LES RÉSULTATS DES LÉGISLATIVES CONSTITUENT POUR LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE, UNE OPPORTUNITÉ
Depuis son accession à l’indépendance, le Sénégal se trouve confronté à une évolution mouvementée de son histoire politique, faite de succession de périodes d’ouverture et de fermeture de l’espace civique et politique
Depuis son accession à l’indépendance, le Sénégal se trouve confronté à une évolution mouvementée de son histoire politique, faite de succession de périodes d’ouverture et de fermeture de l’espace civique et politique.
Ce mode de progression de la démocratie sénégalaise, établît ainsi des moments de confrontation, alternés à des moments respiration démocratique et parfois même de restructuration du champs politique.
Aussi, sous ce rapport, nous a-t- il paru intéressant de tenter d’analyser les tendances que dessinent aujourd’hui, les résultats sans précédent des élections législatives du 31 juillet 2022 et leurs impacts sur l’état du modèle démocratique sénégalais.
A cet égard, on peut constater, que ces élections ont abouti pour la première fois, à la perte par la coalition au pouvoir, de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et consacré une forte percée de l’opposition, qui bénéficie d’une position non négligeable de contre- pouvoir au sein de la nouvelle assemblée.
Retenons qu’en outre cette situation est consécutive, à une séquence politique qui a duré, presque une décennie durant laquelle, l’on a assisté à une fermeture progressive de l’espace politique, que l’on peut faire remonter au procès de Monsieur Karim Wade, et à son emprisonnement pour ‘’enrichissement illicite’’ par la CREI.
Pour mémoire, rappelons que cette période se déroule jusqu’aux élections législatives de 2022, et se trouve jalonnée par de nombreuses tensions politiques, d’affaires politico- judiciaires, de manifestations interdites voire réprimées, de confrontations sur le processus électoral, de violences ainsi que d’emprisonnements.
Pourtant, conformément à notre assertion du début, on aura remarqué que durant la période située sous le magistère du président Wade qui a précédé, s’est développé une grande ouverture de l’espace politique marquée notamment, par un accroissement de la liberté de presse, la constitutionalisation de la liberté de marche, la mise en place de la CENA et du CNRA, l’explosion du paysage médiatique, ainsi que l’abaissement du nombre de députés à dix pour créer un groupe parlementaire.
Aujourd’hui, à la suite des dernières élections législatives du 31 juillet 2022, le Sénégal vient encore une fois, par la magie de l’histoire et sous la poussée de la volonté populaire, de jeter les bases d’une nouvelle ouverture de l’espace politique et institutionnel, vingt ans après le mouvement de réforme qui a accompagné et donné sens à la première alternance, de 1992 à 2000, et qui se prolonge jusqu’au lendemain de la seconde alternance.
On retiendra également, aussi curieusement que cela puisse paraître, que cette période d’ouverture et de réforme, sans doute la plus longue, est-elle même consécutive à une séquence politique tout aussi longue, de fermeture de l’espace civique et politique, de 1971 à 1992. C’est dire, que les résultats des législatives de juillet 2022, constituent pour la démocratie sénégalaise, une importante opportunité, en ce qu’ils ont montré le sens du vote des citoyens sénégalais, pour à la fois, l’institutionnalisation d’une ouverture de l’espace politique, et d’une démocratie parlementaire renouvelée, délibérative et participative, pleinement en phase avec les aspirations et préoccupations du peuple.
Dans cette perspective, en renouant avec les missions régaliennes avec lesquelles, elle n’aurait jamais dû rompre, de contre- pouvoir, de délibération et de représentation, qui constituent le bloc normatif sur lequel repose toute l’activité parlementaire, la nouvelle Assemblée nationale, contribuerait sans aucun doute, à la re légitimation et à la réorientation salutaire de l’action parlementaire...
Ainsi, l’action de l’institution parlementaire occuperait, de plus en plus, une place centrale dans l’équilibre et la séparation des pouvoirs, toutes choses qui pourraient garantir, â partir de maintenant, une ouverture et une démocratisation durables, de l’espace civique et politique sénégalais.
Cependant, en raison non seulement de la nature du régime politique hybride dans lequel nous sommes, de ses incohérences et de ses contradictions, mais aussi et surtout, de la conception asymétrique, que les hommes politiques ont gardé de la notion de rapport des forces, on peut affirmer sans risque de se tromper, que rien de tout cela ne sera possible si les acteurs politiques ne se hissent pas à la hauteur des enjeux et défis, que posent la nouvelle configuration de l’assemblée nationale â la quatorzième législature.
Dans ce contexte, force est de reconnaître, que la posture du Président de la République, qui sera déterminante, à bien des égards, en raison essentiellement de sa position de détenteur principal du pouvoir exécutif, dans un régime où le président demeure la clé de voûte des institutions, sera assurément un élément de complication supplémentaire, dans la capacité de la prochaine Assemblée nationale à relever les défis de la quatorzième législature.
C’est pourquoi, pour aborder avec succès cette nouvelle législature, il me parait plus que jamais utile, dans le cadre d’une transition dont les termes restent à définir, de mettre le modèle démocratique sénégalais sur le divan, pour l’ausculter, l’interroger, et lui administrer les remèdes appropriés, en dehors de toute approche historique d’analyse du processus politique de la démocratie sénégalaise. Il me semble, que c’est là, la seule option pour le débarrasser de ses pathologies paralysantes, chrisogènes, et déstabilisatrices, en vue de le placer définitivement dans la voie de la stabilité, de la paix sociale et du développement.