DESTIN DE FEMME
Elève en classe de terminale, K Konté a été condamnée hier vendredi, à 5 ans de travaux forcés, par la Cour d'assises de Ziguinchor pour infanticide, et ses parents à 6 mois pour infraction à la loi sur les inhumations. K Konté et ses parents étaient en détention provisoire depuis le 1er avril 2011. Si rien n'est dit sur l'origine sociale de cette famille qui a basculé dans l'horreur, il est aisé de deviner que là-bas à Kolda, dans la capitale de cette région éponyme, ils vivaient dans des conditions modestes, comme en atteste la précarité de leur habitation.
On peut deviner que les parents, en plus de ne pas être fortunés, n'avaient pas été à l'école. Cette école qu'il faut d'ailleurs interroger. Comment se fait-il qu'une fille de la classe de terminale, censée avoir suivi des cours de morale, d'éducation civique, ne puisse pas s'en servir pour son hygiène de vie personnelle, c'est-à-dire être en capacité de se livrer à des pratiques au fait des connaissances disponibles ?
En l'occurrence, qu'il est possible d'avoir des rapports sexuelles en exigeant de son partenaire l'utilisation de préservatifs ou en se protégeant soi même par des moyens contraceptifs. Ou, diront les âmes prudes, en s'abstenant. A l'évidence ce n'était pas le cas.
Mais le plus choquant dans ce drame est qu'on ne parle pas de l'homme qui est à l'origine du forfait. Nulle trace, nul soupçon de son existence. Il est une présence absente. Il n'existe décidément pas puisque nullement interpellé. Enfermé dans une irresponsabilité et une impunité totales, il peut continuer de plastronner et de sévir en véritable prédateur.
Souvent les hommes refusent leur paternité, confortés par le silence de la loi qui ne cherche pas à les confondre. Les filles se retrouvant esseulées, livrées à elles mêmes face à une telle lâcheté, sans armes pour affronter leurs familles et le voisinage, empêtrées dans moult tentatives de cacher un ventre qui enfle, leur opposant son secret et qu'elles s'ingénient à comprimer plus que jamais. Elles essaient de camoufler l'incamouflable puisqu'au bout du processus, le fruit qui mûrit en elles finit par tomber. Et là souvent, dans un déchirement et une détresse inouïs qui se prolongent dans des gestes terrifiants : Une innocence qu'on étouffe, qu'on jette dans un puits, dans une fosse septique, qu'on enterre vivant.
Encore une fois, ces jeunes filles scolarisées que l'on renvoie de l'école parce qu'elles sont enceintes, que l'on condamne parce qu'elles se sont livrées à des actes innommables pose quelque part le drame de l'ignorance, de la rencontre trahie et de l'irresponsabilité.
K Konté, élève de terminale, a été condamnée à 5 ans de travaux forcées. De sa prison, dans la solitude d'un tête à tête avec son forfait et sa vie brisée, elle ne pourra pas poursuivre ses études. Aveugle, la loi s'est abattue dans toute sa rigueur sur K Konté. Elle a raison puisque c'est ce côté général et impersonnel qui lui donne la possibilité d'être juste et équitable, mais encore faudrait-il qu'elle puisse interpeller toutes les responsabilités, en interrogeant au moins le co-auteur de cette œuvre funeste.
D’où l’intérêt des enquêtes préliminaires et de moralité car, comme le soulignait en 2009, feu le magistrat Bara Niang, ancien président de la Première Chambre à la Cour d’Appel de Dakar, à la clôture de la deuxième session des Cours d’assises de Dakar, «on ne peut pas juger quelqu’un qu’on ne connait pas».
La justice gagnerait assurément à s'humaniser, sutout dans les cas qui relèvent des drames intimes, à l'image de ce triste destin de femme.