LE RITE, LE CLAN ET L'ENFANCE
OBSÈQUES DE MANDELA À QUNU
QUNU (Afrique du Sud), 13 déc 2013 (AFP) - Les rites xhosas, notamment le sacrifice d'un boeuf, la communication avec les ancêtres, l'accompagnement de l'esprit du défunt, imprègneront les funérailles de Nelson Mandela dimanche dans le village de son enfance à Qunu, au Cap oriental (sud-est).
Après les dirigeants politiques du monde mardi, après les dizaines de milliers de Sud-Africains recueillis devant sa dépouille depuis mercredi, c'est le clan de Mandela, plus particulièrement les anciens, qui joueront les premiers rôles d'une cérémonie en grande partie privée, malgré la présence d'officiels et de personnalités étrangères restées en Afrique du Sud.
"Des funérailles sont une cérémonie complexe qui demande notamment de communiquer avec les ancêtres et de permettre à l'esprit du défunt de reposer", a expliqué le chef Jonginyaniso Mtirara, du clan Thembu dont était issu Mandela.
"Verser du sang animal constitue une part très importante du processus de l'enterrement", souligne-t-il. Aussi un boeuf sera sacrifié le matin de l'inhumation, sur la propriété de Mandela, sur les grasses et lumineuses collines du Transkei.
La cérémonie sera empreinte d'un retour vers le passé de Mandela, dans cette région où il passa son enfance, qu'il décrivit avec amour, et où il a dit par le passé qu'il viendrait reposer.
Ainsi, les intervenants l'appelleront Dalibhunga ("le créateur, l'organisateur du dialogue"), reprenant le nom qui lui fut donné à son initiation rituelle, à 16 ans, marquant le passage de l'enfance à l'âge adulte. Les aînés du clan en charge "Aaah! Dalibhunga", selon l'apostrophe consacrée, sera ainsi crié a trois reprises, lorsque sa dépouille arrivera dans sa propriété, et répété plusieurs fois lors de la cérémonie et des hommages.
Themba Matanzima, porte-parole de la famille Mandela, a expliqué cette semaine qu'un aîné du clan aura la charge de communiquer avec l'esprit de Mandela pour l'informer des déplacements du corps, notamment le transfert de Pretoria samedi vers le Cap Oriental.
"Ce sera fait à son départ du Gauteng (province de Pretoria) pour Qunu, en accord avec notre coutume", a-t-il déclaré au Daily Dispatch, expliquant que l'esprit du défunt peut devenir inquiet si on ne l'informe pas des voyages.
Toujours selon la coutume, ce sont des aînés du clan qui veilleront la dépouille dans la nuit de samedi à dimanche, selon Matanzima. Eux aussi qui prendront la parole autour de la tombe. D'autres rites seront pratiqués, mais le porte-parole a souligné qu'ils demeuraient privés.
Obsèques rituelles, mais pas royales: bien que Mandela appartînt à la noblesse coutumière, la famille royale xhosa des Thembu, il n'avait pas lui-même statut de roi, explique l'historien Mda Mda.
Une touche religieuse sera présente: Nelson Mandela ne parlait pas de sa religion, mais une partie de sa famille a des racines méthodistes, lui-même fréquenta l'école de missionnaires méthodistes, et un pasteur méthodiste célébra son mariage en 1998 avec Graça Machel.
La politique devrait s'effacer. La cheffe coutumière Nolkuzola Mndende, présidente de la Commission des affaires traditionnelles du Cap Oriental, a mis en garde les autorités. Inhumé avec ses enfants "Nous suivrons les rites traditionnels et le gouvernement doit rester en retrait et ne pas s'en mêler", a-t-elle déclaré à l'AFP.
"S'il intervient, les ancêtres ne l'accepteront pas et cela portera tort aux membres de la famille qui survivent (à Mandela), car son esprit reviendra les hanter".
Nelson Mandela, mort le 5 décembre à 95 ans, reposera aux côtés de trois de ses enfants: une fille morte bébé en 1948, et deux fils, Thembekile mort à 24 ans d'un accident de voiture en 1969, et Makgatho mort à 55 ans du sida en 2005.
Ils avaient été exhumés en juillet au village natal de Mandela, à Mvezo (à 20 km) puis ré-enterrés à Qunu, à la suite d'une dispute familiale. Il y a quelques mois, la fille aînée de Mandela, Makaziwe, avait expliqué dans une interview, à la SABC, que la tombe de Mandela, située sur la propriété, ne deviendrait en aucun cas un lieu de pèlerinage.
Il n'est pas rare, dans des zones rurales d'Afrique, d'inhumer les membres de la famille sur ses terres. Et les tombes des Mandela à Qunu sont cachées au public par un mur de pierre, et de la végétation.
"Les cimetières familiaux (...) ne sont pas publics", hormis lorsqu'on invite des gens à l'enterrement d'un être cher, avait déclaré Makaziwe. "Après cela, ils deviennent un lieu familial sacré".