LA SCIENCE NE DOIT PAS ÊTRE L'APANAGE DES SEULS GARÇONS
Dès le début de la propagation de la pandémie de Covid-19, Shine to Lead a apporté son soutien aux lauréates de la cohorte de ses recrues 2019/2020 en leur faisant notamment bénéficier de cours en ligne en mathématiques.

Au plus fort de la crise du coronavirus, marquée par l’état d’urgence et la suspension des cours, le décrochage scolaire a été noté chez des apprenants, en l’occurrence chez les filles des milieux défavorisés. C’est dans ce contexte que l’association SHINE TO LEAD Jiggen Jang/ Tekki a profité pour déployer un programme de renforcement de capacité en ligne de plus d’une centaine de jeunes lycéennes dans les matières scientifique de août à septembre 2020. Un programme qui a eu un franc succès, suscité un grand engouement et beaucoup intéressé les participantes. Dans cet entretien avec AfricaGlobe.net, la chargée de communication de l’association explique l’objectif de ce programme, son déploiement, les résultats obtenus les perspectives d’une telle initiative.
Clara, Fanahimanana, Shine to Lead a organisé un programme de cours de vacances et de développement du Leadership 100% digital en faveur des jeunes filles scolarisées issues de milieux défavorisés. Pouvez-vous revenir sur le contexte social de cette initiative ?
La fermeture des établissements scolaires a en effet causé un ralentissement de l’économie, affectant lourdement les ménages modestes. De nombreuses jeunes filles se sont retrouvées en décrochage scolaire à cause des difficultés pour certains établissements de pouvoir assurer la continuité pédagogique, d’un accès à la technologie très limité ou encore d’une sollicitation dans les tâches ménagères plus fréquente qu’en temps normal. Dans ce contexte difficile, les lauréates de l’association Shine to Lead ont pu bénéficier de cours en ligne dans les matières essentielles. Les retours très positifs de nos lauréates bénéficiant de cet accompagnement nous ont motivés à porter nos actions au niveau national en déployant un programme à plus grande échelle, sur toute l’étendue du Sénégal. Ce programme avait pour objectif majeur de permettre aux jeunes filles à potentiel de combler les lacunes liées aux longs mois de fermetures des établissements scolaire et de réduire au maximum le décrochage scolaire à la rentrée 2020-2021.
Quels ont été les critères de sélection puisque vous aviez reçu environ 1500 candidatures et n’aviez retenu qu’une centaine de filles seulement ?
Ce programme était destiné aux jeunes filles scolarisées en classe de Seconde et Première de série Scientifique à travers tout le Sénégal. Cette attention particulière pour la série scientifique est un choix délibéré d’encourager les filles à embrasser des carrières scientifiques pour combler le gap par rapport aux garçons.
En clair, un appel à candidature a été lancé en ligne au début du mois de juillet via des publications sponsorisées sur les médias sociaux de Shine to Lead, avec un ciblage appuyé vers les régions à faible taux de connectivité. Les jeunes filles étaient invitées à répondre à un certain nombre de questions, via un formulaire en ligne : ville, moyenne générale, matières dans lesquelles elles souhaitaient le plus combler des lacunes, leur motivation pour intégrer le programme, etc. Nous nous sommes basées sur leurs réponses pour effectuer les sélections.
Nous en avons retenu 127 au total pour nous assurer que le programme serait de qualité et qu’il se déroulerait dans les conditions optimales. Il a constitué une forme de test et nous savons désormais que nous pouvons le déployer à bien plus grande échelle, avec le soutien de davantage de partenaires.
Quels étaient les objectifs du programme ? Ont-ils été atteints ?
L’un des objectifs majeurs du programme était de permettre aux filles de combler leurs lacunes, voire d’anticiper sur les prochains programmes, en participant à des cours intensifs en ligne dans les matières essentielles : Maths, PC, SVT, Français et Anglais. Les participantes ont été réparties en 4 classes (2 classes de Seconde et de classe de Première S) et ont bénéficié chacune de 35 heures de cours.
