LA FRANCE RISQUE DE "MANQUER LE BATEAU" DE LA CROISSANCE AFRICAINE

PARIS, 04 déc 2013 (AFP) - La France, qui perd des parts de marché en Afrique, pourrait "manquer le bateau" de la croissance de ce continent où affluent les investissements d'entreprises de Chine, d'Inde ou du Brésil, a averti mercredi le Nigeria, deuxième marché du continent.
"Nos partenaires traditionnels comme la France (....) pourraient avoir à travailler un peu plus dur pour nous convaincre de travailler avec eux dans les investissements menés sur le continent", a souligné lors d'un forum franco-africain à Paris la ministre des Finances du Nigeria, Ngozi Okonjo-Iweala.
"Ceux qui ne sont pas encore sur le terrain doivent commencer maintenant. Parce que, croyez-moi, si vous manquez le bateau, si vous n'êtes pas en Afrique maintenant, vous allez rater l'occasion de toute une vie", a-t-elle ajouté, sous les applaudissements de quelque 560 entrepreneurs africains et français.
L'ancienne haute responsable de la Banque mondiale a souligné qu'il était "temps pour le secteur privé français de venir". "L'Afrique est éveillée et nous devons nous réveiller", a admis la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq.
"Notre part de marché diminue nettement dans les pays d'Afrique francophone, où elle a été divisée par deux en 20 ans, passant de 31% à 13% en Côte d'Ivoire ou encore de 36% à 14% au Cameroun par exemple", a-t-elle déploré. "Et, en parallèle, nos parts de marché dans les pays africains anglophones peinent à décoller". Au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, cette part n'est que de 3,6%, a-t-elle noté.
Ce chiffre est de 8,2% pour les Etats-Unis, 4,3% pour le Royaume Uni et 18,5% pour la Chine, selon le Direction générale du Trésor.
Reconnaissant la perte de parts de marchés de la France, le président François Hollande a annoncé comme objectif de doubler les échanges avec l'Afrique, "dans les deux sens, exportations et importations", en clôturant ce forum organisé par le Medef et Bercy à l'avant-veille de l'ouverture à Paris du Sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, qui réunira près de 40 dirigeants du continent.
Evoquant un rapport de l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine publié à cette occasion, le président Hollande a souligné que "ses conclusions sont claires: si nous ne regardons que l'intérêt de la France, nous pouvons évaluer à 200.000, le nombre d'emplois en France qui pourraient être créés en cinq ans si nous doublions nos exportations vers le continent africain".
"L'Afrique n'est pas, ne peut pas être le récipiendaire de notre aide au développement, ni le terrain gardé de situations acquises, qui en réalité ne le sont plus", a déclaré le ministre de l'Economie Pierre Moscovici à l'ouverture du forum. Il a appelé à l'ouverture entre les pays d'Afrique et la France d'un "agenda commun (...) construit évidemment autour des entreprises".
Rôle moteur du secteur privé "Selon certaines estimations, le secteur privé est le moteur de la croissance du continent, il contribuerait à près de 80% du PIB et créerait environ 90% de tous les emplois", a pour sa part déclaré le président ivoirien, Alassane Ouattara.
Abondant en ce sens, la ministre nigériane a estimé que la réunion de mercredi avait été "utile (...) parce qu'elle avait réuni autour de la table des entrepreneurs sérieux". Rappelant que l'investissement Sud-Sud avait pris le dessus en Afrique, Mme Okonjo-Iweala a déclaré à l'AFP en marge de la conférence que la France était "un peu en retard sur cette conception des choses".
"Je suis venu dire aux entreprises française d'accentuer leurs investissements et de le faire dans la réciprocité", a insisté pour sa part François Hollande, estimant que Paris devait aussi "favoriser l'installation d'entrepreneurs africains en France".
"Je pense que le regard vers l'Afrique, sur l'Afrique doit profondément changer", a-t-il estimé en annonçant la création d'une "fondation franco-africaine pour la croissance" à laquelle seraient associés les patronats africain et français.
Les organisations patronale française Medef et africaine Business Africa ont émis mercredi plusieurs propositions communes, notamment dans le domaine des infrastructures, de la formation et de l'innovation.
Mais l'"image positive" véhiculée par une Afrique jeune, à la croissance de plus de 5% en moyenne ces dix dernières années "ne doit pas cacher que l'Afrique subsaharienne reste aussi la région la plus pauvre du monde", a tempéré mercredi l'ONG One dans un communiqué.
"Le partenariat économique entre la France et l'Afrique doit avant tout être le moteur du développement pour l'Afrique et pour tous les citoyens africains et contribuer à la lutte contre l'extrême pauvreté" , a déclaré One.