PROJECTION – HAMEDINE KANE, RÉALISATEUR DE LA MAISON BLEUE : «JE VOULAIS FAIRE UN FILM DIFFÈRENT»
Le film de Hamedine Kane, La Maison Bleue, a été projeté au mois de décembre dans le quartier de Ndar-Toute, à Saint-Louis.
Le film de Hamedine Kane, La Maison Bleue, a été projeté au mois de décembre dans le quartier de Ndar-Toute, à Saint-Louis. Cette projection est une étape supplémentaire pour ce film qui raconte comment Alpha, migrant sénégalais, se projette avec son identité et sa sensibilité artistique, dans la jungle de Calais.
Quand on quitte tout pour partir à l’aventure, l’on emporte forcément sa culture. C’est ce que nous rappelle l’histoire de Alpha, l’ami d’enfance de l’artiste et réalisateur, Hame¬dine Kane, qui a planté sa case au cœur de la jungle de Calais, en France. Une belle case coiffée d’un toit en chaume et dont les murs recouverts d’une toile bleue, lui inspirent ce nom de La Maison Bleue. En sélection officielle du Festival international du film documentaire de Saint-Louis, le film a été projeté en plein air à Ndar-Toute.
La Maison Bleue raconte la vie d’artiste de Alpha, au milieu des 11 000 migrants qui occupent la jungle de Calais. Parti du Sénégal en 2005, il a bourlingué pendant des années, avant d’échouer dans cette jungle et d’y transposer son identité peule. «Alpha est parti du Sénégal en 2005 et il est passé par la Syrie, la Turquie et la Grèce. Ça a duré 10 ans, avant qu’il n’arrive à Calais», racontait le réalisateur il y a quelques semaines, après une projection au Centre culturel français de Dakar. Depuis, le film aussi a voyagé et été vu dans des maisons communautaires de Dakar et sa banlieue, et le réalisateur prévoit de le montrer à Dimat, le village dont Alpha et lui sont originaires. La Maison bleue parle de migration, mais la touche du réalisateur en fait une œuvre sur la vie, l’exil et le voyage. Dans un huis-clos que ne viennent perturber que quelques interactions avec ses voisins, le réalisateur et son ami se remémorent leur enfance. «Je vivais en France et un jour, j’écoute la radio et la journaliste fait un reportage sur la jungle de Calais, et je reconnais la voix de Alpha. Et je commence à le chercher.»
Ainsi commence cette aventure, qui donne naissance à un film délicat et sensible. Pendant deux années, Hame¬dine fait des va-et-vient entre son lieu de résidence et Calais, pour filmer son ami. «Quand on faisait le film, il y avait quand même 11 000 personnes qui vivaient là. Et la jungle de Calais, on la voyait tout le temps à la télé. Entre 2015 et 2017, il y a eu la plus grosse production d’images sur ce lieu, parce que c’était diffèrent, chaud, polémique, an¬goissant. Je voulais prendre le contre-pied de ça et qu’on ne voie pas que des ombres qui passent, mais quelqu’un avec son individualité, avec un parcours très particulier, et d’aller au bout de son histoire, son parcours et son humanité», explique Hamedine. Lui-même a connu ce parcours migratoire et vécu en centre d’accueil pour demandeur d’asile. Et auprès de Alpha, c’est toute sa hantise pour cette thématique qui l’habite, qu’il fait apparaître. Mais, en demeurant dans cet espace où le temps est aboli et les souvenirs d’enfance racontés comme à la veillée, sous la douce musique d’une guitare. Comme autant de réminiscence de ce lointain chez soi. Quand Alpha parle de son troupeau, le Peul en lui refait surface. Et ce n’est point un hasard, s’il raconte avoir été sauvé par l’ombre protectrice d’un troupeau de moutons, durant une de ses aventureuses traversées des frontières aux confins de l’Europe.
Si le film est souvent desservi par une caméra trop mobile et des images de nuit pas très élaborées, il garde sa force grâce au personnage attachant de Alpha. Et le réalisateur assume d’ailleurs ces choix techniques. «Je voulais faire un film intimiste, diffèrent des images qu’on avait l’habitude de voir dans cette jungle. Autour de la jungle, du migrant, de l’exilé.» Présenté en première mondiale au Festival international d’Ams¬terdam, La Maison Bleue a obtenu une mention du jury. Le même accueil lui a été réservé à Saint-Louis, à l’occasion du Festival international du film documentaire.
Artiste et réalisateur
Artiste et réalisateur, Hame¬dine Kane s’est déjà fait un nom dans le monde de l’art. Ses expositions dans des foires et rencontres prestigieuses, ont fait sa renommée. A la Biennale de Dakar, à la Foire d’art africain contemporain 1-54 à Londres, en 2017, à la Fiac et à La Colonie (barrée) à Paris, en 2018, tout comme en 2019, quand il participe à la Triennale d’architecture d’Os¬lo et à la Biennale du Ghetto de Port-au-Prince en Haïti, au Partcours 8 à Dakar et à la VIe Biennale de Lubumbashi, le talent de l’artiste ne fait pas de doute. Sa dernière exposition, projet de recherche réalisé avec Stéphane Verlet-Bottéro sur les thèmes de la mémoire et du patrimoine. Ecole des Mutants, une enquête artistique sur les luttes foncières et l’utopie politique à Dakar, a été montrée au Raw material et dans des biennales réputées.