DERRIÈRE LE SACRE DE MBOUGAR, LE DESTIN TRAGIQUE DE OUOLOGUEM
Dans son livre, l’auteur de 31 ans creuse dans les souvenirs et l’histoire mystérieuse d’un auteur disparu des radars. Ce récit, mêlant fiction et vérité, ne vient pas de nulle part, il est inspiré du destin tragique de l’écrivain malien Yambo Ouologuem
C’est une victoire pleine de sens. Ce mercredi 3 novembre, le prix Goncourt 2021 a été remis à l’auteur sénégalais Mohamed Mbougar Sarr pour son quatrième et dernier roman La plus secrète mémoire des hommes, paru aux éditions Philippe Rey au mois d’août dernier.
Son histoire est celle d’un certain Diégane Latyr Faye, un jeune écrivain sénégalais installé à Paris qui, bouleversé par la découverte d’un livre paru en 1938, décide d’enquêter sur le récit qui se cache derrière ce roman. Une quête qui va l’emmener sur les traces de son auteur, T.C. Elimane, au Sénégal, en Argentine, à Amsterdam et à Paris.
Mémoire de la colonisation, de la Première Guerre mondiale, de la Shoah... Dans son livre, l’auteur de 31 ans creuse dans les souvenirs et l’histoire mystérieuse d’un auteur disparu des radars. Ce récit, mêlant fiction et vérité, ne vient pas de nulle part, il est inspiré du destin tragique de l’écrivain malien Yambo Ouologuem.
Décédé en 2017 à l’âge de 77 ans, il est le vainqueur du prix Renaudot en 1968 pour son premier roman Le Devoir de violence. C’est la première fois dans l’histoire de la prestigieuse récompense qu’un homme originaire du continent africain reçoit cette distinction. Mais voilà, le jeune écrivain qu’il est n’a pas longtemps savouré sa victoire.
Et pour cause, de nombreuses voix s’élèvent presque aussitôt pour dénoncer ses écrits, estimant que le texte de Yambo Ouologuem, une saga fictionnelle sur huit siècles sur des seigneurs féodaux africains du nom des Saïfs, insinue que des chefs locaux ont contribué au colonialisme en Afrique. On lui reproche d’être un traître, surtout au regard du contexte international des années 1960, période des indépendances.
L’affaire du “plagiat”
La colère à son égard ne désemplit pas. Pis, elle est accompagnée d’une polémique parallèle. Au même moment, des auteurs reconnaissent dans les lignes de Yambo Ouologuem leurs propres textes. Certains, comme André Schwartz-Bart, sont flattés. D’autres portent plainte, à l’instar de l’auteur anglais Graham Greene.
Yambo Ouologuem ne s’est jamais caché de ces emprunts. Ils s’inscrivent dans sa pratique littéraire. Cependant, comme se remémore la Radio télévision Suisse, “il n’est pas encore question d’intertextualité [terme désignant l’ensemble de textes mis en relation dans un seul et unique texte, NDLR] à l’époque et les emprunts nombreux et avérés à Maupassant, Flaubert, la Bible ou le Coran font scandale”.