SOCIALISER EN TEMPS DE COVID
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Ce matin j’ai eu droit au bisou Covid de Mamita : "mets-toi au balcon, je suis en bas "! Eh oui, on trouve les moyens de se voir sans risque. J'en ai profité pour deviner comment mes voisins vivaient ce confinement
JOUR 5
#SilenceDuTemps - Aujourd'hui, je prends encore plus la mesure du temps qui passe vite et mes souvenirs d'il y a 45 ans sont encore intacts. Adeye première fille, petite fille, nièce...si attendue nous arrive d’Abyssinie, ce pays tourmenté par les bruits de bottes de la junte venue écraser ce si petit, mais tellement roi des rois. Ah ! notre petite fleur Adeye Ababa de son nom de là-bas. Elle a illuminé nos quotidiens et aujourd'hui en bonne aînée, gère avec intelligence la fratrie.
Ce matin j’ai eu droit au bisou Covid de Mamita : "mets-toi à ton balcon, je suis en bas "! Eh oui, on trouve les moyens de se voir sans risque et on y prend du plaisir. de mon balcon, j'en ai profité pour deviner comment mes voisins vivaient ce confinement. En fait, la plupart sont dans leurs bureaux le jour, travaillent derrière des rideaux bien opaques et donc le soir, personne. Les rares autres voisins ma foi, je ne le vois jamais en temps normal ou si peu alors maintenant... Par contre, ma voisine de palier que je croise régulièrement et avec qui je papote sur le palier, chez elle ou chez moi, et bien en ce moment par ce que nous avons un problème de syndic, elle m'a envoyé en début de semaine son numéro de téléphone et dorénavant on s'appelle pour échanger à propos de notre dossier en commun. Ah lala ce Covid-là se cache vraiment dans le détail !
Dans le registre des voisins, mon amie Katiaka par contre à des voisins si particuliers que n'ayant cure des directives présidentielles ont fêté un anniversaire en grand nombre et à grand bruit. Je vois d'ici comment Katiaka les a menacés d'appeler les flics... À chacun ses voisins !
En mangeant à midi avec plaisir, mais avec précaution ce « khôgn' » (riz grillé au fond de la marmite) accompagnant cet excellent tiep de samedi, j’ai eu une pensée lointaine pour les Dr Marie et consorts. Pas le moment de provoquer quelques bobos que ce soit.
Dans 5 mn c'est jour 6. Ouf ! aujourd'hui la page a été plus difficile à remplir, et d'avoir une pensée pour tous ceux dont c'est le job de produire de la « littérature » au quotidien, rien d'évident quand même...
JOUR 6
Serait-ce un dimanche identique à ceux d'avant confinement ? Non bien entendu. Les rythmes socialisants qui m'arrivent dans mon retranchement ressemblent plutôt à un dimanche à la Somone.
Même les mendiants du coin de la rue semblent respecter la distance sécuritaire de 1/1.50 m préconisée et ils sont deux fois moins nombreux..., la clientèle est rare ! Les voisins côté soleil levant, eux non plus je ne les vois pas sinon quelques domestiques et pour cause leur vis-à-vis sont des buanderies des fois transformées en chambre de bonne. Mais entre deux façades sur cour, l'océan d'où je vois de superbes reflets de levée de soleil bien rares en ces moments poussiéreux. Et la nuit les bateaux garés sûrement, ceux qui ne peuvent ou ne veulent payer les frais d'accostage au port.
J’ai reçu ce matin par mail des nouvelles d'un collègue de Rabat. Un beau texte qu'il a appelé "lettre à un ami" ! J'aime comme il clôt le débat sur la chloroquine utilisée avec succès au Maroc sans tambour ni trompette : "avons-nous le temps et les moyens dit- il d'hésiter ?"
Sa lettre me réconforte quant à la situation là-bas ressemblant à la nôtre et celle de tant d'autres et surtout sur les enseignements à tirer de ce Covid-19. Je lis des mots comme reconfiguration, nouveaux enjeux, leçons à retenir, nouveau pacte de solidarité..., et plein d'espoir : "le meilleur reste à venir, dit-il ".
Quel trait d'union ce Covid-là !
JOUR 7
8 longs jours, et ce que tout le monde craignait arrive aujourd’hui. Deux cas sévères, annonce le ministère de la Santé. Tout le monde cherche à comprendre, élude par-ci par-là des thèses sur la base des innombrables informations glanées çà et là, presse en continu, réseaux sociaux qui s’affolent … Allez savoir ?
Pourquoi ici devrions-nous être épargnés en fait, était-ce à prévoir ?
Une chose me paraît évidente, nous n’avons encore rien vu et ce n’est pas pour me faire peur. Mais si l’Inde arrive au confinement, pourquoi pas nous ? Alors, nous nous préparons comme nous pouvons.
Personnel confiné chez lui à 80% et donc ménage sans aucun plaisir et cuisine avec grand plaisir ! J’ai fait pour la première fois du pain et, grand luxe, au sarrasin ! Cheikh, surtout ne me demande pas où j’ai trouvé de la farine de sarrasin. Il sort du four et je vous donnerai des nouvelles demain matin. J’ai adapté comme d’habitude quand je cuisine à ce que je trouve autour de moi. J’essaie de faire des plats inhabituels simples, bio. Et la préparation, quelle horreur. C’est long, long …
Respect aux domestiques !
Tiens, avec Geneviève mon amie confinée chez elle à Marseille, nous échangeons nos journées de confinées, nos recettes, et astuces. Celle de tremper les patates douces avant cuisson est efficace, je l’ai testé tout à l’heure.
Hier lors de la ballade du dimanche sur la corniche Est, je suis passée au niveau de la Présidence. La vue y est particulièrement belle puisque l’on peut voir la baie dans sa presque totalité, allant au nord « pong’bu bess » l’impossible pont voulant relier Dakar à Gorée, où l’esprit de Coumba Castel (génie tutélaire de Gorée) flotte toujours et de l’autre côté au sud la baie de l’anse Bernard.
Superbe vue avec Gorée au large, mais à quel coût ? Les arbres qui retenaient la falaise malmenée et derrière lesquels il nous fallait imaginer ce paysage, ont disparu il y a quelques jours. Nous aurons une digue … en prime !
Là je serai tentée de mettre une photo comme suggéré par l’un des Charles et l’autre Charles m’a dit :« surtout pas, laisse-nous imaginer » … ! »
Dans le cadre du projet d’écriture #SilenceDuTemps, retrouvez tous les dimanches sur SenePlus, le « Journal d’une confinée » d’Annie Jouga.
Annie Jouga est architecte, élue à l’île de Gorée et à la ville de Dakar, administrateur et enseignante au collège universitaire d’architecture de Dakar. Annie Jouga a créé en 2008 avec deux collègues architectes, le collège universitaire d’Architecture de Dakar dont elle est administratrice.
Épisode 1 : AINSI COMMENÇAIENT LES PREMIERS JOURS CORONÉS
Épisode 2 : AVEC LA BÉNÉDICTION DE FRANÇOIS, LE PAPE LE PLUS AVANT-GARDISTE