Cet objectif est atteint car plus 85% des participantes ont déclaré avoir rattrapé leur retard, dans la fiche d’évaluation finale. Le second objectif était de contribuer à développer leur leadership. Les filles ont beaucoup apprécié les talks inspirants que nous avons organisé chaque semaine. Je peux citer pour exemple celui organisé avec la scénariste et réalisatrice Kalista Sy sur le thème de la confiance en soi ou encore celui organisé avec la journaliste Rokhaya Diallo. Elles ont aussi pu participer à un concours de poésie et à un concours de dessin.
Enfin, lors de la session de clôture du premier volet du programme, nous avons tous été particulièrement émus, à travers les différents témoignages, de ressentir le lien très fort et l’esprit de solidarité qui s’est créé entre les participantes issues de 14 régions du Sénégal et qui ne se connaissent finalement que virtuellement.
On peut donc dire que les résultats ont dépassé vos attentes. C’est bien cela ? Quid du suivi ?
Le programme a dépassé nos attentes, avec une moyenne de 4,5/5 de satisfaction du programme par les participantes. Nous allons reprendre le programme pour les mêmes bénéficiaires à partir du 12 octobre et afin de répondre favorablement à la demande des filles de pouvoir achever leurs programmes avant la rentrée 2020/2021 prévue en novembre. Par ailleurs, les participantes les plus méritantes et assidues seront intégrées à la cohorte 2020/2021 de notre programme de Bourse d’excellence Shine to Lead / Jiggen Jang Tekki.
Manifestement c’est la première initiative du genre pour l’association «Shine to lead». Quelle évaluation en faites-vous ?
Depuis 2018, nous sélectionnons chaque année des jeunes filles de banlieue dakaroise ayant des contraintes financières, d’excellents résultats scolaires et un potentiel en leadership. Nous mobilisons des fonds pour financer leurs études et des frais annexes tels que les frais de transport et de subsistance. Elles bénéficient également d’un accompagnement personnalisé à travers un programme de mentorat.
Dès le début de la propagation de la pandémie de Covid-19, nous avons apporté notre soutien aux lauréates de notre cohorte 2019/2020 en leur faisant notamment bénéficier de cours en ligne en mathématiques. Ce qui est nouveau avec le programme déroulé du 10 août au 11 septembre, c’est que nous avons pu impacter davantage de filles, issues des 14 régions du Sénégal.
Puisque l’initiative est venue en pleine crise sanitaire du Covid-19, quel sera l’avenir de cette initiative après la crise du Covid-19, dans 1, 2, 3 ans ? Va-t-elle se poursuivre ?
Nous avons pour ambition de poursuivre ce programme sous une autre forme durant l’année scolaire, en impactant un nombre encore plus important de jeunes filles brillantes et méritantes sur tout le territoire du Sénégal.
Quels sont les difficultés que vous avez rencontrées pendant la conduite de ce programme?
Ce programme n’aurait pu être possible sans le soutien de personnes de bonne volonté, nos partenaires, la mobilisation de toute l’équipe de Shine to Lead, les professeurs ayant délivré les cours ainsi que toutes les personnes inspirantes ayant participé chaque samedi à nos talks diffusés sur en direct sur notre page Facebook. Au début du programme, il a fallu que les participantes comme les professeurs se familiarisent avec la plateforme Zoom sur laquelle les cours se sont déroulés. Les professeurs ont dû également reprendre des chapitres des programmes déjà vu durant l’année scolaire, afin d’homogénéiser le niveau des classes et adapter le contenu de leurs cours.
D’autres projets à venir pour « Shine to lead » ?
Nous avons pour ambition de déployer notre programme de bourse et de mentorat dans davantage de villes du Sénégal. L’expérience tirée de ce programme nous conduira naturellement à le poursuivre sous une autre forme durant l’année scolaire, comme évoqué.
Un mot sur Shine to Lead Jiggen Jang / Tekki
Nous défendons une cause noble essentielle : celui de l’accès dans des conditions favorables à l’éducation pour les jeunes filles au Sénégal. Ces propos de Nayé Anna Bathily, la fondatrice de cette initiative résument bien ce qui nous anime au quotidien : “ Toutes les populations ne sont pas pareillement exposées au risque de déscolarisation. Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables face aux crises, en particulier lorsqu’elles elles viennent de milieux défavorisés. (…) Cette crise est une occasion de remettre en question notre système scolaire et de le rendre plus juste, inclusif et performant.”
Propos recueillis par Rachad Moussa – (AfricaGlobe Dakar)