France-presse.
Maîtriser les cas importés
Des solutions existent pourtant pour sécuriser les résultats : utiliser des QR codes, émarger à l’encre des laboratoires – et non pas imprimer – sur les résultats imprimés par exemple. Interrogé à ce sujet le 22 janvier sur la Radiotélévision sénégalaise, le ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr se voulait rassurant : « Ces faux tests sont très vite détectés par les services de sécurité et de santé de l’aéroport. C’est ce qui nous a permis de maîtriser les cas importés. »
Solution de dernier recours lorsqu’il est trop tard pour faire le test, ou manière de contourner une interdiction lorsque l’on veut à tout prix voyager, les raisons ne manquent pas pour se procurer un faux test négatif. Mais le coût du test en laboratoire, souvent prohibitif pour la majorité population, ne l’est pas pour les voyageurs, qui ont les moyens de se faire tester.
À Dakar, le docteur Issa Malam Kanta, responsable médical de l’ONG Alliance pour l’action médicale internationale (Alima), milite pour la gratuité des tests. « Il en existe déjà au Sénégal par exemple, lorsqu’une personne a des symptômes correspondant au Covid-19. Mais les délais d’obtention des résultats sont très longs car la priorité est donnée aux tests des voyageurs, explique-t-il. En plus, les pays n’arrivant pas à avoir suffisamment de tests PCR ont tendance à privilégier les voyageurs qui, eux, les paient. »